Martine Décoret – Maison Décoret à Vichy – : » … ce n’est peut-être pas nous qui aurons cette deuxième étoile, mais peut-être nos enfants »
Parmi les incohérences du guide Michelin, si il y a bien des établissements qui méritent leur deuxième étoile depuis fort longtemps, on pourrait citer La Grenouillère de Alexandre Gaultier, mais aussi Jacques Décoret à Vichy … incompréhension, mais aussi aucune logique chez Michelin… alors peut-être en 2017 ?
F&S va diffuser durant 24 h des articles qui font référence aux chefs pour la sortie du guide Michelin France 2017 demain.
Retrouvez l’interview du chef Jacques Décoret diffusé dans le journal La Montagne
Guide Michelin : Jacques Décoret espère décrocher une deuxième étoile
Le Guide Michelin 2017 sort demain. Comme chaque année, Jacques Décoret espère décrocher une deuxième étoile qui se refuse à lui depuis près de deux décennies.
En septembre, cela fera neuf ans que Jacques Décoret a installé son restaurant dans un chalet Napoléon III de Vichy. Avec son épouse Martine, l’unique chef étoilé de l’Allier, qui aura cinquante ans cette année, explique pourquoi il continue de croire à une deuxième étoile qui semble se refuser à lui.
La deuxième étoile, c’est enfin pour cette année ? On n’a aucun écho. Mais on a aujourd’hui les outils pour aller la chercher : le lieu, la cuisine, la cave, on est Relais & Châteaux, tout cela répond aux critères. Ce qui nous étonne nous-mêmes c’est que quand on regarde le Michelin, une étoile c’est « vaut l’étape ». Deux étoiles, c’est « vaut le détour ». Nous, depuis très longtemps, on constate que des clients viennent chez nous spécialement de loin, de Belgique ou de Suisse, par exemple. On attend donc cette deuxième étoile depuis des années.
Pourquoi ? On a besoin d’un deuxième macaron pour voir plus haut. Pour communiquer dessus, pour valoriser le travail de notre équipe mais aussi aller chercher de nouveaux clients, recevoir davantage de CV. C’est une spirale positive, et tout se suit. Pour la ville aussi cela aurait un impact, car la marche au-dessus apporterait une nouvelle clientèle. On n’a que cinq chambres, elles sont vite remplies, on envoie souvent nos clients dans d’autres hôtels. Cette étoile, si on ne l’a pas cette année, on continuera à travailler en espérant la décrocher les prochaines années.
Qu’est-ce qui pourrait avoir forcé la décision cette année ? Depuis quelques mois, on met en avant davantage encore notre région. Depuis décembre, jusqu’à maintenant, on a fait du sandre, un poisson produit localement. Mais quand je referai du bar, par exemple, je mettrai en avant le produit local que j’associerai à ce poisson de mer. « Bar » viendra ensuite. On vient de trouver quelqu’un qui produit des légumes du côté d’Arfeuilles. Un producteur d’escargots, aussi. On a toujours utilisé les produits locaux, mais on ne l’a peut-être pas assez dit, on ne les a peut-être pas assez mis en avant.
Après 10 ans dans l’ancien restaurant, vous avez déménagé. Que préparez-vous pour les vingt ans de la maison Décoret, en 2018 ? Cela fait déjà un an qu’on pense à la restructurer. On n’a pas encore remboursé tous nos emprunts (on en est loin), on n’a pas fini de rentabiliser les chambres que déjà, il faut penser à changer toute la décoration. On va rester comme ça jusqu’aux dix ans de ce restaurant et ensuite revoir l’ensemble. Le but, c’est que la clientèle, le personnel et nous-mêmes ne se lassent pas. Regardez chez Troisgros, depuis trente ans que je les connais, j’ai connu trois décors. Et là, ils sont carrément en train de déménager de Roanne à Ouches. En ce moment, on cherche le décorateur qui nous correspond. Et puis on fait aussi intervenir nos deux fils, Alexis (23 ans) et Antoine (19 ans). Ils sont jeunes, ils voient des choses que nous, on ne voit pas.
« Peut-être que ce sont nos enfants qui l’auront »
Vos fils vont-ils travailler avec vous ? Alexis est actuellement chez Matthieu Viannay (la Mère Brazier, à Lyon, deux macarons Michelin), Antoine vient de débuter une formation de pâtissier après son bac de cuisine. On a posé la question à Alexis, il nous a répondu, « oui je veux revenir à Vichy… mais pour travailler avec vous ». On s’est dit, « mince, on ne va donc pas pouvoir prendre la retraite tout de suite ! » Pour l’instant, Alexis prend son temps. En septembre, après la Mère Brazier, il sera chez Troisgros. Auparavant, il était chez Bignon, double étoilé, à Londres. Le jour où il voudra rentrer, dans deux, trois, cinq ans, il reviendra. S’il a envie de reprendre, il reprendra, sinon nous vendrons. Ma femme me dit : « Tu sais Jacques, ce n’est peut-être pas nous qui aurons cette deuxième étoile, mais peut-être nos enfants ». »
Laurent Bernard
copyright : V. Allirand
Vichy pour l’orthographe dans le titre !