Olivier Nasti et Ô-Brion – Récit d’une matinée sur les hauteurs du Lac Blanc !
Olivier Nasti et Ô-Brion – Récit d’une matinée sur les hauteurs du Lac Blanc !
La scène se déroule au mois de septembre, quelques semaines seulement après que Gwendal Poullennec , le directeur du Guide Michelin de passage dans la région a demandé à accompagner le chef Olivier Nasti lors d’une de ses sorties en observation sur les hauteurs du Lac Blanc. Un saut dans l’univers du chef Olivier Nasti et une expérience riche en découvertes dans un cadre absolument sublime que nous avons pu parcourir aux côtés du chef et que nous tenions à partager avec vous !
Retour sur une matinée d’observation sur les hauteurs du Lac Blanc aux côté du chef Olivier Nasti !
Il est 5h30 ce matin là lorsqu’au fond de la cours du Chambard le chef Olivier Nasti arrive avec son 4*4. Il sort de la voiture accompagné de Ô-Brion, son jeune binôme. Un chien de chasse de moins d’un an encore en cours d’entraînement et qui accompagne le chef sur chacune de ses sorties. Les deux font la paire, comme vous pouvez le voir sur la photo de couverture, Ô-Brion possède un collier Bleu Blanc Rouge « MOF » en référence au titre de son maître. À peine arrivé, le restaurant ouvert et l’alarme désactivée, nous nous dirigeons vers l’office pour prendre un café histoire de nous réchauffer et de nous réveiller un peu…Olivier Nasti dans les cuisines du Chambard. Lors de notre montée vers le lac blanc nous observons avec émerveillement cette vue avec en contrebas le village d’Orbey à peine éclairé.
Quelques minutes plus tard, nous arrivons. Nous sortirons discrètement de la voiture pour ne pas alerter les animaux interdiction de parler puis nous remontrons les pistes de ski jusqu’aux hauteurs du lac blanc. Aux cotés d’Olivier Nasti et toujours au même niveau que son maître, Ô-Brion flaire une piste. Il s’agit probablement de celle du grand cerf que le chef a repéré quelques jours plus tôt.
Nous sommes en pleine période du brame du cerf, le cri que pousse l’animal pour attirer les femelles et qui manque de chance pour lui dévoile sa position. Nous entendrons à plusieurs reprises le brame sans toutefois pouvoir voir le cerf. Le brame se déroule courant du mois de septembre.
Au milieu des pistes, nous prenons le temps d’observer le lever de soleil dans un calme presque absolu nous faisant entrer en communion avec notre environnement. Nos sens s’ouvrent et nous commençons à prêter une attention toute particulière à chaque bruit qui nous entoure, à chacune des sensations que nous percevons. L’excitation de cet instant est décuplée, le stress monte dans l’attente de voir les premiers animaux et de l’autre coté, la vue, mais aussi l’air frais, humide et parfumé par la flore environnante vient nous apaiser lors de notre avancée.
Il ne se passera que quelques secondes avant que le chef attire notre attention. « Regardez là-bas » – toute une famille de chamois traverse la piste, il y en a au-moins 6, peut-être plus ! La scène est hors du temps. Un chamois s’arrête un instant pour observer les alentours et attendre le petit dernier, mais il ne nous verra pas.
Le principe de base est d’approcher tout doucement de sa proie de sorte que l’animal ne soit pas inquiété puis de prendre le temps avec une paire de jumelles de l’observer et pour savoir si s’agit d’un mâle, d’une femelle et d’estimer son âge. En général, l’observation dure 10-20 minutes permettant ainsi au chasseur de faire le bon choix, car il faut rappeler que les chasseurs ont des quotas imposés à respecter permettant une régulation logique de la population de gibier.
Quand un animal est mal chassé, il est stressé et sa chaire devient fiévreuse et rigide. Olivier Nasti nous expliquera que les chasseurs d’aujourd’hui prêtent une attention particulière à prélever l’animal dans de bonnes conditions connaissant les standards qualitatifs et de respect de l’animal imposés par le chef.
Nous continuons la progression sur de petits sentiers forestiers en faisant attention à chacun de nos pas alors que le chef, habitué des lieux observe les alentours à la recherche d’un mouvement ou d’un bruit susceptible de dévoiler la position d’une proie.Les animaux ont ici dévoré le lichen de cet arbre. Chose fréquente quand ceux-ci manquent de nourriture et qui atteste de leur présence dans les environs.Nous longeons maintenant la crête surplombant le lac blanc et prenons la direction du « cirque » un espace privilégié des chamois. Vous pouvez ici admirer les reflets la beauté des paysages et des reflets dans le lac.Lors de notre avancée, le chef se baisse et ramasse un mégot de cigarette, bouillonnant de l’intérieur par ce manque de respect, il nous le montre et le met dans sa poche avant de continuer sa route.Ça y est, nous arrivons sur le cirque. Olivier Nasti prend appui sur son bâton y dépose ses jumelles et observe la scène.
