Mauviel 1830 – L’excellence des savoir-faire à la pointe de la modernité
Mauviel 1830 – L’excellence des savoir-faire à la pointe de la modernité
© Texte et photos : Julie Limont
Danseuse contemporaine d’une première vie, je suis aujourd’hui photographe passionnée par les gestes et les intentions qui les nourrissent, les savoir-faire et leur transmission, le soin pris à la valorisation du travail de l’ombre, dans le respect des métiers qui se perdent, et par les coulisses de la création, quelle qu’elle soit. J’ai donc la chance de parcourir les cuisines et laboratoires de grands chefs, mais également les ateliers d’artistes et d’artisans d’art, afin d’y découvrir implication et labeur, dans le plus noble sens de ce terme, en cette époque où travailler semble devenu un verbe avilissant voire obscène, sans lesquels la magie de l’excellence ne saurait opérer.
Il y a quelques mois de cela, époque révolue s’il en est puisqu’un TER parvint à me mener pour quelques heures en Normandie, jusqu’à la cité bucolique et bien nommée Villedieu-les-Poêles, j’allais donc visiter la sublime et non moins mythique manufacture Mauviel.
Bâtiment lumineux et spacieux, disposant de salles pouvant accueillir des séminaires d’une soixantaine de personnes, la pièce maîtresse est ici un show-room élégamment agencé par la maîtresse des lieux elle-même, et avec vue directe sur les ateliers, où sont très régulièrement organisées des visites parfaitement guidées.
J’ai rencontré Valérie Le Guern début 2018, à l’Ecole Ferrandi, lors de la première série d’entrainements de la Team France Bocuse d’Or, menée aux fourneaux par Matthieu Otto, alors que les équipes de Mauviel peaufinaient les derniers réglages avant de lancer la fabrication du plateau du concours.
J’ai d’emblée apprécié cette femme. Son style, sa détermination, sa personnalité, son audace, transparaissant jusque dans sa posture, et surtout sa liberté à tout questionner, dans un mélange de précision technique et d’une quasi-naïveté relevant d’un sens pratique ultime et primordial. Héritière de savoir-faire ancestraux, elle est aujourd’hui digne représentante de la 7ème génération à régir cette maison, et a su plus que brillamment négocier le virage du XXIème siècle, de la communication et du développement, sans jamais rien renier de son histoire.
Disques de cuivre après détourage. Ici sont travaillés le cuivre, l’inox, le cuivre inox, développé par M. Le Guern, la tôle noire, et l’aluminium, principalement pour l’aluminium revêtu
Sa force ? L’ouverture, la remise en question permanente, sans jamais transiger ni sur ses valeurs, ni sur la fonction première, nourricière, de tout ce qu’elle fabrique. De fait, aux côtés de ses équipes, elle ne cesse de réfléchir à de nouvelles gammes, matières, de nouveaux produits et fournisseurs, et à interroger sans relâche l’optimisation des process de fabrication, afin de toujours rester compétitifs, voire précurseurs. Elle a ainsi su propulser la marque à l’international, promouvant le Made in Normandie comme ultime poinçon de qualité, tout en continuant à développer de nouvelles facilités de services auprès des chefs qui lui sont fidèles et demeurent fiers de manier leurs batteries.
Ici passion et transmission sont au cœur des ateliers. Les pièces hors gabarit ou sur mesure encore martelées à la main, la dinanderie, élevée au rang de l’excellence, y portant encore ses lettres de noblesse, dans le pur respect des traditions. L’accent, bien évidemment mis sur le label de qualité, prône l’éco-responsabilité et la durabilité, loin du « consommable », « jetable » et de l’obsolescence programmée : les poêles sont rechapées, les pièces ré-étamées, dans le souci immanent que les objets perdurent.
Le suif, anciennement de la graisse de mouton, aujourd’hui synthétique, pour que le cuivre ne casse pas lors du repoussage pour former les ustensiles
Fabrication des « pommes vapeur »
Technique par repoussage à froid
Cette excellence de qualité a naturellement un coût, mais Valérie Le Guern, qui s’attache à aller à la rencontre de ses clients, qu’ils soient étoilées ou usagers amateurs, m’assure noter aujourd’hui un véritable changement sociétal : tous ont conscience que la valeur à un prix et semblent accepter à présent qu’investir dans du très bon matériel est autant un acte militant qu’une opération au final bien vite rentabilisée. Elle ajoute tout de même réfléchir à développer des entrées de gamme accessibles au plus grand nombre, sans en brader la conception, estimant que chacun, après avoir pris tant de soin à choisir de bons produits équitablement élevés ou récoltés, doit pouvoir les cuisiner au mieux.
Mise en forme de poêles, là aussi par repoussage à froid
Tant d’humanité et de responsabilité émanent de cet échange, et de cette femme qui porte en elle une histoire et un patrimoine exceptionnels, tout en y insufflant une touche résolument tournée vers l’avenir !
Son engagement la mène aujourd’hui également vers des collaborations avec des designers, à l’image de cette aventure avec les étudiants de l’ECAL, à Lausanne, tout en poursuivant les créations sur mesure auprès des chefs, tel ce plumier à carottes si poétiquement imaginé avec Sang- Hoon Degeimbre, ou les cocottes de Jean-François Piège.
Une très belle rencontre, et un bonheur à shooter, pour qui est fasciné par les gestes et l’amour du travail bien fait. Respect.
Graisseuse, avec lubrifiants différents selon l’épaisseur des métaux
Martelage, afin d’écrouir le cuivre (le rendre plus résistant)
Sortie du tunnel de lavage
Polissage de l’intérieur des casseroles
Carroussel de polissage (exterieur des ustensiles)
Ligne de montage, avec le perçage des ustensiles, deux trous pour la queue des poêles, ou quatre trous pour les oreilles
Poinçonnage
Moules à cannelés
Ilôt de chaudronnerie
Dans cette partie tout est réalisé à la main, avant de partir au réétamage. Rénovation des pièces, prototypes et pièces spécifiques ne passant pas dans les machines
Etamage et réétamage
Application du Blanc d’Espagne, afin d’éviter que l’étain ne colle à la hausse
Fonte des pépites d’étain
Retour au showroom pour une rencontre avec Valérie Le Guern
Le plumier à carottes, de Sang-Hoon Degeimbre
Mauviel partenaire des Bocuse d’Or
Mauviel acteur de la modernité, notamment via cette collaboration avec l’ECAL de Lausanne, et les étuditants designer
Outdoors, nouvelle gamme en plein développement