F&S a assisté au dîner de gala du concours du Meilleur Apprenti Cuisinier de France 2019 à Paris – on a échangé avec Emmanuel Renaut et Christian Têtedoie
C’est au Musée de la Chasse et de la Nature, niché dans un bel hôtel particulier du Marais, que s’est tenu lundi la remise de prix du Meilleur Apprenti Cuisinier de France. Pour l’occasion, les membres de l’association des Maîtres Cuisiniers étaient réunis sous l’égide de leur président, le chef étoilé et MOF Christian Têtedoie. La soirée, qui a révélé le nom du gagnant du concours, Sacha Croteau, était parrainée par Emmanuel Renaut, chef triplement étoilé qui a accompagné l’édition 2019. Food&Sens était sur place ; on se fait l’écho pour vous de la remise des prix, ainsi que de notre échange avec Emmanuel Renaut et Christian Têtedoie. À découvrir ci-dessous !
Décidément, le lundi 21 janvier était placé sous le signe de l’effervescence culinaire ; entre le lancement du guide 2019 des Grandes Tables du Monde, qui avait lieu au Ritz, puis la cérémonie du Michelin qui se tenait juste après, avant de se conclure par le dîner de gala des Maîtres Cuisiniers de France, la journée a vibré au rythme de la gastronomie. Au Musée de la Chasse et de la Nature, ce sont les jeunes qui ont été mis en lumière ; Sacha Croteau, de l’école Ferrandi Paris, a remporté la première place ; suivi par Elsa Kunzli, 17 ans, plus jeune participante de la promotion. La troisième place a été obtenue par Valentin Meyer. Quant au gagnant, il a reçu un chèque de 3.000 euros, un second chèque de 150 € de la société MÉTRO, ainsi qu’une place de stage auprès de Guillaume Gomez, le chef exécutif de l’Élysée (il fait aussi partie des Maîtres Cuisiniers). Emmanuel Renaut a invité à son tour Sacha Croteau dans ses cuisines, au restaurant trois étoiles « Flocons de Sel ».
Après les applaudissements, l’émotion ; les jeunes apprentis, qui ont tous reçus des cadeaux, ont posé pour la photo finale, entre sourires et larmes, bonheur et déception. Le président de l’association, Christian Têtedoie, les a félicités pour avoir participé au concours. « Quel que soit le résultat, c’est bien d’avoir participé », a-t-il rappelé. Puis il les a encouragés à poursuivre leurs efforts : « être chef cuisinier, ça se construit. » Ce qu’a confirmé le chef Emmanuel Renaut : « la cuisine, c’est un long travail. Mais c’est aussi des rencontres. » Le chef 3 étoiles a également rappelé l’importance de la transmission, valeur cardinale du métier de chef : « mon travail le plus important reste le compagnonnage. C’est pour ça que je suis ici ce soir, malgré la cérémonie du Michelin –où j’étais juste avant. Mais je m’étais engagé à venir, donc je suis là. Le Michelin, je m’étais dit que j’irai avant ou après, mais que je serai là pour les jeunes. »
C’est que, a noté Emmanuel Renaut (ci-dessus) lors du cocktail suivant la remise des prix, « on ne passe pas suffisamment de temps avec les jeunes. Car désormais, être chef, c’est avoir une visibilité médiatique. Le côté brillant du métier, avec la presse notamment qui s’intéresse à nous, c’est bien ; mais il ne faut pas qu’on oublie qu’on a aussi le devoir de former les jeunes. On doit créer de nouvelles vocations. Quand j’étais jeune, j’ai travaillé avec Paul Bocuse ; il prenait tout le monde sous son aile, comme un papa. Notre rôle, en tant que chefs en vue, c’est de former la relève. En tant qu’employeurs, nous devons passer du temps avec les jeunes pour les former. »
Le dîner de gala qui a suivi a prolongé la soirée autour de jolis plats (huîtres en fine gelée, eau de mer, condiments et caviar ; quenelles de brochet aux écrevisses ; sorbet à l’huile d’olive…). De table en table, les chefs évoquaient tous le nouveau cru Michelin, révélé un peu plus tôt dans la journée. « Je suis content pour Mauro Colagreco et pour Laurent Petit (qui ont tous deux décroché 3 étoiles, NDLR) », a confié Emmanuel Renaut ; « c’est bien que ces deux figures de la gastronomie soient rentrées dans le palmarès. Je connais bien Mauro, d’ailleurs ; avec lui, c’est une belle rencontre. Mauro est un chef entier, plein de vie, avec un parcours exceptionnel. Quant à Laurent Petit, il l’a dit lui-même ; la cuisine, c’est toute sa vie, c’est son bébé. Leurs trois étoiles respectives sont méritées. » Puis d’ajouter : « l’année 2019 est une belle promotion. Elle compte beaucoup de jeunes, aussi. Et puis, le message du Michelin a été très clair : on a les étoiles pour un an, pas plus. Rien n’est éternel. Tout le monde est jugé pareil. Ça pousse à se dépasser sans cesse. D’ailleurs, l’ennemi de notre métier, c’est la routine. Celle-ci est d’une tristesse énorme. Donc, pour arriver au sommet, il y a un côté besogneux à accepter. Ceci dit, être chef, c’est aussi un métier de plaisir, bien sûr. »
À l’heure du dessert, le chef Christian Têtedoie (ci-dessus) est revenu sur l’association des Maîtres Cuisiniers de France, qu’il préside depuis 8 ans : « l’association a une vraie utilité, car ses deux objectifs sont le rayonnement de la cuisine française dans le monde, et la transmission auprès des jeunes. » Quant au concours, il lui prédit une qualité ascendante : « on travaille chaque année pour que la qualité augmente ». Pour ce qui est cette fois de la résonance de son action, le chef est clair : « à terme, mon but serait que toutes les régions de France soient mieux représentées. » Car la gastronomie, c’est aussi une affaire de terroir.