À Londres, derrière un stand de fruits et légumes, le bistronomique Turnips fait merveille aux frontières de la gastronomie – on est allé voir

20 décembre 2022  0  F&S LIVE
 
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À Londres, derrière un stand de fruits et légumes, le bistronomique Turnips fait merveille aux frontières de la gastronomie – on est allé voir 

Par Anastasia Chelini 

Ouvert il y a pile un an, à quelques pas du London Bridge, Turnips with Tomas Lidakevicius est un établissement hybride, d’un genre joyeusement différent. Jouxtant un stand de maraîcher dont il est l’extension, il sert une cuisine raffinée, entre gastronomie et bistronomie. Nous sommes allés voir. 

Par ce vendredi de décembre, un froid mordant a envahi Londres. Sous les arcades de Borough Market, ce marché couvert du East London, nous nous frayons un passage entre les touristes et foodies toujours nombreux en ces lieux. C’est là, entre les échoppes à fromages, les stands de street food fleurant bon les épices, ou encore les boutiques de charcuterie, que se tient Turnips, une table pas comme les autres.

Et pour cause ; installé à côté et derrière des cagettes de légumes, ouvert aux vents d’hiver comme aux douceurs printanières, ce tout jeune restaurant dispose d’une vingtaine de tables, de chaises, et de braséros nécessaires. Et c’est à peu près tout. Mais justement, c’est là la force du lieu ; cette combinaison entre deux pôles, le relax et le haut de gamme. De fait, c’est l’atypisme de Turnips qui le rend si engageant ; d’un côté, un décor impromptu, fort simple (et par là même plaisant) ; de l’autre, un service stylé, et dans l’assiette, un niveau gastronomique. La vaisselle, aussi, est haut de gamme ; dont ces services à thé ou à café signés Wedgwood, le grand porcelainier anglais. 

Aux commandes de cette table à connaître, le chef Tomas Lidakevicius fait du légume la star. Ce Lituanien de 35 ans est l’ancien chef exécutif de City Social, l’un des gastronomiques de Jason Atherton (chef anglais étoilé, et l’une des figures de proue de la scène culinaire britannique, ndlr). À Turnips, Lidakevicius signe une partition moderne, souple, européenne au sens large (car la cuisine de ce restaurant n’a pas d’empreinte pays spécifique). Le tout s’orchestre autour des saisons, à la quinzaine près. Ce qui fait que le menu est renouvelé, partiellement au moins, deux fois par mois. « Je fais une cuisine freestyle », nous explique le chef ; « mon menu est un menu-marché ; dans le sens où c’est le marché et la saison qui dictent les plats. Tant que le légume est à son summum d’excellence, on le garde. Puis on change de plat pour laisser place au légume suivant, qui a atteint son pic à son tour. » Difficile de faire mieux en terme de ‘farm to table’… Actuellement, le plat phare du menu dégustation est un oignon – venu des Cévennes. On pense à Clare Smyth, dont le plat signature de son trois étoiles à Londres (le Core by Clare Smyth), est une pomme de terre. Ou comment faire d’un humble légume, l’acte central ; et un produit magnifié. Serait-ce la nouvelle tendance ? 

Outre ce concept d’un mélange des genres heureux, ce n’est pas le seul élément original de Turnips. L’établissement a en effet une histoire bien à lui : les lieux sont depuis trente ans, et au départ, un commerce de maraîchers. Tenu par la famille Foster, Turnips a belle réputation dans le marché (et ailleurs), en vertu de l’excellence de ses fruits et légumes. Ceux-ci sont sourcés en Grande-Bretagne, le plus possible ; ou au-delà quand c’est mieux (France, Italie, etc). Et c’est Charlie Foster, seconde génération du nom à Borough Market, qui a eu l’idée de doter le point de vente familial d’une offre restauration – pourvu qu’elle soit centrée sur les légumes. De fait, derrière les cageots, il y a en effet de la place pour un espace restaurant en tant que tel. Une pandémie et plusieurs confinements plus tard, la collaboration entre les Foster et le chef Lidakevicius a pris forme ; et a trouvé son rythme. Le restaurant fête tout juste ses un an.  

Cucumber, king fish, mackerel garum

En salle, deux offres se complètent ; un tasting menu d’une part (en cinq plats le midi, pour 70 pounds hors boissons, et en huit plats pour 95 pounds le soir) ; et un menu small plates, à la présentation décontractée mais aux goûts soignés. Côté saveurs justement, tout est impeccable ; aussi bien dans le tasting menu que dans les small plates. Côté quantité, c’est à voir ; les portions des small plates tirant un brin trop vers le small. Les quantités du tasting menu, en revanche, sont bien calibrées. 

Cauliflower, polenta, coconut curry

On ressort content, dynamique, de ce restaurant aux allures de pop-up permanent. Où les codes du gastronomique se bousculent, s’étendent, s’assouplissent, s’allègent. Et où le légume prend la scène. L’adresse, en tout cas, porte fièrement l’identité ‘East London’ ; cette partie Est de la capitale anglaise qui est synonyme de cool, et d’industriel-chic. Preuve, en tout cas, de l’intérêt que Turnips suscite, Alain Ducasse himself est venu y dîner il y a quelques semaines, en novembre. Braquant, de facto, les projecteurs sur ce restaurant. Qui respecte, conclura-t-on, l’ADN de Borough Market : au plus près de la qualité, du produit ; et avec une politique du zéro chichi. Rafraîchissant.

Parsnips, pickled cabbage, sirloin
Wild mushroom tartalette, roasted yeast sauce
Blood orange, dark chocolater
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