Nous voici dissimulés derrière des arbustes à observer plus d’une vingtaine de chamois ne se doutant pas de notre présence. Vous pouvez en apercevoir quelques-uns en file indienne au centre de la photo.Portrait du chef sur les hauteurs du lac blanc.Ô-Brion, un temps resté en retrait pour nous permettre une meilleure observation, nous rejoint pour observer les chamois.Voici la vue du cirque, un espace rocheux circulaire dont les pentes sont abruptes et qui est apprécié des chamois d’Alsace. Ce matin-là, les animaux ont décidé de prendre une position plus basse, un point critique pour un chasseur car il faut que celui-ci puisse récupérer l’animal une fois qu’il a décidé de le prélever. Imaginez donc qu’il faille descendre puis remonter une prise de 80kg ou plus…
Voici de la gentiane sauvage, une espèce aujourd’hui protégée que l’on utilise pour réaliser des eaux de vie, des liqueurs et des apéritifs. Olivier Nasti et Ô-Brion sur les hauteurs du Lac Blanc.Après ce temps d’observation nous décidons de rebrousser chemin. Le lac Blanc est maintenant derrière nous et nous voici face aux Vosges et à la Lorraine.
Nous traversons un champs de myrtilles des Vosges. Nous pouvons maintenant parler, les animaux sont loins. Sur le chemin nous posons quelques questions au chef.
L’objectif d’un chef n’est-il aujourd’hui pas un peu paradoxal entre le fait de vouloir être reconnu par un guide ou un classement alors que le réel objectif est en fait de trouver et de partager son propre style ?
C’est un peu la logique dans laquelle nous étions ils y a 5-6 ans. Nous avions 7 entreprises plus de 200 employés et nous étions concentrés sur l’atteinte d’un objectif. J’avais ainsi atteint ma propre ambition, 2* au Guide Michelin, 4 toques au Gault&Millau, le MOF… Au Final, je me suis posé les bonnes questions et je vous assure que je n’aurais aujourd’hui plus l’envie d’adhérer à cette vision de la profession.
Que pensez-vous des jeunes chefs d’aujourd’hui ?
Il y a 30 ans, les chefs ont découvert qu’ils pouvaient sortir de leur cuisine pour faire du business, mais de nos jours, la cuisine demande tellement de concentration, on ne laisse plus passer aucune erreur et les chefs se recentrent de plus en plus sur leur cuisine et souvent dans de petites structures pour être au plus proche de leur personnel.
Quel regard portez-vous sur la gestion du personnel ?
Au-delà du manque de personnel, nous faisons face à des situations de plus en plus difficiles. Récemment, le sous-chef d’un ami a annoncé son départ dans les 3 semaines, en pleine saison et après 12 ans de collaboration, car il allait reprendre la cuisine d’un restaurant concurrent. Ce type de comportement est en quelque sorte un grave manque de respect. J’ai personnellement également vécu cette situation de même que de nombreux autres chefs que je connais…
Une oxalis…En-face : vue du domaine de chasse depuis le contrebas à l’opposé du lac blanc. Nous prenons maintenant la direction d’une clairière afin de récolter de la Bruyère de callune.
En voiture, Ô-Brion, un peu fatigué observe la route.Nous passons au travers de quelques barbelés et nous voici dans la clairière dans laquelle le chef récolte ses plantes.
Le chef, armé de ses ciseaux et de son panier en osier arpente les abords de la clairière à la recherche des plantes et herbes qu’il utilisera dans sa cuisine. Il recherche principalement du genièvre et de la bruyère de callune.
Ici, la récolte de la bruyère de callune Ici du genièvre… Le panier est plein, nous pouvons retourner au restaurant. Sur le chemin du retour nous croisons un élevage de Yaks…
Retour à 9h15 de notre périple aura duré un peu moins de 3 heures. En cuisine, on vient voir la récolte du chef.Gros plan sur le panier rapporté par le Olivier Nasti ce matin.À peine rentré le chef passe par le fourneau pour préparer le petit déjeuner de Haut-Brion qui attend sagement dans la pièce du chef.Du riz, de la viande, un peu de bouillon, Ô-Brion attend sagement l’ordre du chef pour commencer son repas.On termine ce reportage par un petit déjeuner au passe du Chambard. Une matinée et un moment de convivialité unique dont nous nous rappellerons toujours !
Copyright Food&Sens / Guillaume Erblang