À Saint-Bonnet-le-Froid, Jacques Marcon concilie l’excellence en cuisine et l’intelligence écologique «
Cet article déniché par une internaute fidèle de F&S vous amène en Haute-Loire dans la maison de la famille Marcon, où le fils – Jacques – a pris le relais de la maison familiale. Enracinés dans leur région d’origine, les chefs » père et fils » ont fait du respect de la nature le fil conducteur de leur trois étoiles perché en pleine nature, sur un terroir rude en hiver et généreux quand les douceurs reviennent.
Découvrez le bel article de Paule Masson pour L’Humanité, cliquez sur le LINK pour retrouver l’article en intégralité.
Dans ce petit village de Haute-Loire, la famille Marcon concilie l’excellence en cuisine et l’intelligence écologique. Pour Jacques, fils de Régis, chef de cuisine, le marché dicte le tempo d’une cuisine trois étoiles qui ne fait pas mentir sa réputation.
Il ne commence pas par montrer sa cuisine mais sa machine. Pour voir la machine, il faut pourtant traverser la cuisine. Au pas de course. Toujours pressé par le temps, un cuisinier va à l’essentiel et Jacques Marcon ne déroge pas à la règle. Calé à l’entrée d’un local exigu, le déshydratateur ronronne. L’engin est en pleine digestion. Les pluches, arêtes, os, coquilles, jusqu’à 200 kg par jour de déchets, sont patiemment chauffés, malaxés. Une fois secs, ils sont recrachés sous la forme d’une poudre à la douce odeur de café. Le cuisinier invite à toucher le grain brun de ce substrat qui va bientôt fertiliser les champs des pépiniéristes et des maraîchers du coin. Puis, exhibant un large sourire, il lâche : « Je donne l’engrais et récupère des légumes. » Tac ! Un circuit court sous forme de troc dans un des monuments de la haute gastronomie française, la visite de l’arrière-cour valait vraiment le détour.
Des producteurs qui laissent le temps aux choses
Trois étoiles veillent sur Saint-Bonnet-le-Froid, petit village au rude climat de Haute-Loire que la nature régale généreusement. Une montagne de plateaux, de la forêt d’arbres hauts, des baies à l’abri des ronces, des herbes sauvages partout écloses et des champignons tapis sous les feuilles, dehors, dans cette enclave loin de tout, comme dedans, dans l’hôtel restaurant triplement étoilé Régis et Jacques Marcon, tout est de pierre et de bois, offrant une composition où Dame Nature règne en maître. Ici, l’intelligence écologique n’est pas un vain mot. Les chambres troglodytes s’assemblent au paysage, l’eau est chauffée par géothermie, l’énergie provient du soleil, l’approvisionnement est local, la cuisine de saison, les déchets sont recyclés. L’établissement est le seul en France de ce standing à être certifié écolabel européen, le plus exigeant de tous. Une fierté pour le père, Régis, cuisinier hautement récompensé de la gastronomie française, le fils, Jacques, qui assure la relève, et toute la famille Marcon, cheville ouvrière d’une dynamique de développement local autour du tourisme gourmand à Saint-Bonnet.
« On fait un métier d’aubergiste », confie Jacques Marcon, qui ne rechigne pas à prêter la main au jardin ou à d’autres menues tâches que commande le quotidien d’un restaurant de 110 couverts par jour. Les courses restent son rayon, son plaisir personnel, sa certitude que les achats seront de qualité extra et vont pouvoir constituer sa base de gourmandise. « Petit, j’accompagnais mon père au marché. J’adorais ça. Aujourd’hui, chaque samedi matin, je file à Saint-Étienne pour assurer le ravitaillement », explique-t-il, avant, là encore, de traverser la cuisine pour ouvrir grand les frigos gorgés de légumes. Le marché dicte le tempo culinaire du chef qui, de plus en plus, imagine les créations gustatives de la maison. S’il apprécie de « travailler avec des producteurs qui laissent le temps aux choses », il ne compte pas le sien quand il s’agit d’inventer de nouvelles associations de saveurs. « On cherche en équipe. Régis goûte et on fait les ajustements », raconte-t-il, avant de lever un sourcil et d’annoncer, fier : « En fait, il aime de plus en plus. »
Le duo a peu à peu trouvé son équilibre dans la construction d’une relation qui n’efface pas celle du père et du fils mais donne de l’envergure aux échanges de cuisinier à cuisinier. « Il arrive qu’on s’engueule bien sûr et au final le ressenti du client prend toujours le dessus », raconte Jacques, qui a développé une complicité toute à lui avec les producteurs, pense une cuisine dont les maillons avec le terroir sont plus resserrés, n’hésite pas à construire tout un plat à partir du végétal, un cardon, par exemple, qui va venir s’associer à un ris de veau. Dans la brigade, le fils Jacques a gravi tous les échelons, de commis à chef de partie. Bac et BTS d’hôtellerie en poche, il est allé piocher dans l’expérience de quelques grands du milieu, avant de revenir sur Saint-Bonnet dont il devient chef de cuisine en 2008 quand Éric Pras, le sous-chef, part chez Lameloise, en Bourgogne.
En cuisine, pas de coup de gueule mais une rigueur qui en impose
Depuis, cet homme à l’allure frêle, qui ne manque pas de tempérament même si celui-ci se devine plus qu’il ne s’impose, suit son fil de patience. Loin de l’apparat qui entoure et souvent esquinte le monde de la gastronomie, il convie les relations humaines et authentiques dans son mode de vie. « Toute l’équipe travaille ensemble. Nos métiers sont difficiles. On est pris le soir, le week-end. Aujourd’hui, on ferme 2,5 jours par semaine, de septembre à octobre. On est en train de réfléchir comment alterner 4 jours de travail, 3 jours de repos », appuie-t-il. En cuisine, pas de coup de gueule mais une rigueur qui en impose. « J’aime que tout soit calé quand on démarre un service. En général, je commence aux amuse-bouches, puis aide aux entrées et je finis au chaud », ajoute-t-il, tandis que le ballet des gamelles entame son chant polyphonique.
Il faut beaucoup de travail, de patience et de ténacité pour atteindre la perfection …/…