Vivien Sonzogni, chef pâtissier de « Caprice », le nouveau 3 étoiles Michelin à Hong Kong : « J’aime le caractère éphémère du dessert à l’assiette »
À Hong Kong, le restaurant français Caprice enchante l’hôtel Four Seasons de sa symphonie gourmande. Niché au sixième étage de cet imposant hôtel, d’où il embrasse une vue plongeante sur Victoria Harbour, ce restaurant fait les belles heures de la scène gastronomique hongkongaise. Conduit par le chef Guillaume Galliot, Caprice vient de décrocher sa troisième étoile, proclamée par le guide Michelin Hong Kong-Macao le 11 décembre dernier. À l’occasion de cette troisième étoile, F&S a interviewé par téléphone le jeune chef pâtissier Vivien Sonzogni, qui procède aux destinées sucrées de Caprice. Un entretien à découvrir ci-dessous.
F&S : Parlez-nous de votre parcours ?
Vivien Sonzogni : J’ai suivi une formation au lycée hôtelier de Poligny, dans le Jura, au cours de laquelle j’ai été amené à faire différents stages (chez les chefs Loiseau puis Martinez, et enfin au Château de Bagnols. Puis j’ai participé au championnat de France des desserts, en catégorie junior. C’était en 2011, et je suis arrivé troisième. Le champion de cette année-là, Arthur Fèvre, cherchait à former son équipe ; et il m’a contacté. Je l’ai donc rejoint Aux Crayères, à Reims. J’y suis resté deux ans. J’ai ensuite travaillé au Château de Germigney, un autre Relais & Châteaux, qui a eu 1 étoile pendant 19 années consécutives. Après quoi, ma compagne et moi sommes partis pour l’Écosse. Nous y avons travaillé pendant un an, au Gleneagles Hotel. Puis on m’a proposé de rejoindre l’équipe du Caprice à Hong Kong, au Four Seasons. Cela fait 1 an et demi maintenant que j’y travaille. J’ai repris le poste de chef pâtissier il y a un an. Pour l’anecdote, j’ai commencé là-bas en tant que cuisinier, même si j’ai toujours fait de la pâtisserie aussi. Suite au départ de Nicolas Lambert, meilleur chef pâtissier de Hong Kong et d’Asie, le chef Guillaume Galliot m’a proposé de reprendre le poste de chef pâtissier ; c’est lui qui m’a permis de me sentir prêt pour ce défi. Depuis, les résultats sont là : on vient de décrocher la troisième étoile. Quant à moi, j’ai reçu en 2018 le titre de Meilleur chef pâtissier de Hong Kong-Macao par le magazine Tatler…
F&S : Caprice a obtenu en 2019 sa troisième étoile Michelin ; ces trois étoiles, qu’est-ce que ça fait ?
V.S. : C’est incroyable. Caprice a de nouveau trois étoiles, comme c’était le cas du temps du chef Thierry Vincent. Du coup, le Four Seasons de Hong Kong est l’hôtel le plus étoilé du monde : il y a le restaurant chinois Lung King Heen’s, qui a trois étoiles Michelin, et qui est mené par le chef Tak, une légende, une sorte de Paul Bocuse local ; il y a le Sushi Saito, qui a pris deux étoiles Michelin dès sa première année d’ouverture ; et il y a le Caprice, qui a trois étoiles depuis 2019. Ce qui fait 8 étoiles Michelin dans le même hôtel.
F&S : Parlons des desserts du Caprice ; présentez-nous vos créations ?
V.S. : Alors : le midi, nous avons trois desserts spéciaux ; et le soir, nous proposons cinq desserts à la carte, ainsi que deux desserts en menu. Le menu carte blanche change régulièrement. Quant au dessert emblématique de Caprice, il s’agit du soufflé. La version à l’amande a beaucoup marqué les clients, et depuis, nous le déclinons au fil des saisons. Par ailleurs, j’ai proposé également une version du dessert que j’avais présenté au championnat de France de pâtisserie ; il s’agit d’une mousse de chocolat guanaja, un sorbet passion et coriandre, et une espuma de cacao. Sinon, je propose en ce moment des desserts plus printaniers, tels que le calisson exotique à la mangue, biscuit noix de coco et sorbet passion coriandre. Côté ingrédients, ils nous viennent presque tous de France ; en ce sens, Caprice est un authentique restaurant français. Et puis, je crée les desserts en conformité avec les saisons françaises. De plus, la générosité des portions, les mets proposés (de l’amuse-bouche, en passant par les entrées, plats, pré-desserts, petits fours puis tarte aux pommes), tout est là pour qu’on puisse expérimenter un vrai repas à la française, exactement comme si on était en France.
F&S : Quel est votre objectif lorsque vous concevez un dessert ?
V.S. : Ce qui m’importe beaucoup, c’est de faire des desserts à l’assiette. Des desserts de restaurant, donc. On travaille le service à la minute, tout est assemblé à la commande. J’aime ce caractère éphémère du dessert à l’assiette ; on est dans l’expérience gastronomique. Côté goûts, j’aime beaucoup l’acide (j’ai d’ailleurs dû en réduire l’usage pour pouvoir convenir à la clientèle locale, peu friande en acidité) ; ils redonnent un coup de frais en fin de repas. C’est idéal pour ne pas terminer sur une sensation de lourdeur.
F&S : Prenez-vous en compte la tendance actuelle qui est à la réduction de l’usage du sucre ?
