Michel Trama :  » Je vais prochainement réaliser quelque chose d’inédit, en alliance avec la nature. « 

30 janvier 2020  0  Chefs & Actualités
 

signature-food-and-sens Alors que le restaurant L’Aubergade à Puymirol a été déclassé d’une étoile dans l’édition du guide Michelin 2020, le chef Michel Trama fait le point sur cette vie incroyable qui l’a mené à décrocher jusqu’à trois étoiles dans l’Agenais pour le quotidien La Dépêche. Son talent n’a d’égal que son humanité, ses valeurs, son engagement pour les autres, un chef qui aura à jamais marqué l’histoire de la gastronomie française,  » Il faut se réinventer une vie avec tout ce que nous avons, ma femme Maryse qui est le ciment de cette affaire, le personnel.  » l’histoire continue pour L’Aubergade et on la souhaite la plus belle.

EXTRAITS 

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Coup dur pour le chef Michel Trama qui perd sa 2e étoile et conserve une étoile au firmament. Actuellement à Paris, il confie avec émotion son désarroi, tout en essayant de surmonter cette épreuve.

Michel Trama, j’imagine que la perte de cette étoile est douloureuse ?

Oui, hier soir entouré d’amis, j’ai pleuré secrètement… Ce que je veux dire spontanément, c’est merci à tous pour ce que vous m’avez donné, à mon épouse, à mon personnel. La plus jolie des choses vient d’ailleurs de mon personnel qui m’a dit un jour : « Vous nous avez « tramatisés », avec l’harmonie que vous avez mise dans nos mains, tout votre savoir. Nous ne sommes pas des cuisiniers, mais des créateurs d’émotions ». Je n’ai pas d’ego… Je vais écrire prochainement un livre pour parler de la profession, mais sans amertume. J’ai perdu les étoiles, mais gagné beaucoup de sérénité, d’expérience et de réflexion objective. Merci à ceux qui m’aiment, ils se reconnaîtront. Michel Serres avait rédigé la préface de mon livre « Cristalline » et il avait écrit : « Un poème est tombé dans la cuisine, il y a des éclats de verre ». J’aimerais réagir comme il me l’a appris, comme mes maîtres me l’ont appris : Michel Guérard, Alain Ducasse… On va réfléchir ensemble en toute amitié, à l’avenir de « L’Aubergade ».

Comment entrevoyez-vous l’avenir à court terme ?

Il faut se réinventer une vie avec tout ce que nous avons, ma femme Maryse qui est le ciment de cette affaire, le personnel. Et surtout mon Second à qui j’avais envoyé un message après avoir reçu une invitation du guide Michelin pour la cérémonie de lundi soir, en lui marquant : « Merci, grâce à vous, nous avons gardé les deux étoiles ! ». J’étais persuadé au vu de ce carton que nous allions les conserver. Depuis des mois ralenti par une intervention chirurgicale au pied, c’est lui qui tient le restaurant. Et samedi dernier à 21 h, le directeur du guide m’appelle et m’annonce que je suis rétrogradé… Je ne suis pas allé à la cérémonie. Paul Bocuse a dit un jour : « Enfin j’ai une étoile ! ». Je ne veux dénigrer personne aujourd’hui, je ne suis pas amer, triste bien sûr.

Vous analysez comment la perte de cette 2e étoile après la 3e en 2011 ?

On a mis en vente l’établissement. Inconsciemment, on a dû tous se relâcher… J’avais d’ailleurs annoncé en octobre en croisant le directeur du Michelin aux Grandes Tables du monde, que je vendais. Il m’avait proposé de nous voir pour en parler, j’attends encore le rendez-vous. Je me pose la question de savoir si cela n’a pas joué. Je suis à l’automne de ma vie, j’ai suivi un cheminement de créateur avec la pomme cristalline, le hamburger au foie gras, le risotto aux légumes, la larme de chocolat… J’en tire une fierté pas une vanité. Depuis 1991, j’ai développé une conscience vis-à-vis de la préservation de la nature. En 2011, j’ai relativisé la perte de ma troisième étoile, je sortais d’un cancer, j’avais vu la mort. Je n’ai pas réalisé. Mais cela a entraîné une baisse de 45 % de chiffre d’affaires. Le Michelin m’avait mis trois étoiles pour mes créations, peut-être qu’à présent je n’ai plus la force de créer ?

S’essouffle-t-on dans cette quête perpétuelle de créativité ?

…/…

Vous voyez nécessairement un préjudice à venir ?

…/…

Comment dépasser cet abattement ?

J’ai la chance d’avoir connu des gens fantastiques : de Cousteau quand je faisais de la plongée, de ce Grec qui m’a donné le privilège de travailler avec des rois et princes, de mon patron qui m’a prêté l’argent de mon premier boui-boui et me l’a offert le jour de mon mariage, des grands chefs aussi Jean-Louis Costes et tous les autres, des anonymes qui ont cassé leurs tirelires pour manger chez nous. J’ai des messages à en chialer depuis hier. Aujourd’hui, je suis à fleur de peau, mais je n’en veux à personne, qu’à moi. Le succès est collégial, mais la défaite est orpheline, personnelle. 

Est-ce éprouvant de vivre avec la pression des guides ?

Non, mais la seule chose que je ne comprends pas, c’est que les inspecteurs du Michelin affirment ne pas tenir compte des avis sur internet, mais le guide s’est allié récemment avec Trip Advisor.

Qu’est-ce qui peut vous consoler ?

J’ai toujours pris les choses à contresens. J’ai été ce gosse qui a appris la cuisine dans les livres et qui a voulu un jour être grand comme Loiseau et Maximin. J’ai eu toutes les plus belles promotions qu’un chef puisse rêver : trois fois cuisinier de l’année et immortel dans l’académie des Toques d’or du Gault & Millau. J’ai une vie merveilleuse qui n’est pas finie. Je vais prochainement réaliser quelque chose d’inédit, en alliance avec la nature. Cette perte me peine, mais ce n’est pas une descente aux enfers pour autant.

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