Florent Pietravalle à l’hôtel La Mirande en Avignon : « Bouleverser les codes pour revenir à l’essentiel »
Florent Pietravalle à l’hôtel La Mirande à Avignon : bouleverser les codes pour revenir à l’essentiel
Propos recueillis par Lucie Truchet
Florent Pietravalle est un enfant du Sud. De ses racines montpelliéraines, il conserve le goût du partage, des assiettes ensoleillées, et un attachement profond à la terre et à la Méditerranée – qui tiennent le premier rôle au cœur de sa cuisine résolument locale. À chaque plat, une histoire, un produit (de saison) et surtout un producteur, qui ne sont pas aux yeux de Florent de simples fournisseurs mais de véritables partenaires. Avec leur concours, il construit dans son restaurant d’Avignon à La Mirande une carte en perpétuel mouvement, dont seule la trame de fond – les assaisonnements, la palette aromatique – reste inchangée. Les arrivages dictent le reste, au jour le jour, nous rappelant que la cuisine n’est pas un objet figé. Ses assiettes, à la fois techniquement maîtrisées et spontanées, lui ont permis de décrocher une étoile au Guide Michelin en 2019, secondée d’une étoile verte en 2021 – venant récompenser son engagement dans une approche durable de la gastronomie.
C’est au sein de l’un des plus beaux hôtels d’Avignon et haut-lieu gastronomique, que nous avons rencontré Florent Pietravalle. Retour sur le parcours d’un Chef qui cuisine la Provence comme vous ne l’avez jamais goûtée.
F&S : Florent, commençons par le commencement. Comment es-tu venu à la cuisine ?
Depuis tout petit, j’ai su que je serai cuisinier. Je n’ai jamais su expliquer pourquoi, ni comment, parce que ce ne sont ni ma mère ni ma grand-mère qui m’ont vraiment transmis cette envie de cuisiner, pour sortir du cliché largement répandu. Je crois que j’ai surtout toujours aimé faire plaisir, et n’étant pas un grand extraverti, j’ai pu m’exprimer au travers des assiettes et donner du plaisir à mon entourage de cette façon. Pour moi, la table c’est avant tout le partage – s’asseoir avec les gens et vivre un moment.
F&S : Qu’est-ce que tu cuisinais petit ? Est-ce que tu avais un plat fétiche ?
Je cuisinais sans arrêt, j’essayais plein de choses, en m’inspirant des recettes du magazine culinaire Thuriès notamment, que j’achetais religieusement. Ce n’était d’ailleurs pas toujours réussi, mes parents et mes amis – mes cobayes de l’époque – pourront en témoigner *rires*.
Je n’ai jamais eu de plat fétiche, j’ai toujours aimé le changement. Pour moi, la cuisine ce n’est pas quelque chose de figé : c’est le mouvement, le ressenti, ça se vit. D’ailleurs, chaque endroit appelle à un style de cuisine et à des plats différents. En Bretagne, on a envie de manger un homard juste grillé au bord de l’eau ; ici, un produit local un peu travaillé – un loup de mer en croûte de sel par exemple…
F&S : Avant de reprendre les cuisines de La Mirande, tu es passé par plusieurs grandes maisons. Que t’ont apporté ces expériences ?
J’ai toujours rêvé de côtoyer les étoiles, et j’ai eu la chance de travailler dans des « un », « deux » et « trois ». Je pense que chaque maison m’a apporté des choses différentes. Je suis notamment passé par les cuisines de Joël Robuchon, où j’ai appris la rigueur et le côté quasi militaire du métier, et de Pierre Gagnaire à Paris. Puis je suis redescendu à Arles travailler aux côtés de Jean-Luc Rabanel, un chef qui était assez précurseur à l’époque, notamment pour son travail du végétal.
Ces expériences m’ont également permis de percevoir le restaurant dans sa globalité – pas seulement comme une assiette posée sur la table, mais comme une expérience globale, incluant l’accueil du client, la façon dont on lui explique le plat… C’est un moment que viennent vivre les gens, il faut les plonger dans un cocon le temps de ce repas.
F&S : Aujourd’hui à La Mirande (hôtel 5 étoiles à Avignon), tu chapeautes à la fois le restaurant gastronomique et la brasserie. Quelle est la différence entre ces deux offres ?
Lorsqu’on vient déjeuner ou dîner au gastronomique, il faut être prêt à être surpris. Le menu change quasiment quotidiennement, pour suivre les saisons et les arrivages, et surtout est servi à l’aveugle. Ça peut perturber certaines personnes, mais c’est le but. L’idée, c’est d’étonner, tout en respectant les goûts et contraintes des clients auxquels on demande systématiquement leurs préférences.
De façon complétement différente, et assez complémentaire, on propose au bistro une cuisine bourgeoise, réconfortante, qui elle est « à la carte ». Elle est sans prétention, avec des plats simples comme les œufs à poêle à la truffe, la blanquette… Mais elle est aussi importante et ne doit pas se perdre. Je trouve intéressant de me lancer dans des choses très compliquées parfois, mais sans oublier les bases, qui doivent se transmettre. Dans cette dynamique de transmission, je donne d’ailleurs quelques cours de cuisine à La Mirande, dans un format immersif, où les élèves travaillent et composent le menu avec moi. J’adore pouvoir combiner tous ces formats d’expression culinaire.
