« Afin d’séduire la petite chatte, j’l’emmenai dîner chez Chartier » (Fernandel)
C’était il y a quelques semaines, voire quelques mois,… Pour être plus précis, c’était le 9 juin. Mais bon, ça ne change pas grand chose, car la carte est la même à l’exception de la soupe de légumes de saison. Food&Sens vous fait plonger la tête la première dans l’un des restaurants les plus emblématiques de la capitale : le Bouillon Chartier.
Mais avant cela, pour vous mettre en condition, c’est Fernandel qui pousse la chansonnette :
Écrire sur le Bouillon Chartier est un vrai défi, car tous les plus grands sont déjà passés par là dans leur jeunesse et même plus tard. Faut-il raconter ce qui n’a pas encore été dit ou dire à sa façon ce qui a déjà été raconté ? Le défi est à la hauteur de l’histoire du lieu. Pour ceux qui découvrent ici le Bouillon Chartier, nous n’allons pas refaire l’histoire de cette ancienne cantine d’ouvriers ouverte en 1896, aujourd’hui lieu privilégié d’une génération de touristes en mal de clichés : vous trouverez tout cela sur Wikipedia.
Allez-vous réussir à séduire la petite chatte ou le petit chaton en l’emmenant dîner chez Chartier ?
Parlons d’abord de ce restaurant qui affiche complet chaque jour de la semaine, sept jours sur sept. Les tables tournent, les clients défilent : oui, chez Chartier, ce sont les client qui défilent et non les serveurs. Un restaurant qui est plus qu’un restaurant — peut-être un théâtre, mais aussi un lieu de vie où l’on va avant tout pour l’ambiance et le cadre alors qu’autrefois, on y allait surtout pour ses prix très accessibles. Le mot d’ordre n’a d’ailleurs pas changé depuis l’ouverture : proposer « un repas digne de ce nom à un prix modeste ».
Dans cette institution, les clichés font vivre ; ils entretiennent le mythe à contre-courant des tendances actuelles. Ici pas de « naturalité », pas de local, pas de bio, on ouvre les bouteilles de vin entre les jambes et l’on fait sauter le bouchon. Tradition oblige… On sert de grands classiques non revisités, on outrepasse la préséance et on balance pratiquement les assiettes sur les tables. La commande et l’addition sont directement inscrites sur la nappe en papier : si vous êtes tentés de demander une facture, préparez-vous à repartir avec la nappe.
Le spectacle, d’ailleurs, commence devant le restaurant, et l’on comprend vite que les cuisiniers soient pris en otage : otages du prix, otages de la qualité, otages du lieu et de ses coutumes. Ici, pas d’orgasme gastronomique : foodistas, passez votre chemin ! Comme sous-entendu plus haut, on ne va pas au Bouillon Chartier pour bien manger. Les entrées commencent à 1€ pour une salade de carottes râpées vinaigrette et culminent à 12€ pour une douzaine d’escargots. Pour les plats, il vous faudra compter 6,5€ pour une saucisse-frites et 11,5€ pour un pavé de rumsteck sauce poivre. Pour finir sur une touche sucrée, comptez 3,5€…
En salle, par contre, c’est la fête. On s’affaire à casser les codes, mais c’est ce que le client demande. Touristes espérant découvrir la « vraie » France, celle des Français, la France d’antan, ou Parisiens en quête de non-sens gastronomique, tous s’accordent à dire qu’il faut vivre l’expérience au moins une fois dans sa vie.
Après le poids des mots, le choc des photos.
L’accueil est rapide et efficace. Le processus est bien rodé pour évider aux clients de bloquer le service : c’est à peine si l’on ne vous pousse pas à votre table si vous ne marchez pas assez vite. On nous apporte la carte. Jusque-là, tout va à peu près bien.
Vue de l’étage où nous sommes installés, la salle est magnifique et impressionnante. Nous ne sommes pas dérangés par le bruit : il fait parti de l’ambiance.Vient le moment de la commande. Pour la petite histoire, nos amis avaient un peu de mal à se décider. En excellent vendeur, sans s’encombrer de tact, le serveur a presque choisi pour eux. Cela fait aussi partie du service. Vous ne savez pas quoi manger ? On choisit pour vous.On nous apporte l’apéro : un lillet blanc. Le pâté de canard arrive presque en même temps, accompagné de tranches de baguette grillées. Attention à ne pas vous casser une dent…Les serveurs sont incroyables, n’est-ce pas ?Le rumsteak sauce au poivre vert.Et en dessert, la pêche melba…… ou encore les profiteroles.L’addition, elle aussi, se calcule directement sur la table. Les serveurs sont des as du calcul mental !Les toilettes imitent une station de métro parisien. C’est probablement l’espace le plus moderne du restaurant.En partant, vous ne louperez pas la boutique. Nous sommes avant tout dans un lieu touristique.
© F&S / Guillaume Erblang-Rotaru