Son métier : amener les 78 000 employés de Google à mieux manger
On connait l’attention toute particulière que le géant américain Google porte à ses employés, bureaux semblables à des lieux de vie, salle de relaxation, salle de sport, garderie pour enfant… ce que l’on ne savait pas c’est que Google a nommé un responsable mondial pour que les employés soient mieux nourris.
Étonnant parcours que celui de Michiel Bakker qui a en charge d’amener les 78 000 employés dans le monde à mieux se nourrir …
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Fils de dentiste d’une bourgade du Brabant septentrional, à la frontière entre les Pays-Bas et la Belgique, Michiel Bakker est devenu responsable alimentaire du géant Google. Celui à qui l’entreprise a confié l’estomac de ses 78.000 employés à travers le monde explique tenter de « forcer gentiment » les travailleurs à se nourrir sainement. « Vous vous sentez mieux après un repas sain que la bouche pleine de graisse », résume-t-il.
Ce n’était pas le rêve d’une vie et pourtant, ce Hollandais de 50 ans est devenu responsable de tout ce que les employés américains de Google boivent ou mangent. Et chez le leader mondial des moteurs de recherche, on ne badine pas avec la santé des employés : l’alimentation est un poste primordial dans l’entreprise.
« Une telle chance, c’est une fois dans la vie »
Originaire de Bergeijk au Pays-Bas, à une poignée de kilomètres la Belgique, Michiel Bakker n’avait pas d’american dream mais c’est l’american dream qui s’est imposé à lui, comme une évidence. Très heureux avec son poste confortable dans le secteur hôtelier à Bruxelles, Michiel Bakker reçoit un beau jour de 2011 un message de Google, lui demandant de « chatter » au sujet d’un éventuel job chez le géant de l’Internet. De quoi remettre sa vie bien établie et ses projets en perspective: « Une telle chance, vous n’en recevez qu’une dans votre vie. Alors j’ai googlé Google », s’amuse-t-il.
178.000 repas – sains – par jour
Les choses s’emballent rapidement et dès mars 2012, Michiel Bakker est déjà officiellement « Director Global Food Services » pour Google à son siège de Mountain View, dans la baie de San Francisco. La charge n’est pas anodine: le quinquagénaire est responsable des 178.000 repas servis chaque jour, dans 55 pays, au sein des 224 cantines (qu’ils nomment « cafés ») auxquelles ont gratuitement accès les 78.000 employés de Google à travers le monde. Vu que 25.000 de ces travailleurs sont sis au siège californien, le Hollandais y réside souvent quand il n’est pas au Danemark, aux Pays-Bas, ailleurs aux Etats-Unis ou en Inde.
Des hôtels à Google grâce à l’amour
Des chiffres qui donnent le vertige et autant de responsabilités qui pèsent sur les épaules robustes de celui qui croyait finir sa carrière dans le secteur hôtelier à Bruxelles. Mais ce n’est évidemment pas un simple coup du hasard si Google a décidé de contacter Michiel Bakker voilà sept ans. Alors qu’il est élève au collège de Valkenswaard, le Néerlandais fait la connaissance d’une Américaine en échange linguistique avec qui il gardera contact après ses études secondaires. Tombés amoureux, ils se marient à New York un peu plus tard et ont deux fils.
Niveau cursus, Bakker fait l’école hôtelière à Maastricht, suit une formation de management à Bradford puis entame sa carrière au sein de ministères avant de rejoindre le secteur hôtelier. Avec sa famille, il traverse les Etats-Unis d’est en ouest au gré des mutations: Atlanta, l’Oregon, Washington, Philadelphia n’ont plus de secret pour lui. A chaque déménagement, il endosse de nouvelles responsabilités et au moment où Google le contacte en 2011, il est au top de la chaîne hôtelière Starwood. Il gère alors depuis Bruxelles tout ce qui concerne l’alimentation dans les 250 hôtels de son entreprise, aussi bien en Europe qu’en Afrique et au Moyen-orient.
« Be at your best, whatever you want to do »
« Google sait très bien comment vous approcher. Ils ne vous mettent pas la pression. ‘Nous comprenons tout à fait que vous ne nous avez pas attendu pour faire carrière, mais pourrions-nous discuter quand même un de ces jours?’« . Michiel bakker finit par craquer, à l’usure: « Ils ont attendu un an que je me décide enfin », explique-t-il sans bien sûr parler d’argent.
