F&S était au Lutetia à Paris pour rencontrer le chef exécutif Benjamin Brial – « En tout, il y a 200 places assises, et elles sont remplies tous les jours »
Au Lutetia, rencontre avec le chef exécutif Benjamin Brial
Après une réouverture qui a fait l’événement de l’été, le Lutetia entame sa première rentrée post-travaux. Du côté de Food&Sens, on a mis les pieds en cuisine, afin de s’entretenir avec Benjamin Brial, le chef exécutif de cet hôtel iconique. Il est revenu pour nous sur le succès immédiat de l’hôtel, et sur l’esprit de la carte, parisienne et voyageuse à la fois.
Le Lutetia. Emblème de la rive gauche, repaire du tout-Paris. A peine rouvert, que déjà les intérieurs nouvellement sertis de cet hôtel-légende sont parcourus incessamment d’une clientèle d’habitués (et de stars. On en a croisé). « Nous sommes plein depuis l’ouverture, tous les midis et tous les soirs », glisse Benjamin Brial, le chef exécutif. Sans doute la vibe contemporaine et allégée du nouveau décor y est-elle pour quelque chose. Toujours est-il qu’à en croire le taux de remplissage des espaces de restauration de l’hôtel, les Parisiens (et tous les autres) se sont réappropriés les lieux. La doxa actuelle est au chic décontracté, qui veut que les palaces se fassent ouverts, moins confidentiels que jadis, désormais départis de ce halo compassé qui les enveloppait autrefois d’une opacité intimidante. Le Lutetia a suivi cette tendance ; adieu les lourdes tentures, le tamisé, l’opulence de caste qui y régnaient avant la rénovation. A la place, des baies vitrées courent désormais le long de la façade, donnant à voir le Boulevard Raspail et son fourmillement, et la rue de Sèvres où trône le Bon Marché. De même, les passants parcourant le boulevard ne peuvent que lorgner du côté du Lutetia, dont ils aperçoivent le bar en longeant le bâtiment. Une stratégie d’appel efficace, donc (même si, du coup, le côté feutré est moins prégnant qu’autrefois).
Si la nouvelle atmosphère est aux espaces clairs et dégagés, et à une retenue des effets de décor au profit du confort contemporain, l’offre culinaire du Lutetia propose quant à elle un propos plus métissé. Elle est signée du chef exécutif Benjamin Brial, qui chapeaute tous les espaces de restauration de l’hôtel (sauf la Brasserie Lutetia par Gérald Passédat, pas encore ouverte). Sous son égide, la cuisine française contemporaine présente des accents voyageurs rapportés d’Asie. « J’utilise beaucoup d’épices », confirme Benjamin Brial, qui a passé plus de 2 ans à Hong Kong, en tant que sous-chef exécutif du Landmark Mandarin Oriental, et qui a été pendant 2 ans au Four Seasons de Shanghai, en tant que chef de cuisine du restaurant français. « Tous les plats contiennent un rappel d’épices et d’herbacés. On le voit dans le tartare de thon à la sauce ponzu, par exemple, ou dans le foie gras au poivre de Sarawak », ajoute le chef. Qui s’est livré sur la direction culinaire donnée au Lutetia. À découvrir ci-dessous.
F&S : Bonjour Benjamin ; le Lutetia a rouvert le 12 juillet. Depuis cette date, il ne désemplit pas. Vos clients sont satisfaits, donc ?
Benjamin Brial : Nous avons de très bons retours. Et déjà beaucoup d’habitués ! Parmi eux, figurent des célébrités (dont des chefs), notamment ceux qui habitent le quartier. Ils se sentent à l’aise ici, un peu comme à la maison. D’ailleurs, l’architecture du restaurant Saint-Germain va dans ce sens, puisqu’elle est pensée comme un grand living-room. En tout cas, nous sommes ravis de voir que les Parisiens viennent nombreux ici. C’est vraiment pour eux qu’on cuisine. C’est d’ailleurs l’avantage d’être situé rive gauche : cela draine une clientèle très parisienne. Au Lutetia, 90% de nos clients sont Parisiens.
F&S : Le fait d’avoir une clientèle d’habitués, qu’est-ce que cela implique côté cuisine ?
Benjamin Brial : L’exigence du renouvellement. De fait, on change déjà la carte, pour continuer de plaire aux clients réguliers. Cela nous pousse à travailler comme le ferait un petit restaurant, avec un changement de carte tous les deux mois. Et puis, on travaille de saison, bien sûr. Bref, pour rester dynamique, on mise sur le changement. Au bar par exemple, on change encore quelques éléments. On s’ajuste sans cesse, donc. Mais j’ai l’habitude de fonctionner ainsi ; à Hong Kong, le changement était une règle. Pour vous donner un exemple, on renouvelait le thème de l’Afternoon Tea tous les mois.
F&S : Le Lutetia étant un hôtel iconique pour les Parisiens, est-ce que la carte est très parisienne aussi ?
Benjamin Brial : Je dirais qu’elle est voyageuse. J’avais envie de faire quelque chose qu’on ne retrouve pas partout ailleurs à Paris. Du coup, j’incorpore à mes plats français les influences culinaires que j’ai glanées à l’étranger. Et je propose des choses décalées : des canapés nordiques, par exemple, parfaits pour accompagner une vodka. Ou des mini-burgers à base de whisky. Même nos club sandwichs sont servis différemment, dans un esprit de partage.
