F&S a interviewé Guillaume Sanchez – son menu Punk au Bon Marché, Neso, son actualité, son image
Le Bon Marché Rive Gauche, grand magasin iconique de Paris, entame sa rentrée sur les chapeaux de roue. Au programme de cette institution qui se réinvente sans cesse, l’esprit punk, célébré dans une exposition intitulée So Punk. Pour incarner cette mouvance côté cuisine, le Bon Marché et sa Grande Épicerie ont fait appel au chef Guillaume Sanchez, qui servira jusqu’au 20 octobre un « menu punk » à La Table, selon un quatre mains avec le chef Cédric Erimée de la Grande Épicerie. Ni une ni deux, Food&Sens a souhaité en savoir plus, et a interviewé Guillaume Sanchez par téléphone. Un entretien à retrouver ci-dessous.
F&S : Depuis le 31 août, votre menu punk est disponible à La Grande Épicerie du Bon Marché. Parlez-nous de cette carte ; qu’est-ce qu’un ‘menu punk’ ?
Guillaume Sanchez : Pour moi, c’est une carte très brute de décoffrage, basée sur le produit. L’idée était d’amener un peu de mon restaurant NESO au Bon Marché ; ce qui n’était pas évident, car ils font beaucoup de couverts, et qu’il ne fallait pas non plus désarçonner leur clientèle habituelle. Quant au thème, Punk, pour moi cela veut dire qu’il est basé sur le produit. Faire quelque chose de punk en cuisine, cela renvoie à la liberté, à la brutalité dans le propos, avec une carte centrée sur le produit, sans fioritures ni trop de mise en forme.
F&S : Il paraît que vous aimez beaucoup le Bon Marché ?
G.S. : Oui. Moi qui ne suis pas Parisien à la base, quand je suis arrivé ici, il n’y avait pas beaucoup de pâtisseries qui me faisaient rêver. Il y avait Fauchon avec Christophe Adam, Ladurée qui fonctionnait bien, Dalloyau ; et le Bon Marché, où il se passait de belles choses. Cet espace est tellement atypique, et la proposition est tellement intelligente, que ça m’a toujours plu. Je trouve le Bon Marché très avant-gardiste. Son offre colle vraiment avec l’époque (alors qu’autrefois, elle s’adressait plutôt à une niche.)
F&S : Quelles sont vos valeurs communes, le Bon Marché et vous ?
G.S. : Il y a quelques années, la Grande Épicerie m’a appelé pour évoquer une possible collaboration ; à cette occasion, on s’était rendu compte que nos deux entités avaient pour socle commun l’humain ; les équipes. C’était il y a 7-8 ans environ. Les choses ne se sont finalement pas faites, mais j’ai gardé en tête cette conversation ; et lorsqu’ils m’ont proposé de faire leur menu punk, j’ai dit oui tout de suite.
F&S : Après avoir obtenu son étoile début 2019, où en est votre restaurant NESO ?
G.S. : NESO numéro 2 est apparu il y a 4 mois, juste en face du premier. Il s’agit d’un bar à cocktails et tapas. Les clients nous suivent ; on essaie toujours d’être créatifs, de remettre en question notre format. NESO est une entreprise qui grandit tranquillement, sereinement, et on ne se met pas trop la pression.
F&S : Pourquoi avoir choisi d’ouvrir ce second NESO en face du premier (et pas ailleurs, dans un autre quartier par exemple) ?
G.S. : C’est l’opportunité qui s’est présentée. Le fait que les deux soient voisins me convient très bien, car comme ça, je suis sur place. Je n’aime pas être absent. J’aime être là, et mon équipe aussi aime que je sois sur place.
F&S : Envisagez-vous de vous développer davantage ?
G.S. : Pour l’instant, la question ne se pose pas ; NESO n’est qu’à 10% de ses capacités, donc on a une réelle envie de le pousser davantage, et de se concentrer à fond sur ce projet, pour qu’il aille jusqu’au bout de son potentiel. On a besoin de prendre le temps de penser à la suite, de ré-imaginer notre propre format ; d’accélérer en terme de création culinaire, pour pousser le curseur encore plus loin. Le mouvement c’est la vie ; et nous, on a vraiment envie de rester en mouvement, de demeurer une force de proposition sur plein de sujets.
F&S : Votre image de chef rock’n roll agace ou plaît, selon ; qu’en pensez-vous ?
G.S. : La dénomination ‘rock’ me concernant a été lancée par des journalistes qui avaient envie que ça me décrive, et d’obtenir ainsi plus de vues sur leur article. Je fais ma vie, voilà. Je m’en fiche. J’avance. Une des choses qui a réellement changé ma carrière, c’est que je ne regarde plus vraiment ce qui se dit sur moi ; je ne cherche pas à plaire plus que de raison ; et j’avance. On ne peut pas plaire à tout le monde. Tant que les équipes se sentent à l’aise avec ce que l’on fait, tout va bien. Les clients sont contents, l’entreprise va bien, tout va bien. Quant à mon image, je dirais qu’elle a un peu changé aux yeux des gens depuis NESO ; ils voient autre chose de moi.
F&S : Votre premier restaurant, NOMOS, a été un succès en demi-teinte ; et NESO, un franc succès. Quelles seraient, selon vous, les raisons du semi succès du premier, puis du succès du second ?
G.S. : Avec NOMOS, tout allait bien au départ ; puis moins bien. J’ai tout fait pour maintenir la barre, histoire de ne pas partir quand le navire prenait l’eau. Je suis parti quand j’ai redressé la boîte. Depuis, je pense que j’ai grandi un peu, je suis un peu moins virulent, le Guillaume d’il y a quelques années et celui d’aujourd’hui sont un peu différents ; je suis plus posé, moins agressif ; les équipes restent ; et donc je peux me concentrer sur la partie créative. Disons que je me suis fait la main avec le NOMOS ; il m’a permis d’apprendre à gérer une entreprise.
F&S : Supposons qu’un grand hôtel vous propose de diriger sa table gastronomique ; que feriez-vous ?
G.S. : Je pense que l’un n’empêche pas l’autre. Aujourd’hui, j’ai une vraie volonté de gérer ma vie, selon mes envies et mon point de vue. J’ai un besoin d’entreprenariat qui est conséquent ; pour autant, je ne me ferme à rien. Si un jour j’avais une telle proposition, on prendrait le temps d’y répondre correctement.
F&S : Ouvrir une table à l’étranger, ça vous tente ? Beaucoup de chefs le fond.
G.S. : Je suis quelqu’un d’assez patriote ; pour que la France puisse continuer de briller à l’international, il faut que ma génération arrive à faire des choses au sein de nos frontières, et qu’elle continue de former et de créer sur place. Il me semble qu’on se plaint souvent du manque de rayonnement de la France dans les classements culinaires internationaux ; mais si ma génération quitte le pays, ça ne sert pas à grand-chose…
Propos recueillis par Anastasia Chelini
Très intéressant