C’est précisément de la manière dont il a été recruté que Michiel Bakker a tiré des enseignements pour sa nouvelle fonction chez Google: pousser gentiment les employés à se nourrir le plus sainement possible. Et il ne s’agit pas seulement d’entretenir l’image de l’entreprise responsable et innovante: « Vous vous sentez mieux après un repas sain qu’après un repas trop gras. Be at your best whatever you want to do, également au travail ».
Faire naître les bonnes idées autour de la table
« Mais il ne s’agit pas non plus uniquement de productivité. Google est une vraie entreprise familiale. Nous faisons les choses comme on les ferait en famille, comme manger par exemple. Nous croyons à la probabilité des ‘casual collisions’ (traduisez ‘collaborations fortuites’) de gens qui en mangeant ensemble, se rencontrent et font naître en choeur de bonnes idées. Si vous pouvez manger (bien) au travail, vous n’avez plus besoin de quitter votre bureau. Avec la gratuité des repas, nous espérons évidemment aussi attirer des talents dans l’entreprise ». Un talent qui a du goût et aime se faire dorloter.
La cantine de rêve du foodista
Et Michiel Bakker a évidemment des « trucs » pour encourager ces employés d’exception de Google, les « Googlers », à manger ce qu’il y a de plus sain. Ces astuces viennent tout droit d’un recueil de psychologie appliquée pour débutants. Les plats présentés ne sont pas très grands, les louches et cuillères de service non plus. Les assiettes encore moins. Bien sûr, chacun est libre de se resservir autant qu’il le souhaite, mais les grosses portions ne sont pas la norme. Varier les aliments, si. Alors qu’en Belgique, le repas de cantine oscille bien souvent entre sandwich de pain industriel jambon-fromage et poulet-pommes de terre-petits pois, le choix du « Googler » de Mountain View consiste plutôt en une salade de tomates de variétés anciennes à la roquette, du cottage cheese aux pois chiches sur lit de vinaigrette menthe-citron vert, un poulet jamaïcain à la pomme verte, des noix de pecan grillées et gorgonzola, un tartare de poisson péruvien aux crevettes fraîches, concombre et coriandre ou une pizza bacon-champignons-mozzarela à l’ail. La routine, quoi.
Jouer sur l’expérience et le ressenti
Et ce n’est pas tout. Sur le site de la baie de San Francisco, les mets délicieux de Google sont servis dans quarante différents endroits, du salad bar au foodtruck en passant par la brasserie avec un menu différent chaque jour. De quoi avoir l’impression de sortir du cadre strict du travail, à l’inverse de la cantine aux tables alignées et stériles qu’on connaît ici.
Encourager et décourager les pulsions alimentaires
Envie d’un en-cas? Des « micro kitchens » sont prévues à cet effet, partout dans les bureaux eux-mêmes, avec aussi des frigos pour les boissons. A hauteur des yeux, derrière une porte en verre, sont présentés les jus de fruits frais et l’eau. Sur les étages inférieurs, derrière une vitre en verre mat cette fois, les sodas, dissimulés car moins bons pour la santé. « Vous pouvez toujours vous servir de limonade, mais pourquoi encouragerions-nous un tel choix? Autant stimuler l’inverse. Nous ne sommes pas la police de la nourriture, mais nous essayons de décourager une consommation excessive, de viande par exemple. Nous aimons la viande, mais en manger moins est un geste d’écologie durable ».
Le local et le bio, un regard pas très américain
Ce regard constant sur la durabilité, les cuisines de Google tentent de le garder en privilégiant les fournisseurs et producteurs locaux. Michiel Bakker insiste aussi énormément sur le gaspillage, qu’il souhaite réduire autant que possible dans une entreprise aussi colossale, et sur l’avenir de l’alimentation en général dans un pays où l’on consomme beaucoup trop. Cette sensibilité, il estime la tenir de ses origines. De ce petit chef-lieu des Pays-Bas où il est né et où l’on a encore à ses yeux, comme en Suisse, en Nouvelle-Zélande et en Australie, une vraie conscience de la valeur de ce que l’on mange et de l’importance d’une agriculture biologique où les additifs sont évités au maximum. Ou comment l’exemple européen se met au service d’un géant de l’Internet et de ses forces vives.