Au Château La Coste, en Provence, la chef Hélène Darroze signe une partition lumineuse. Tandis que le domaine se dote d’un deuxième hôtel.

23 septembre 2023  0  F&S LIVE
 
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Par Anastasia Chelini 

Située entre le Lubéron et Aix-en-Provence, la table provençale d’Hélène Darroze rayonne d’une grâce particulière. Nichée au cœur du domaine Château La Coste, cette table étoilée éblouie par son cadre, où une nature foisonnante rythme les lieux. Côté cuisine, la partition est réussie, et s’accorde intimement à ce lieu d’exception. Nous sommes allés voir. 

La Chef Hélène Darroze, à Villa La Coste. Photo Bernhard Winkelmann

Au Château La Coste, vaste domaine à la fois viticole, artistique, architectural, hôtelier et culinaire, l’ennui est un concept absent. Sur la route menant jusqu’à la table qu’y tient Hélène Darroze, les activités ne manquent pas ; dès l’entrée, de vastes sculptures happent le regard du visiteur, dont l’immense araignée signée par l’artiste Louise Bourgeois. Plus loin, un Centre d’art (un ensemble en béton, dont l’épure rigoureuse a des faux-airs de Bauhaus), lance le départ d’un parcours à travers le domaine, à la poursuite des œuvres figurant en plein air. On croise ensuite les chais, puis plusieurs restaurants. Et puis le chemin reprend, qui serpente à travers le domaine, cette fois en direction de la Villa La Coste (l’hôtel de luxe des lieux, situé un peu en retrait) ; c’est là que se dessine, au détour d’une colline, la table bucolique qu’y tient Hélène Darroze. Sobrement intitulé Hélène Darroze à Villa La Coste, le restaurant a de l’allure. Son cadre est exceptionnel ; perché qu’il est façon belvédère, avec vue imprenable sur les vignes, la vallée et la nature s’étendant à perte de vue en contrebas de la terrasse. À la belle saison, déjeuner dehors est une embellie. On est grisé par le chant des grillons, l’espace, la beauté du panorama. S’il fait moins beau, l’intérieur du restaurant est inspirant lui aussi ; optez pour une table dans la véranda rectiligne, qui se découpe sur un bassin d’eau, face au panorama.   

Vue de la terrasse du restaurant, à gauche, et du pavillon (c) Richard Haughton

À l’heure du déjeuner, le premier élément qui vient garnir les tables et leurs nappes immaculées, est l’huile d’olive du domaine. Pas de doute, nous sommes bien en Provence. D’une belle couleur soleil, cette huile d’olive fruitée donne le ton d’un déjeuner qui s’inscrira dans une oscillation savoureuse : entre relaxation et sophistication. Le maître-mot qui suivra ? Le légume, qui dicte le menu, avant la protéine ; et qui mène le bal. C’est lui la star, le point de départ, l’histoire centrale de chaque séquence à paraître. Pour preuve, l’une des entrées est sobrement intitulée « Les Tomates » – bien qu’elle abrite également un thon de Méditerranée, masqué sous un quadrillage de feuilles d’obione. Le plat, à son tour, ne déroge pas à la prédominance du légume ; nommé « Les Courgettes », il est accompagné d’un pavé de loup, que la belle force d’un kimchi rehausse. Le second plat, intitulé « Les Légumes du soleil », rassemble un farci de courgette, une selle d’agneau de Sisteron, impeccable, et une chakchouka. En dessert, « Le Chocolat » donne à voir différentes textures et températures, clôturant un déjeuner aérien, heureux. Une sorte d’harmonie préside à l’ensemble ; de toute évidence, Hélène Darroze a trouvé, au domaine du Château La Coste, un lieu qui l’inspire intimement. La cuisine qu’elle y sert n’est ni exactement provençale, ni non plus venue d’ailleurs ; c’est une cuisine personnelle, mûrie, qui s’accorde habilement avec la région, le lieu et les produits locaux. 

La Piscine de l’hôtel Villa La Coste, située en contrebas du restaurant d’Hélène Darroze. (c) Richard Haughton

Sur place au quotidien, le chef exécutif du restaurant, Thomas Pezeril, est arrivé au domaine il y a 2 ans – en juillet 2021. Lui qui n’est pas du coin, est rapidement tombé amoureux de la Provence, « où l’on a les meilleurs produits », confie-t-il. Le fait est que la région, particulièrement riche en beaux ingrédients, permet un sourcing ultra localisé ; « 90% des produits qu’on utilise à la carte sont locaux », confirme le chef. « Le poisson, par exemple, nous vient exclusivement de la Méditerranée. Tous nos légumes sont sourcés de façon très locale, puisqu’ils viennent soit des jardins du domaine, soit sont issus d’un rayon de 40 km maximum », précise-t-il. Même chose pour les fromages, essentiellement des chèvres et des fromages de brebis (notamment produits par Laurence Chaullier à Meyreuil, et Claude Coste au Puy-Sainte-Réparade). « Dans ce restaurant, il n’y a aucun mensonge sur le sourcing ; quand on dit que c’est local, c’est vraiment le cas », conclut le chef. Heureux de travailler dans cette belle adresse, il en apprécie « le cadre, qui est superbe, avec son mélange d’art, de gastronomie et de vin ; et le fait qu’il s’y passe beaucoup de choses, ce qui garde le travail vivant », détaille-t-il. « Pour un cuisinier, ce restaurant est un beau terrain de jeu ; d’autant que le nom d’Hélène Darroze fait déplacer les gens. » 

Amuse-bouche. Photo Bernhard Winkelmann
« Les Tomates » – photo Anastasia Chelini

Et c’est vrai ; en ce début de mois de septembre, qu’un regain d’été traverse, le restaurant gastronomique est plein (et le nom d’Hélène, forcément, y est pour quelque chose). Tandis qu’un mix d’habitués et de vacanciers s’attable, et qu’un zéphyr traverse la terrasse-jardin, le maître d’hôtel du lieu (au parfait professionnalisme) se réjouit de cette belle fréquentation. Si le restaurant est un peu moins visité l’hiver – forcément-, sans doute la fréquentation croîtra-t-elle davantage encore, alors que le domaine a lancé la construction d’un second hôtel, plus abordable celui-ci, faisant face aux vignes ; il devrait ouvrir au printemps 2024. Soit une énième nouveauté pour ce domaine qui, depuis ses débuts, est en état d’évolution permanente. L’été dernier, le lieu a ainsi accueilli un nouvel espace d’exposition, signé Oscar Niemeyer, où figurait un solo show de l’artiste Annie Morris – dont une des sculptures pop et colorées fait désormais partie du domaine à temps plein. Ce dynamisme, le Château la Coste le doit à son propriétaire, l’Irlandais Paddy McKillen. À la fois collectionneur d’art et hôtelier notoire, l’homme a longtemps dirigé le Claridge’s, le Connaught et le Berkeley à Londres, et a su insuffler à ces trois institutions un même caractère évolutif. Hélène Darroze, quant à elle, passe joyeusement de son trois-étoiles au Connaught, à son étoilé provençal ; et prouve avec brio qu’elle réussit les deux. 

Au Château La Coste, « L’Araignée » de Louise Bourgeois accueille le visiteur près de l’entrée. (c) Richard Haughton

23 septembre 2023

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