F&S : Au gastro comme au bistro, quelles sont tes principales inspirations ? Est-ce que le fait de mettre en avant les saveurs de la Provence, du Vaucluse compte particulièrement pour toi ?
J’ai une ligne conductrice, qui est celle du terroir, au contact duquel j’ai grandi : la terre, la mer, qui se mélangent souvent pour donner du terre-mer… Je cherche à raconter la Provence d’une façon différente de ce qu’on a l’habitude de voir : en cuisant l’agneau sur la braise, en travaillant du miso de riz de Camargue, bref en montrant qu’il y a autre chose que la ratatouille *rires*… Toujours en utilisant des produits naturels d’exception !
Je me nourris aussi de mes voyages, pour ouvrir ma cuisine aux saveurs d’ailleurs. Elle est locale, car uniquement préparée avec des produits qui ont parcouru moins de 150 km, et du monde à la fois, avec des influences de partout. Par exemple, on travaille le yuzu, mais en le faisant venir de près de Perpignan. Ça permet de confectionner des plats atypiques, qui ont une vraie unicité.
F&S : C’est notamment pour ce respect du produit et de la terre que tu as reçu la distinction Etoile Verte du Guide Michelin en 2021. Qu’est ce qui a fait grandir en toi cette volonté de t’engager dans une approche durable de la gastronomie ?
J’ai grandi à côté de la mer, au contact du terroir. C’est une disposition assez naturelle chez moi, qui est au fil des années devenue un engagement au quotidien : on a réduit le plastique au minimum en cuisine, on produit du compost qu’on distribue avec les épluchures, on cultive nous-mêmes les herbes aromatiques utilisées au restaurant sur le toit de la cuisine… On a aussi collaboré avec l’association « Comme des Champignons » pour créer une champignonnière dans les caves inutilisées de La Mirande, ce qui nous permet de produire nos propres pleurotes et shiitakes tout au long de l’année. Un potager est également en cours de développement. Le label Ecotable nous accompagne sur tous les sujets – des équipes aux produits – pour nous aider à nous améliorer. Personne n’est parfait, il me semble indispensable d’écouter les autres pour avoir une réflexion globale et grandir ensemble.
F&S : Quels produits prends-tu particulièrement plaisir à travailler ? Travailles-tu avec des producteurs en particulier ?
Comme pour les plats, pas de préférence. Ce qui est bien justement, c’est que les produits changent avec les saisons ; et comme ce sont eux qui dictent mes plats, impossible de se lasser ! Ma cuisine et les produit qui la composent sont en perpétuel mouvement. Quant aux producteurs, ce sont des relations de long terme, basées sur l’échange. Par exemple, on réfléchit avec les maraichers avec lesquels on travaille à leur potager 6 mois en avance, en fonction de ce dont on aura besoin pour le restaurant. Ils plantent la plupart de leurs produits exprès pour La Mirande ! C’est important à mon sens de créer cet écosystème, qui permet de booster l’activité locale tout en travaillant avec les meilleurs produits.
Idem pour la viande et le poisson. Je suis pour leur consommation, mais uniquement lorsque l’animal a été élevé dans le respect, bien nourri et traité. Et je vais m’assurer de ça sur place, à l’élevage, pour un maximum de traçabilité. En tant que chef, on a un devoir de soutenir les producteurs qui font de l’exceptionnel, comme notre éleveuse de cochons Astrid, qui a uniquement 20 bêtes, ou notre pêcheur Mathieu, qui se bat pour essayer de faire comprendre aux gens qu’il y a des saisons sur le poisson, et que la pèche en gros n’est pas une fin en soi. Et surtout, on reste flexible et à l’écoute des producteurs. Les produits sont remplaçables : on travaille avec les poissons que les filets remontent, les légumes que la terre donne… Rien n’est figé.
F&S : Tu as déjà une première étoile au Guide Michelin, tu as également reçu le Prix de la Révélation de l’année à Omnivore Paris 2021, 3 toques au Gault et Millau, intégré la liste 1000… Quelle serait la consécration ultime ?
Chaque prix est vécu comme une étape dans notre travail de perfectionnement. On aspire à toujours mieux faire, de fait on apprécie que les guides s’intéressent à nous. Ça prouve que l’on est sur la bonne voie. A côté de ça, je n’ai pas de futur projet défini. Je profite de ma liberté actuelle à La Mirande, où je peux actuellement m’exprimer comme je veux – tout en respectant l’endroit évidemment, que je pense avoir compris. J’ai 34 ans, on verra bien. Je prends le temps de vivre l’instant présent.
Photos –
Photos – E. Laveran
Avignon est une ville et pas un état. On dit à Avignon et non en Avignon. Dire en Avignon est du snobisme parisien. Aucun Avignonnais ne le dit.
Normal nous sommes des parisiens …. nous trouvons tellement chic de dire En Avignon…. que nous allons continuer …..