Classement des chefs, des restaurants… les Français adorent ça ! … mais qui est derrière ces classements ?
Il y a le meilleur du village, le meilleur de la ville, le meilleur du département, le meilleur du pays, le meilleur de la région, le meilleur d’Europe, le meilleur du continent asiatique ou sud américain, le meilleur du monde… la course au meilleur se fait légion dans l’univers de la food.
Patrick Ory, professeur à la Sorbonne, indique au Figaro que les Français adorent les classements : – Le Michelin, apparu en 1900, est le guide d’une société révolue: celle d’un clergé d’inspecteurs omniscients, incorruptibles, anonymes, qui dit la vérité. Cela commence à se gripper lorsque, en 1979, aux États-Unis, le guide Zagat donne la parole aux consommateurs mais tout en demeurant une publication très centralisée. Depuis les années 2000, on vit un éclatement libéral et libertaire avec les sites comme Tripadvisor. Il n’y a plus une référence centrale. Tout le monde peut s’exprimer. C’est le triomphe du public.
En France, il semblerait que l’on ait du mal à accepter le principe du classement des restaurants. Y aurait-il des raisons culturelles ou historiques ? – Détrompez-vous. Les Français adorent cela: nous sommes dans un pays étatique et catholique entièrement basé sur la hiérarchie. C’est plutôt la fierté nationale qui a été piquée au vif par le «50 Best» dont on a estimé qu’il représentait mal les restaurants français.
Mais qu’en est il vraiment de ces classements ?
Le Figaro de ce week-end traite le sujet avec beaucoup d’infos » Restaurants – La Guerre des Classements « , F&S a décrypté et a retenu quelques nouvelles :
Les derniers classements 2015/2016 :
- Osteria Francescana de Massimo Bottura, à Modène Meilleur chef au monde à l’annuel World’s 50 Best Restaurants
- Alinea de Grant Achatz, à Chicago, classé Top 100 mondial au magazine US Elite Traveler
- L’hôtel de Ville, à Crissier, en Suisse, Meilleur restaurant au monde dans «La Liste» française
- L’Arpège, d’Alain Passard, «meilleur restaurant européen», pour l’américain Opinionated About Dining (OAD)
- Le Suquet, de la famille Bras à Laguiole, dans l’Aveyron, classé premier des «100 chefs les plus influents du monde» par le magazine professionnel Le Chef.
- Le Georges V de Christian Le Squer premier chef français a décrocher une troisième étoile
Le Fifty Best pas encore la valeur du Michelin :
Logiquement, les heureux élus donnent leur bénédiction: « Aujourd’hui, les classements font partie de notre vie, estime Alain Passard. Par rapport aux guides, aux concours comme le Meilleur Ouvrier de France, ils représentent une manière différente de distinguer les cuisiniers. Ça n’aura jamais l’impact d’un Michelin mais il faut en tenir compte.»
Le magazine Le Chef, affine son prochain classement pour une sortie en novembre 2016 :
«Nous allons affiner la formulation pour la prochaine édition qui sera dévoilée en novembre», promet Anne Luzin, avant d’ajouter: «Nous considérons que les chefs se voient souvent, se connaissent, lisent les articles de presse, et sont donc légitimes pour désigner le meilleur d’entre eux.»
Steve Plotnicki le créateur du classement OAD n’aime pas la cuisine française classique
Il avoue sans ambages ne pas apprécier «la cuisine française classique»… Aussi, lorsqu’on lui demande pourquoi il ne se lance pas dans une classification mondiale : «Il faut que les critiques aient des points de comparaison solides. Le problème avec le 50 Best Restaurants est que les gens qui votent pour Gaggan à Bangkok ne sont jamais allés manger à Osteria Francescana.»
Jorg Zipprick, journaliste et cheville ouvrière de «La Liste»
«Les classements ne sont pas nouveaux. Dans les années 1970-80, ils étaient même monnaie courante, souvent avec un chroniqueur “phare” qui visitait des restaurants partout. La dernière grande tournée, à ma connaissance, fut celle de Patricia Wells pour le Herald Tribune en 1993.» Pendant dix ans environ, donc, la planète gastronomie connut une trêve. L’invention du 50 Best, en 2002, par le groupe de presse spécialisée britannique William Reed, a marqué une nouvelle ère. Ce top 50 impose un standard efficace. Mais aussi décrié.
Andrea Petrini, les 3 étoiles et les Relais & Châteaux – une sorte de Lobby
Ancien président du jury français pour le 50 Best, rappelle « les plaintes et accusations faites par les restaurants trois étoiles et les Relais & Châteaux, qui ont menacé – et se sont exécutés – d’arrêter de servir de la San Pellegrino et de l’Acqua Panna si ces marques continuaient à sponsoriser » la liste de William Reed.
Nicolas Chatenier – les chefs des nouveaux communicants –
… les pourfendeurs du 50 Best se frottent probablement les mains : les chefs seraient-ils donc moins jugés sur leur cuisine que sur leurs talents de communicants ? « Oui ! » répond tout net Chatenier, invoquant l’exemple du Singapourien André Chiang (classé 32 avec son restaurant André) qui, début juin, a fait la tournée des médias français et donné deux repas à quatre mains à Porte 12, le restaurant parisien où il est associé.
Être à Londres n’a pas le même sex-appeal que d’être à Fontjoncouse !
… » La question du sex-appeal des destinations est cruciale. Les centres de business comme Londres, Paris et Tokyo sont aisément visités. Mais quand vous vous appelez Mauro Colagreco, à Menton, le seul moyen de vous faire connaître, c’est de sortir et de susciter l’envie. La réussite d’Alain Passard, qui a préempté la cuisine des légumes, est également exemplaire.» indique N. Chatenier responsable France du Fifty Best.
LA LISTE – accouchement difficile et retombées discutables
Elle est l’initiative de Philippe Faure, ancien ambassadeur, désormais président d’Atout France, agence de promotion touristique française. «Il faut comprendre le grand danger pour la France si on ne se trouve plus à la pointe du tourisme», lance ce dernier. Et de poursuivre: « C’est à Hollywood qu’on remet les oscars, c’est en Suède qu’on décerne les prix Nobel, c’est à Rome qu’on élit les papes… «