F&S : Où était votre précédent poste ?
B.B. : À Londres, au Four Seasons Ten Trinity Square, où j’ai fait l’opening en tant que chef exécutif. J’y suis resté 1 an et demi. 8 mois après l’ouverture, le restaurant d’Anne Sophie Pic, La Dame de Pic London (à découvrir ici), a décroché sa première étoile Michelin. Tout le monde était fier.
F&S : Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir en France ?
B.B. : Cela faisait 7 ans que je vivais à l’étranger ; après tout ce temps, j’ai eu envie de rentrer en France. Et puis, quand on vous propose le projet du Lutetia, ça ne se refuse pas ! (Rires). C’est un très beau retour à Paris…
F&S : Parlez-nous des coulisses de la réouverture ?
B.B. : Cela fait un an que je travaille dessus ; j’ai eu carte blanche sur le concept, le choix de la vaisselle (on travaille avec Jars et Montgolfier, sur une vaisselle essentiellement en grès, contemporaine et colorée). Comme on me fait confiance, je m’implique énormément dans l’hôtel. Je suis beaucoup en salle, afin de m’assurer moi-même que les clients sont contents. Ce contact direct avec la clientèle, c’est essentiel. Ici, j’accueille les gens, conformément à l’esprit de maison qui est celui de l’hôtel. Le tout se fait dans la simplicité, sans ego ; notre but, c’est de faire plaisir aux gens. Pour y arriver, on fait de notre mieux.
F&S : D’ici décembre ou janvier, le chef Gérald Passédat ouvrira la Brasserie Lutetia, également située dans l’hôtel. Qu’est-ce que cette ouverture prochaine vous inspire ?
B.B. : On est ravis de la venue de Gérald ; un chef étoilé dans les murs, c’est top. Chacun aura sa clientèle, bien sûr ; selon l’offre recherchée par les gens. En tout cas, ce que je peux vous dire sur ce futur restaurant, c’est qu’il sera très différent de ce qu’il y avait à l’époque.
F&S : Vous qui revenez d’1 an et demi à Londres, vous n’êtes pas sans savoir que la capitale anglaise est perçue comme l’un des hot spots gastronomiques du moment, et considérée comme la capitale culinaire d’Europe. Quid de Paris ?
B.B. : Même si Londres est très dynamique, Paris reste novateur. Ceci dit, il est vrai qu’il y a énormément de tendances qui éclosent à Londres, et qu’on y trouve un large mélange de cuisines. Les avancées en termes de gluten free et de healthy food y sont également très nettes. Du coup, j’ai mis en place ici des choses vues là-bas ; cela se retrouve notamment dans la carte du spa, ainsi que dans celle du petit-déjeuner, qui contiennent beaucoup d’options saines.
F&S : Le quartier du Lutetia se développe bien côté culinaire, comme en témoignent la récente ouverture du passage Beauregard (où l’on retrouve Thierry Marx, Pierre Hermé, Yannick Alléno et le Daily Pic d’Anne-Sophie Pic), ainsi que l’incontournable Grande Épicerie du Bon Marché (qui propose sa propre table, et des comptoirs food). Comment se démarquer face à eux ?
B.B. : Ce ne sont pas des concurrents, dans la mesure où chacun propose une ambiance différente. Au contraire, leur présence dynamise le quartier ; c’est une bonne chose. Quant au Lutetia, il ne peut qu’être fréquenté ; son emplacement est idéal, il représente bien l’esprit de ce quartier, décontracté et familial, et il est le seul hôtel de ce calibre sur la rive gauche. Bref, on savait que ça allait fonctionner. Ça se fait un peu tout seul, d’ailleurs. D’autant que les gens attendaient la réouverture avec une vraie impatience. Et puis, la carte est claire, avec son découpage par sections (poissons, viandes, accompagnements) ; les clients peuvent composer eux-mêmes leur menu, ce qui est plaisant. Nos formules lunch, qui sont déjà très populaires, ont été spécialement pensées pour convenir à un déjeuner de semaine, avec un vrai effort sur le rapport qualité/prix et l’accessibilité (on a une formule à 38 euros, qui comprend une suggestion de plat + un dessert à la carte ; on a aussi un menu à 41 euros, incluant le café gourmand). Quant au bar, là encore il fait un effort pour se démarquer ; sa carte est présentée dans un carnet de voyage en cuir, frappé d’une rose des vents. On propose également de jolies options snacking. Bref, le Lutetia a rencontré son public.
F&S : Du coup, il vaut mieux réserver pour venir ?
B.B. : Absolument. En tout, il y a 200 places assises, et elles sont remplies tous les jours. Rien qu’au bar Joséphine, on fait environ 500 couverts par jour. Donc oui, pensez à réserver !
Par Anastasia Chelini
Une carte différente des autres palaces Parisien, des mets délicieux au restaurant et une carte « snacking » au Bar qui est à tomber !! Un jeune chef prometteur et à suivre… Nous recommandons vivement.
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