Ikejime ou l’art « de mourir vivant » pour le poisson au Japon – dans la douceur et en respectant l’animal
IKEJIME – une technique permettant d’abattre le poisson dans la douceur sans stress, vite et sans douleur. Ikejime ou l’art de « mourir vivant » le poisson au Japon sans agonie ni panique. Une pratique qui optimise le processus naturel de dégradation cellulaire.
La gastronomie est essentielle dans la culture du pays du soleil levant qui sait furieusement tout transformer en art. Les Japonais maitrisent l’art de l’origami, plient joliment le papier, l’art de la calligraphie, l’art du manga, l’art de la laque, l’art de vivre. L’art de la gastronomie, partout entre ruelles et gratte-ciles des volutes de saveurs iodées s’échappent, sur les marchés des poissons et des coquillages inconnus de nous sont posés avec art et délicatesse, l’art d’associer les saveurs, l’art subtil de l’équilibre et de l’harmonie, l’art de la juste cuisson, l’art de déguster, de savourer. Mais aussi l’art de semer, cultiver, protéger fruits et légumes, admirer les cerisiers en fleurs au point d’en faire une fête nationale. Les produits de la mer et de la terre sont élevés et mis à mort avec un infini respect. Chefs et cuisiniers mettent en scène des traditions et des gestes culturels. Les animaux sont abattus avec égard dans l’esthétisme.
Les poissons sont abattus selon la méthode du ikejme. Mais encore ? C’est une pratique ancestrale qui consiste tout simplement à neutraliser le système nerveux du poisson pour lui éviter tout stress, toute douleur. Il meurt sans contracter ses muscles et livre une chair aux qualités gustatives exceptionnelles. Goût et apparence du poisson sont remarquables. Les poissons sont tués vivants. Mort instantanée assurée. Mieux que l’asphyxie qui voit les animaux agoniser !
Comment ça se passe ? Les poissons arrivent, débarquent vivants, les écailles nacrées et l’oeil brillant, vif, ils s’agitent naturellement, bougent, respirent, regagnent des viviers où pendant quelques jours, ils s’apaisent et se détendent, se débarrassent du stress et des angoisses, avant de mourir vivant. En quelques toutes petites secondes ils passent de vie à trépas par un seul geste, précis, culturel . C’es la « mort vive », le poisson présente une saveur, une texture exceptionnelles. La pratique a dépassé les frontières du Japon, ce mot nippon désormais s’affiche en France sur les cartes de restaurants et même certaines poissonneries pratiquent la méthode, le disent, tous vantent la qualité de la chair.
Beaucoup de chefs achètent des poissons ainsi abattus, d’autres les achètent vivants à la criée et eux-mêmes, s’ils maitrisent cet art, pratique l’ikejime, sont passeurs de cette tradition culturelle, respectent le bien-être des poissons afin d’en préserver le goût et la texture. Cette mort instantanée, en quelques secondes, permet d’amener le poisson à maturation, un poisson saigné « ne sent pas le poisson » et se conserve beaucoup plus longtemps qu’un poisson asphyxié, il mature de quatre jours à deux semaines… et pendant ce temps des saveurs, des arômes se développent, c’est le goût vrai du poisson qui va être servi. L’énergie du muscle, l’ATP adénosine triphosphate, est préservée et donnera beaucoup d’umami (saveur délicieuse), la cinquième saveur, après le salé, le sucré, l’amer et l’acide. Un poisson à la chair ferme, nacrée, soyeuse, sublimée. Cette technique d’abattage n’a que des avantages, meilleur goût, texture inédite, maturation possible et respect de l’animal.
En consommant un poisson mis mort ainsi on ne découvre pas seulement un plat, le goût du Japon et du poisson mais une culture une tradition des gestes et un savoir-faire-faire nous n’avons pas le droit de faire souffrir les animaux que nous mangeons.
TECHNIQUE :
Étape 1 – le poisson est tu rapidement à l’aide d’un pic enfoncé dans son cerveau, ce qui permet de le faire souffrir le moins possible.
Étape 2 – On insert une longue tige de métal le long de la colonne vertébrale du poisson. Elle permet de détruire l’ensemble des terminaison nerveuses. Cela empêche l’émission de signaux nerveux, et permet au poisson de conserver toute sa saveur.
Étape 3 – On saigne le poisson en entaillant le bout de sa queue et son ouïe. Étant vidé de son sang, le poisson se conservera beaucoup plus longtemps et développera des saveurs plus marquées.
Cette technique n’est pas applicable à une pêche industrielle et intensive.