V.S. : Oui bien sûr, je suis dans cet effort de la juste dose du sucre. Le sucre étant un exhausteur de goût, il s’agit de chercher le bon équilibre. Au niveau des matières grasses en revanche, je ne me restreins pas ; je ne suis pas dans la diète. Ceci dit, je vais toujours essayer d’avoir des desserts qui conviennent à tout le monde. Par exemple, il y a toujours un dessert au chocolat ; et un dessert vegan et sans gluten. Nous avons aussi toute une gamme de petits fours pensés spécialement pour les personnes qui ont des allergies. De la sorte, elles peuvent accéder elles aussi à une véritable expérience gastronomique, digne d’un trois étoiles.
F&S : S’il fallait choisir entre le goût et l’esthétisme du dessert, de quel côté vous situeriez-vous ?
V.S. : Au Caprice, la chose la plus importante, c’est le goût. L’esthétisme, certes, mais le goût d’abord. C’est lui qui forge notre ligne directrice. Mais on travaille bien sûr l’esthétisme aussi. Si la présentation est trop simple, et que vous pouvez refaire la même chose chez vous, c’est moins drôle…
F&S : Aujourd’hui, les pâtissiers semblent prendre le pas en terme de notoriété et de visibilité sur les chefs, d’autant que leurs créations sont hautement instagramables ; que pensez-vous de ce phénomène ?
V.S. : C’est bien que chacun puisse être mis en avant ; sans que ce soit au détriment de l’un ou de l’autre. Dans un restaurant, le chef pâtissier ne travaillera jamais sans le chef. Ils forment une équipe. Plus généralement, je dirais que l’intérêt nouveau qu’a porté le Michelin cette année aux chefs pâtissiers est une bonne chose ; j’ai trouvé ça bien. Bien souvent, on ne sait pas qui est le chef pâtissier de tel ou tel grand restaurant. Donc braquer les projecteurs sur eux, c’est sympa. Ceci dit, la mise en avant à tout prix, je ne trouve pas ça très intéressant ; le timing aussi importe. Quand on voit des photos de bûches de Noël publiées en juillet, ou des photos de galettes des rois publiées en décembre, je trouve ça plutôt bof.
F&S : Quels sont les chefs pâtissiers qui vous inspirent ?
V.S. : Pour moi, Benoît Charvet (chez Georges Blanc) est le plus impressionnant. Dans son style, il est le seul à faire ce qu’il fait. J’aime aussi beaucoup François Perret du Ritz ; il a été un fer de lance. Il y a aussi Lucile Darosey, à Dijon, qui a d’ailleurs été distinguée dans la catégorie « Passion Dessert 2019 » du Michelin ; Arthur Fèvre, avec qui j’ai travaillé ; Michael Bartocetti ; Jémérie Bousseau, le chef pâtissier du deux étoiles Anne de Bretagne. Il faut noter, d’ailleurs, que les chefs pâtissiers qui travaillent en province sont moins connus… Dommage.
F&S : Pour devenir célèbre (ou avant de l’être), les chefs pâtissiers ont souvent commencé dans un palace, qui leur sert de tremplin pour lancer leur carrière solo. Qu’en pensez-vous ?
V.S. : Tout dépend de ce qu’on veut faire plus tard. Si on veut devenir chef exécutif d’un palace, alors oui, c’est la voie royale. Les palaces ont davantage de moyens, notamment en terme de communication. Dans mon cas, ce n’est pas le fait d’être reconnu qui m’importe d’abord, mais bien celui d’apprendre de nouvelles techniques.
F&S : Vous qui vivez et travaillez à Hong Kong, parlez-nous de cette destination ?
V.S. : Du point de vue gastronomique, Hong Kong est vraiment top ; c’est tellement facile de bien manger dehors ici, que je cuisine très peu à la maison. De plus, les cuisines sont très variées ; il y a du cambodgien, du japonais, du vietnamien, du français… Et puis, la ville est très cosmopolite ; on y trouve beaucoup de Français. Rien que dans ma brigade, nous sommes trois Français. Hong Kong, c’est un peu comme un Londres asiatique. C’est the place to be du moment. En plus, il y a beaucoup d’étoilés à Hong Kong-Macao.
F&S : Quelles seraient vos envies professionnelles dans le futur ?
V.S. : Je pense rentrer en France un jour ; car je suis très attaché à mes racines. À mon retour, j’aimerais ouvrir une affaire qui soit orientée vers l’écologie et l’environnement ; ce que fait Laurent Petit au Clos des Sens, par exemple, est très inspirant. Je trouve son jardin de permaculture vraiment intéressant. D’ailleurs, mon objectif final, ce serait d’ouvrir une maison d’hôte de luxe ; à mon sens, c’est cela l’avenir de l’hôtellerie. Ma compagne Noémie et moi, on y recevrait des hôtes intéressants et passionnés, respectueux de l’environnement. Voilà mon idéal de vie ; partir au marché le matin, et avoir un frigo vide le soir.
F&S : Quels sont vos rapports avec le chef de Caprice, Guillaume Galliot ?
V.S. : Nous sommes proches, j’échange beaucoup avec lui. On fonctionne main dans la main, tout comme avec le sommelier. Dès que je sais qu’un produit va arriver, je demande au chef s’il a un souvenir particulier avec ce produit, et j’essaie de le reproduire dans le dessert. Disons que j’aime beaucoup la façon de travailler à Caprice ; nous sommes toute une équipe autour du chef, dans laquelle tout le monde a envie de faire avancer le restaurant, conformément à l’esprit du chef.
Propos recueillis par Anastasia Chelini
Photos: courtesy of Four Seasons Hotel Hong Kong
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