Montpellier – L’art de la table avec Marlène Mocquet qui a dressé sa table étrange et enchantée à L’Hôtel Richer de Belleval qui accueille l’exposition « Différent parfois, libre toujours »
Quand le repas devient art ! Quand une artiste met en scène le festin d’aujourd’hui… Une mise en scène artistique à découvrir à l’hôtel Richer de Belleval à Montpellier, Relais & Châteaux qui aux 20 chambres et deux restaurants, Jardin des Sens, table gastronomique et le bistrot La Canourgue, et une fondation d’art, la Fondation GGL dédiée à l’art contemporain, qui accueille l’Exposition « Différent parfois, libre toujours » par l’artiste Marlène Mocquet.
Comme dans les palais d’autrefois, l’art est installé partout, sur les murs, sur les plafonds, sur le lanternon d’un salon à l’italienne, dans les salles de la Fondation et dans les assiettes de Jacques & Laurent Pourcel.
Marlène Mocquet a souhaité dans cette exposition remercier sa famille de coeur, ces hommes de coeur – Alain Guiraudon, Jacques Guipponi, Jean-Marc Leygue, Thierry Aznar – qui ont rendu sa splendeur à l’Hôtel Richer de Belleval et aux chefs étoilés, Jacques & Laurent Pourcel, maitres incontestés des cuisines du palais.
C’est une table de repas de fête, de festin que l’artiste a installé dans une des salles de la fondation. Une table dressée majestueusement avec opulence, une scénographie soignée et immersive, qui mêle couleurs, textures, matières pour déguster un repas extraordinaire, furieusement imaginaire. Entre chimères monstrueuses et animaux fantastiques, coccinelles volantes et pommes du péché originel, l’univers onirique de Marlène Mocquet mélange matières et émotions.
Dès l’entrée de la pièce, on est invité, absorbé dans l’univers singulier de Marlène Mocquet. les yeux passent du rideau à la tapisserie qui recouvre les murs, travail en symétrie qui fait écho aux tâches de Rorschach, thème que l’on retrouve régulièrement dans le travail de l’artiste. La pièce est richement décorée, elle nous transporte par la magie de la mise en scène dans une villa romaine, précieusement décorée de fresques, à la table d’un prince de la Renaissance, ou d’une sorcière, magicienne des potions magiques aux recettes tirées de son grimoire.
On pénètre comme dans une alcôve intime, dans un espace feutré, tamisé, qui invite au chuchotement et au rapprochement, à l’échange et à la discussion, au partage et aux confidences, autant qu’au silence et au secret, secret des émotions et des interrogations provoquées devant cette table de 12 couverts, somptueuse, onirique, « différente et libre ».
12 couverts, 12 assiettes de grès, 12 plats, 12 univers, 12 expériences, 12 mises en scène, pour un salon de réception dans lequel est dressée une table onirique, une immense table des grands jours, des grands festins, avec assiettes, couverts dorés, verres, plats de grès qui servent de scène de théâtre à des animaux et des personnages non ordinaires. Approchez, les assiettes débordent de mets non ordinaires, offrent à savourer des nouveaux plaisirs, étonnants, détonnants. Ce ne sont pas des scènes de chasse ou des fleurs innocentes qui décorent les assiettes, non ici tout n’est que relief, texture, couleurs, témoignage de l’univers fantasmagorique de l’artiste, univers de tous les possibles, de toutes les frayeurs, de toutes les douceurs, de toutes les émotions.
Dans ce festin peu ordinaire, l’imaginaire et l’émerveillement ont toute leur place pour dévoiler la magie du repas.
Un monde candide ? Pas sûr, même si la plasticienne, l’artiste a un faux air de Candy, ou d’héroïne de film de Walt Disney, et déroule un monde délicieusement enchanté ou furieusement désenchanté. Ne lui parlez pas d’inspiration puisée dans les contes et merveilles des livres d’enfant. L’artiste n’a pas lu de contes, est est l’héroïne de son propre conte, elle écrit son histoire oeuvre après oeuvre. Marlène Mocquet a inventé son monde dans elle est la reine, la magicienne, un monde peuplé d’étranges créatures fantasmagoriques, effrayantes, amusantes, qui vivraient dans des forets hantées, dans des nuages,
Au menu du festin, du fantastique et de la poésie, de l’étonnement qui fraie avec la frayeur, des grappes de raisin et des poissons, des souris et des oiseaux, des oeufs et des fruits, des personnages et des animaux et des pommes…
La table, hommage aux chefs, lieu d’échange et de partage avec Jacques & Laurent Pourcel, est la suite de l’expo de la première salle, qui déroule des céramiques représentant cette famille de coeur en César. Chaque céramique a en écho sa toile, sa peinture évocatrice, peuplée de personnages et d’objets, naïfs ou surréalistes, d’animaux et de fruits, de fantômes et d’oiseaux aux yeux exorbités, et de… pommes. Certains objets semblent être descendus des toiles, pour se poser dans les assiettes, les pommes ont roulé et ont pris place sur les assiettes, pommes symboles de la connaissance du bien et du mal, pommes fatales, pommes d’amour, pomme du péché.
Les pommes – des Pink Lady, héroines de l’oeuvre, Longue-vue, installée sous la voûte de l’escalier majestueux, qui se déploient dans un jardin d’Eden doré peuplé de créatures joyeuses en céramique – se font Pomme d’amour (dessert signature des Frères Pourcel), et déclenchent mille émotions. Elles voisinent avec Adam et Eve, des Paradis perdus, un Cimetière d’éléphants, une Corne d’abondance, des souris qui pourraient s’être échappées du livre de Cendrillon… pour envahir l’assiette et le verre. Chaque assiette raconte une histoire, imaginée et créée par Marlène Mocquet.
Les 12 assiettes composent une table gourmande en émotions et en contenus, en détails qui réveillent en nous des sentiments curieux. Elles grouillent de personnages monstrueux, de pourriture et de moisissure, de souris et de portées de souris, de fruits pourris, d’animaux fantastiques aux dents longues, c’est un mini monde furieusement torturé qui est passé à table, qui a envahi verres, coupes, assiettes, couverts. Des minis monstres côtoient des escargots, des coccinelles, des oiseaux flamboyants aux plumes lisses qui jettent un regard curieux avec leurs yeux exorbités. Les coupes débordent d’ élixirs… d’amour, poisons, breuvages, de goût ou pas. Au milieu trône un vase, centre de table débordant d’une composition végétale dont les tons sont écho aux murs.
Posé à côté de la table, un étrange personnage aux pieds en forme de mains, semble veiller sur le monde de l’artiste, pas plus haut que trois (douzaines de) pommes, assis sur un fauteuil. Il est le gardien de la table, et se nomme « Haut comme trois pommes »…
Bienvenue dans le monde onirique d’une artiste qui a le coeur au bord des lèvres, l’émotion au bord du coeur, un coeur gros comme une pomme géante, qui bat au rythme de l’amour sans limite. Marlène Mocquet.
Exposition Marlène Mocquet « Différent Parfois, Libre toujours » jusqu’au 27 avril 2024 – Fondation GGL- Hôtel Richer de Belleval – Place de la Canourgue – 34000 Montpellier – du mardi au vendredi de 14 à 18 heures
Marie-Ange Chiari