
Et si vos truffes blanches venaient un jour du Sahara ?
La truffe, ce champignon capricieux et précieux, s’invite dans les assiettes des gastronomes fortunés depuis des siècles. Noire, blanche, d’été ou d’hiver, elle symbolise le luxe, le mystère et une part d’irrationnel gustatif !
Mais pendant que l’Europe scrute ses forêts et que la France vénère son Périgord, une autre terre se réveille sous le sable chaud : le Sahara algérien, qui abrite en son sein une richesse inattendue, le Terfess, cette truffe du désert dont la simple mention fait saliver les épicuriens du Golfe. Algérie, futur eldorado de la truffe ? Plongée dans un univers où la magie mycologique se conjugue avec les vents du désert.

Du sable à la table : la truffe du désert fascine le Golfe
Février 2025. Qatar. Dans un hall d’exposition climatisé, des caisses de truffes s’alignent comme des lingots d’or. Elles viennent de Syrie, d’Iran et, surtout, du Maroc et de l’Algérie. Les Saoudiens en raffolent.
ArabNews le confirme : le prix du kilo peut atteindre jusqu’à 264 euros. À l’approche du festival annuel de la truffe, des visiteurs affluent allant jusqu’à payer près de 266 dollars pour arpenter le désert et espérer déterrer ces joyaux souterrains.
Youssif Al-Mutlag, propriétaire terrien saoudien, résume la quête : « Il faut de la patience, un bon oeil pour le réguig et un tournevis. Le reste, c’est la magie de la nature.» Le réguig, cette plante endémique, est la boussole du chasseur. Ses racines s’associent aux filaments mycéliens, offrant ainsi à la truffe son sanctuaire.

Béchar : des truffes au parfum d’avenir
En Algérie, la chasse à la truffe n’a rien d’un passe-temps excentrique. À Béchar, des hommes armés de binettes s’activent près des touffes de réguig. Ils scrutent le sol, cherchent ces boursouflures qui trahissent la présence d’un trésor souterrain. DZ News suit l’un d’eux, qui déterre avec délicatesse une truffe de la taille d’une mandarine : « C’est à côté de ces plantes qu’elles aiment se cacher», explique-t-il.
Mais ici, la truffe n’est pas qu’un produit de cueillette. Elle devient enjeu agricole. Djelloul Chaïche, agriculteur à Ménia, est pionnier en la matière. Inspiré par ses voyages au Qatar et en Arabie saoudite, il a osé l’innovation : cultiver des truffes sous pivots d’irrigation. « Les voisins me prenaient pour un fou », confie-t-il. Aujourd’hui, il vend son kilo entre 15 000 et 25 000 dinars algériens. Les truffes blanches, les plus rares, s’envolent rapidement vers le Golfe.

Truffe algérienne : une gastronomie à prix d’or
Sur les marchés de Ghardaïa, au printemps 2024, les prix atteignent des sommets : 15 000 dinars le kilo, sept fois le prix de la viande rouge. Les clients s’agglutinent, posent pour des selfies près des caisses pleines, quand ils n’achètent pas directement à prix d’or. Un commerçant de Ouargla, Toufik, raconte : « Je ne cultive pas, mais j’achète et je vends. Cette année, la Hamada Hamra a été généreuse. » Avec prudence, il conseille : « Ne les arrachez pas trop tôt, laissez-les grossir, sinon la saison suivante sera maigre. »
Le Sahara, futur terroir truffier mondial ?
L’Algérie semble assise sur une manne mycologique insoupçonnée. Les terres sablonneuses de Béchar, Ouargla et Ménia offrent des conditions propices à la croissance du Terfess. La météorologie capricieuse, entre averses inespérées et chaleur constante, joue en faveur de ce champignon qui s’épanouit là où rien d’autre ne pousse. Si les Saoudiens ont investi dans des fermes expérimentales et des festivals attractifs, pourquoi pas l’Algérie ?
Reste à transformer ce don du ciel en filon stratégique. Face à la pression alimentaire et aux priorités agricoles liées aux céréales et oléagineux, la truffe pourrait incarner une diversification prometteuse des exportations hors hydrocarbures. Un produit d’exception, naturel et durable, qui pourrait, demain, s’inviter sur les tables étoilées de Paris, Tokyo et New York.
La truffe algérienne n’a pas fini de surprendre. Et si, dans quelques années, le parfum à la fois suave et terreux de ce champignon du désert venait titiller les narines des grands chefs européens ? Quand le sable se met à rêver de gastronomie, tout devient possible.