Nouveau trois étoiles Michelin France 2024 – Jérôme Banctel – la force tranquille
JÉRÔME BANCTEL – Chef cuisinier passionné du restaurant Le Gabriel *** de La Réserve Paris Hôtel&Spa –
Il attendait avec patience et fébrilité dans les coulisses des éditions précédentes. Il en rêvait de cette étoile qui lui paraissait à la fois à portée de main et inaccessible, et voilà il vient de conquérir cette troisième étoile qui brille désormais sur LA RESERVE, le bel hôtel particulier qui ne s’est jamais pris pour un palace qui mérite bien son nom. L’établissement vit avec cette réserve élégante qui occupe le lieu, ses salons, et ses équipes. Ici les livres et la poesie animent cette atmosphère si particulière le chef se fond dans ce décor d’un autre monde où le bling bling n’est pas. Le chef ressemble au lieu, discret. Mais derrière cette armure lisse se cache un homme libre et passionné, sensible et ambitieux qui service après service rêve de cette étoile « brûle de cette quête » d’atteindre l’inaccessible étoile, déploie son énergie et son savoir-faire, en repoussant toujours plis loin les limites de sa cuisine. N’a t-il pas décroché deux étoiles dès la première année en 2016 ? Le Gabriel est sa raison de vivre, et voilà elle n’est plus inaccessible cette étoile avec le temps, la patience la persévérance et le talent, Jérôme l’a décrochée et il fait désormais partie de cette poignée de chefs qui peuvent arborer sur leur veste immaculée ces trois étoiles convoitées par tous les chefs.
Quel parcours pour le chef du palace La Réserve élu en 2019 « Meilleur hôtel à Paris », discrètement caché derrière une allée d’arbres sur l’Avenue Gabriel – Enfant Jérôme Banctel rêvait de taper dans un ballon rond, de fouler le gazon des stades, mais ses parents rêvaient d’autre chose pour lui. En Bretagne où il grandit il joue entre chevaux et légumes, adore quand, aux premiers frimas de l’hiver, le cochon est transformé en boudin, jambon et saucisson, quand une fumée chaude et odorante s’élève au-dessus des entrailles de la bête. Il était en sport-étude… et rentre en école hôtelière pour faire un choix, foot ou cuisine. Il se retrouve en école hôtelière… le hasard n’est-il pas en train d’écrire son destin – et de stage en stage, le déclic se fait. Jérôme sait qu’il sera chef, mieux grand chef. Il apprend avec furieuse envie car il sait que l’on ne sait jamais tout, que l’on apprend tous les jours. Il se forme auprès de ces chefs étoilés et veut faire partie de cette caste, il peaufine son identité, sa spécificité, définit son style qui va lui faire décrocher les étoiles. Tout simplement, obstiné, jusqu’au-boutisme, il pousse les limites de l’excellence, a la rage de marquer par son style fait de rigueur et de travail.
Quel beau chemin depuis Jo Rostang à Antibes, André Daguin à Auch, L’auberge de la Taupinière et Olivier Bellin, Le Crillon, l’Ambroisie et Bernard Pacaud où il restera 10 ans, , Alain Senderens chez Lucas Carton, son mentor qui lui apprend le goût et les vins , jusqu’à sa rencontre en 2015 avec Michel Reybier, propriétaire de La Réserve qui confie « Une belle rencontre, c’est souvent une question de moment. J’ai rencontré Jérôme Banctel au moment précis où il était sur le point de devenir le grand Chef qu’il est aujourd’hui.. .À La Réserve Paris, je voulais créer une table de qualité, qui ait une véritable existence par elle-même… ». L’homme d’affaires lui donne carte blanche et moyens pour inventer la cuisine du futur restaurant Le Gabriel. Moins d’un an après l’ouverture, les étoiles tombent, deux, fulgurante ascension, sortie de l’anonymat d’un chef qui s’impose sur la scène gastronomique parisienne.
Jérôme Banctel règne sur la cuisine du palace qui permet de vagabonder de s’échapper dans un monde sensoriel, sur un restaurant à la classe unique, à l’élégance intemporelle, au charme imparable, un monde feutré, soyeux, intimiste où l’ambiance du lieu, la cuisine s’harmonisent sous les lumières tamisées et la flamboyante des dorures des cadres et des objets.
Raffinement, élégance, sobriété, simplicité, vérité. Cuisine sophistiquée entre renouveau et classicisme, avec de l’inattendu et de la rareté qui la rende encore plus précieuse. Cuisine sérieuse mais joyeuse, guidée par la saisonnalité, l’excellence des produits et la maîtrise des cuissons et des assaisonnements.
La cuisine du chef ne joue pas la réserve ni la timidité dans ses créations culinaires et les mises en scène de ses assiettes. Il emporte, embarque les convives dans des voyages en Bretagne mais aussi autour du monde, avec les souvenirs et expériences de ses excursions. Ainsi défilent des assiettes respectueuses du produit, où le goût est privilégié, où tout est furieusement maitrisé, au millimètre. Il anticipe, pour ne pas laisser le hasard installer une erreur. Depuis toujours il est conduit par cette quête viscérale qui l’a enfermé dans ses cuisines pour ne travailler qu’avec rigueur extrême, avec un seul fil rouge l’excellence. Ce chemin de vie impitoyable, rigoureux, furieusement sérieux, terriblement discret, lui permet de d’écorcher la suprême récompense, le voilà triplement étoilé. Mille bravos !
Photos J. Limont & G. Gardette