Fait maison : le gouvernement veut élargir la mention et relancer le titre de maître restaurateur
Le gouvernement prépare un assouplissement des règles du fait maison et une modernisation du titre de maître restaurateur. L’objectif affiché est simple : rendre ces repères plus utilisés, donc plus visibles, dans un secteur sous tension.
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Une réforme annoncée dans un climat de fatigue sectorielle
La réforme n’arrive pas par goût du symbole. Elle arrive par nécessité. À la clôture des Assises de la restauration et des métiers de bouche, l’exécutif a choisi de remettre sur la table deux marqueurs qui devaient, à l’origine, distinguer la cuisine travaillée de la cuisine assemblée : la mention fait maison et le titre de maître restaurateur.
Derrière ces termes, il y a une idée politique classique : quand un secteur se fragilise, on réactive des repères de confiance. On ne promet pas une grande loi, on promet un ajustement concret. Le message est clair : faire en sorte que les outils existants soient davantage utilisés, donc davantage lisibles, par les clients.
Fait maison : élargir la liste des ingrédients compatibles
Le point le plus commenté tient dans une phrase : allonger la liste des produits autorisés pour qu’un plat puisse rester compatible avec la mention fait maison.
Plusieurs exemples circulent déjà, parce qu’ils parlent immédiatement aux cuisines :
- Les ovoproduits, dont les œufs en bouteille.
- Les légumes blanchis.
- La crème végétale.
- La chair de crabe.
Le raisonnement avancé est pragmatique : utiliser ces produits n’est pas “tricher”, mais pour répondre à des réalités de service, d’hygiène et de régularité, dans des brigades souvent contraintes. Autrement dit : l’idée est de reconnaître ce qui se fait déjà, plutôt que maintenir un standard perçu comme théorique, donc peu utilisé.
Le sujet n’est pas anodin, car la mention “fait maison” repose sur une promesse : le plat est cuisiné ou transformé sur place à partir de produits bruts. Dès que l’on élargit la frontière de ce qui est “acceptable”, on déplace la frontière de la promesse. C’est ici que naît la controverse : ce n’est pas une querelle de puristes, c’est une querelle de définition.

Maître restaurateur : simplifier, allonger, élargir
Deuxième axe : le titre de maître restaurateur, pensé comme un cran au-dessus dans la logique de confiance.
Les pistes annoncées dessinent une réforme administrative et opérationnelle :
- Une procédure d’accès simplifiée (aujourd’hui elle est jugée dissuasive).
- Un allongement de la durée du titre, de 4 à 5 ans.
- Une évolution du cahier des charges pour coller davantage aux usages actuels (un exemple cité : intégrer des formats de service qui ne soient pas uniquement “à table”, comme certains buffets).
- Une ouverture envisagée, à moyen terme, à des lycées d’application des écoles hôtelières.
En arrière-plan, il y a aussi une cible politique : faire croître le nombre de titulaires du titre, avec un objectif chiffré déjà évoqué publiquement. Là encore, la mécanique est connue : plus un repère est rare, moins il sert le consommateur ; plus il est accessible, plus il peut structurer une lecture de marché. Toute la difficulté est de ne pas le banaliser en l’ouvrant.
La confiance et le langage du menu
Cette réforme se joue moins dans les textes que dans la tête du client.
Le consommateur ne lit pas un décret. Il lit un menu. Il voit un pictogramme. Il en déduit une promesse. La question devient alors stratégique : quel niveau de vérité une mention doit-elle porter et comment l’exprimer sans mentir, sans surpromettre, sans effrayer ?
Le gouvernement évoque aussi, en filigrane, une interrogation plus large sur l’affichage : faut-il aller vers plus d’obligation, plus de transparence explicite, ou rester sur une logique volontaire, avec contrôle a posteriori ? C’est un choix de doctrine. C’est aussi un choix de modèle économique, parce que la transparence totale est une charge, et que toute charge pèse d’abord sur les indépendants.
La réforme, telle qu’elle est présentée, cherche un compromis : ne pas baisser l’exigence, tout en cessant de faire comme si certaines pratiques (ovoproduits, prétraitements de sécurité) étaient moralement illégitimes. C’est une ligne de crête. Elle sera jugée à l’usage, donc au contrôle, donc à la manière dont la profession s’en empare.
Ce que cette séquence raconte de la cuisine française, ici et maintenant
On se tromperait en réduisant le sujet à une querelle de mots. Ce qui est en jeu, c’est une tension devenue structurelle : la France veut défendre une image de cuisine cuisinée, mais ses cuisines travaillent dans un monde qui a changé (main-d’œuvre, normes, coûts, attentes clients, rythmes).
La promesse du fait maison restera utile si elle demeure une promesse tenue. Le titre de maître restaurateur restera utile s’il demeure un repère de méthode et de sérieux, pas un badge de communication. Dans les deux cas, la réforme n’aura de sens que si elle produit ce qu’elle prétend produire : de la clarté.
Au fond, le client n’attend pas la perfection. Il attend qu’on ne lui raconte pas d’histoires.

















