Michel Kayser – Un parcours aux allures de pyramide inspirée –
Un chef dont on ne parle pas assez, c’est à Nîmes qu’il fait son parcours d’étoilé, mais c’est à Metz que vous pourrez le retrouver comme parrain du Salon Gourm’est, qui se tiendra à Metz Expo du 12 au 14 novembre prochains. Michel Kayser, un chef qui n’a pas fini de nous étonner.
Le Républicain Lorrain lui consacre un portrait – EXTRAITS
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C’est dans la discrétion, qu’il s’épanouit. C’est dans le partage, qu’il se transcende. C’est dans le respect qu’il se retrouve. Michel Kayser est un humaniste, attaché aux valeurs d’une cuisine intelligible, il n’en est pas moins rebelle, parce que soucieux de protéger sa liberté de penser, d’agir et de transmettre.
Chef étoilé, installé depuis près de trente-quatre ans à Garons, dans la banlieue nîmoise, il a quitté le Pays de Bitche à l’âge de 13 ans et demi pour partir en apprentissage et se lancer dans l’aventure d’un compagnonnage intuitif, guidé par sa soif de découverte et son envie de se construire une personnalité à l’image de ses maîtres.
Les graines de l’excellence
Un parcours aux allures de pyramide inspirée. Une formation de base très large, en lien avec le terroir de ses aïeux et la richesse des produits qui ont bercé son enfance, afin de s’élever vers les sommets, avec une volonté et une humilité qui, aujourd’hui, font de ce Mosellan expatrié, un cuisinier exigeant, généreux et inventif. Il porte en lui les graines de l’excellence, semant autour de lui les germes d’une culture façonnée au fil de ses expériences et ciselée avec éclat comme le cristal de sa région d’origine.
Bercé aux recettes de son entourage, il savoure rétrospectivement les bienfaits de cet héritage familial « les boulettes moelleuses d’une de mes deux grands-mères ou le consommé fumant de céleri de ma seconde mamie, sans oublier les sublimes choux à la crème de ma mère. Chez les Kayser on a toujours su cuisiner simple et bon ». Des odeurs familières aux arômes naturelles, expurgés de tout ingrédient superficiel « la substantifique moelle des légumes du jardin sans artifice, en respectant les saveurs d’un savoir faire dans lequel j’ai pu puiser ma propre inspiration ».
Rencontres déterminantes
Une jeunesse studieuse, jalonnée de rencontres déterminantes, à l’Auberge Albert Marie à Rosbruck, « trois années cruciales, au cours desquelles j’ai appris à aimer ce métier » avec à la clé un CAP, décroché au Lycée hôtelier de Metz. Et puis il y eut ces deux années inoubliables, chez Paul Alexandre à Palavas « où j’ai appris la vie », avant d’intégrer les cuisines du restaurant Bouvarel, à Saint Hilaire-du-Rosier dans l’Isère, « où je me suis imprégné de cette chaleur humaine qui me fait encore aujourd’hui chaud au cœur ». Nombreuses ont été les saisons intercalées dans des établissements de belle renommée, avec le souvenir ému de passages enrichissants, à Evian « tellement rafraîchissant, dans un environnement de rêve », aux Deux Alpes où « je rencontre l’amour de ma vie » et ce deuxième séjour à Palavas « après mon service militaire, avec la conviction qu’un jour je volerai de mes propres ailes ».Une histoire vraie, comme on aime les raconter, avec cette dimension affective d’un homme qui a grandi naturellement, sans brusquer le rythme normal d’une évolution parfaitement maîtrisée.
Signe du destin
Retour en Lorraine, pendant 4 ans à l’hôtel Union à Sarreguemines, à la mort de son père, pour se ressourcer et se donner cette véritable impulsion qui va le conduire à prendre la décision capitale « m’installer, avec mon épouse, pour laisser libre cours à mon impatience d’exister par moi-même ». C’est alors que réapparaît Paul Alexandre, tuteur de la première heure, va subitement devenir le conseiller de la dernière minute « Étant de passage à Saint Walfrid, chez les Schneider, pour une partie de chasse dans le secteur, je saisis cette opportunité prémonitoire pour lui glisser à l’oreille, mon intention de m’établir ». Pris par le temps, le visiteur d’un soir demande à son ancien commis de lui écrire. « J’ai cru à une fin de non recevoir diplomatique. » Mauvaise intuition, puisque quelques jours plus tard le contact est rétabli : « mon frère jumeau, Pierre, étoilé à Garons, près de Nîmes, veut raccrocher, il envisage sérieusement de céder son affaire ». Un signe du destin…accompagné de quelques sueurs froides. « Premier contact difficile. Pierre Alexandre ayant l’intention de vendre. Compliqué pour moi de m’aligner sur une telle proposition ». Mais ne trouvant pas de repreneur, le futur retraité, impatient de tourner la page, opte finalement pour un compromis négociable en proposant à Michel Kayser une forme de gérance participative. Mai 1983, contrat signé. Janvier 1984, réouverture de l’établissement…sans étoile. « les années galère. S’affirmer en assurant des remboursements très lourds. Une situation tendue ». En 1986, bien que puisant dans les ressources insoupçonnées de son tempérament de Bitchois déterminé, Michel est en passe de jeter l’éponge « paradoxalement c’est mon banquier qui m’incite à continuer, me conseillant de contracter un prêt afin de me libérer des contraintes financières, imposées par l’ancien propriétaire ». Un incroyable ballon d’oxygène et surtout une remotivation salvatrice pour la petite équipe du Garons, galvanisée par cette surprenante remise en scelle .
Parrain de Gourm’est
Résultat immédiat, le restaurant Alexandre retrouve son étoile, en 1987 « une profonde satisfaction, significative de la sortie du tunnel. Et surtout l’occasion de faire un arrêt sur image. Apprenti à 13 ans…et entrer ainsi dans la Guide Rouge, c’est juste énorme ». Nullement grisé par ce macaron valorisant, s’appuyant sur sa légendaire humilité et rebousté par cette reconnaissance du Michelin, le chef rassuré, entame gaillardement le deuxième épisode de son épopée. En 2003, 1 million d’euros d’investissements, pour accélérer la montée en puissance de ce haut lieu de la gastronomie languedocienne , qui quatre ans, plus tard décroche sa deuxième étoile, puis entre dans l’association des Grandes Tables du Monde et rejoint le prestigieux réseau des Relais et Châteaux « une consécration phénoménale qui rejaillit sur les 25 salariés de la Maison. » Car l’esprit d’équipe n’est pas un vain mot à Garons « c’est ma plus grande fierté. Cette cohésion qui n’étouffe pas pour autant le talent individuel. Question d’équilibre, de complémentarité et surtout de bonne compréhension entre la cuisine et la salle. » Michel Kayser insiste sur cette osmose nécessaire « la mode est aux émissions de cuisine, mais on oublie simplement que rien ne peut se faire, sans une bonne présentation des plats à la clientèle »
Et maintenant, à quand la troisième étoile ? « Je n’en faisait pas une obsession. Si elle doit venir, ça se fera naturellement. L’essentiel est de continuer à prendre plaisir chaque jour à offrir à nos visiteurs ce que nous aimerions nous mêmes découvrir. » En s’inspirant de grands chefs comme Marc Haeberlin, Jean Georges Klein ou Michel Roth, le rebelle des années 1980 est en passe de devenir le grand inspirateur des années à venir.
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