zhu rou po

Zhu Rou Po (Shunde), classique cantonais

03 mai 2019  0  À la petite cuillère
 

signature-food-and-sensCuisine cantonaise. Deux mots qui ont roulé leur bosse, qui définissent la cuisine d’une grande partie de la diaspora chinoise. Longtemps, ils ont évoqué la notion même de cuisine chinoise hors de Chine. Quand on construisait les chemins de fer de l’Ouest américain, ils étaient là. Ils font encore fumer leur wok dans les beaux quartiers parisiens (« restaurant chinois-vietnamien », le plus souvent tenu par des familles de la diaspora sino-cambodgienne, sino-laotienne ou sino-vietnamienne), dans tous les Chinatown du monde. Il y a même des plats cantonais qui n’existent pas en Chine : l’omelette foo yong (qui, dans sa version d’origine, est un flan salé), le chop suey. Ils ont été pollinisés par la cuisine teochew, autre tradition du Guangdong.

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C’est grand, le delta : de Canton à Shunde, ça fait une trotte.

Avant-hier soir nous sommes allés dîner au restaurant Zhu Rou Po, à Shunde, et si vous voulez savoir ce qu’est l’expérience cantonaise au restaurant, ne cherchez pas ailleurs. 

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Huîtres dodues du delta du fleuve des Perles. On les mange cuites à la vapeur, avec ail et gingembre (par exemple).

On peut définir la cuisine cantonaise par un ensemble de traditions culinaires particulier au delta du fleuve des Perles. Canton, Dongguan, Macao, Zhongshan, Foshan, Hong Kong, Shenzhen, Shunde : ça en fait, des villes, entrecoupées de bras fluviaux, d’îles, de rizières, de potagers, de zones marécageuses et de grands développements urbains ; mais on considère Shunde comme le berceau de la cuisine cantonaise. De nombreuses spécialités culinaires dites cantonaises trouvent leur origine ici. De nombreux chefs cantonais sont de cette ville. Accessoirement, c’est aussi la ville natale de Bruce Lee.

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Jolie surprise en arrivant à Shunde : des rues spacieuses et ombragées, une immense école secondaire.

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Le portail de Zhu Rou Po est, comme tout le reste, dans le style monumental linnan (cantonais) le plus classique.

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Le restaurant collectionne les distinctions.

Un fois entré, on se croirait plutôt en plein marché de village qu’au restaurant. Explication : Zhu Rou Po possède des jardins potagers, des champs d’ananas, des rizières, des bananeraies, etc., et produit ses légumes et ses fruits. On peut tout acheter sur place.

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En fait, les salles à manger n’occupent qu’une partie restreinte de l’espace (il y a de la place pour s’asseoir, c’est juste que le lieu est immense) : partout, des étals de légumes, une poissonnerie avec tous ses viviers, plusieurs ateliers : pour la cuisine au wok, la vapeur, les bouillons, la friture, la rôtisserie…

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Aucun menu imprimé. Les commandes se prennent en choisissant les produits. On pointe le doigt vers ce qui nage, frétille, rampe, verdoie, serpente (oui), dégoutte de laque suspendu à un crochet. Si vous avez besoin d’un peu de littérature, des photos légendées sont là pour vous aider.

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Ne me demandez pas ce que sont ces bivalves gigantesques. Je parie que c’est bon pour la virilité. (Renseignements pris : panope du Pacifique, Pacific geoduck, Panopa generosa. Se mange en sashimi, très apprécié en Chine et au Japon. Peut vivre cent cinquante ans.

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Le restaurant n’est pas seulement un marché, c’est aussi un jardin. Tables en plein air, petites cours retirées, salons particuliers, choisissez votre espace. Pièces d’eau, végétation luxuriante, carpes koi qui font bouillonner les pièces d’eau quand on leur jette des miettes : le classique cantonais dans son aspect le plus raffiné. (L’objet bizarre au milieu est un moulin à soja pour faire le doufu.)

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La patronne (ici avec notre ami restaurateur Michael) est une sacrée nature qui possède plusieurs établissements, roule en 4×4 Bentley, respire l’énergie et la bonne humeur. Elle personnalise, en quelque sorte, toute cette cuisine, son opulence, sa générosité, sa truculence. Zhu Rou Po (littéralement “Tante Cochon”) est aussi son surnom. Je ne connais pas son nom. Elle a commencé sa carrière en vendant du porc au marché. Success story. 

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Je parcours le restaurant entier, m’arrêtant à chaque perspective pour prendre des photos. L’endroit est très beau.

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Il est temps de se mettre à table. Nous commençons le repas par des longanes (pas du tout en saison, importés de Thaïlande, mais très corrects) et un délicieux sheung pei nai ou « lait double peau », un flan de lait de bufflonne, célèbre spécialité de Shunde. Je connais la recette, mais c’est difficile à réussir. Notamment parce qu’il faut du lait cru du bufflonne, et du très bon.

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On ne saurait venir ici sans essayer une autre spécialité de Shunde, yu sang (yusheng en mandarin), le « sashimi cantonais ». C’est un plat extrêmement ancien qui a inspiré le sashimi japonais. Il est à base de poisson blanc cru que l’on assaisonne à table avec huile de cacahuète, sauce de soja (une larme), piments aigres-doux, cacahuètes grillées, ail frais et ail confit, gingembre, taro frit. Le saumon est un ajout récent. D’autres versions ajoutent des piments plus relevés, de la citronnelle et de la feuille de combava en très fines lanières.

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Voici le yu sang dressé sur l’assiette. C’est pas du dressage d’assiette à la Top Chef, mais c’est rudement bon. Il contient plusieurs saveurs, de la plus douce à la plus acidulée en passant par l’épicé, l’amer, le pimenté, et une bonne demi-douzaine de textures, du moelleux du poisson au croquant des cacahuètes. Un grand plat de ce monde.

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Grosses crevettes d’estuaire sautées au wok et caramélisées.

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Autre spécialité cantonaise, l’oie laquée : une splendeur. Un peu plus grasse que son équivalent de Dongguan (pour celle-ci j’ai une autre adresse), mais finement épicée.

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Poulet cuit à la vapeur. La qualité de la volaille se voit à l’image. Les vrais cuisiniers savent.

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Enfin, pour faire passer ces mets plutôt riches, une délicieuse soupe de concombre amer. Amer ? La région cantonaise en produit une variété dont l’amertume est très mesurée. La soupe est un régal et j’en reprends deux fois. Le légume est à la fois amer et doux, tonifiant et caressant.

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Et nous quittons la table après avoir complètement ravagé cette pastèque. La pastèque cantonaise est fraîche, moelleuse, tendre, sucrée, savoureuse, et c’est la meilleure.

L’adresse ? Attendez… On m’a amenée en voiture, je n’avais aucune idée d’où j’étais.

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Ah oui, mais j’ai un plan.
Non, je rigole : Zhu Rou Po, 31 Zhanye Lu, Shunde Qu, Guangdong. Tél. : 86 757 2661 6838.

À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

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