D’après Le Monde, les chefs d’aujourd’hui soignent autant leur image que leurs assiettes
L’image compte t’elle autant que l’assiette ? … C’est une question que de nombreux chefs ne se posent plus, ça fait longtemps qu’ils l’ont compris et qu’ils ont intégré le fait qu’il faut soigner l’image que l’on transmet au public. L’arrivée des réseaux sociaux, que le petit monde de la gastronomie a rapidement adoptés et intégrés, a bouleversé le comportement des chefs, à tels points qu’aujourd’hui certains chefs ont même à leurs côtés des assistants pour les aider à gérer leur image, et donc leur look.
Mais tout cela n’est-il pas seulement du vent ? … Car au final, quand le client est face à son assiette, est-ce qu’il se soucie vraiment de savoir si la veste du chef est signée d’un grand couturier, ou si le chef arbore un nouveau tatouage ou la dernière coiffure branchée ? … Il faut pas oublier que c’est le contenu de l’assiette qui va parler !
EXTRAITS –
Mory Sacko n’a rien d’une exception. Comme nombre de ses pairs, il considère que sa tenue de chef doit être aussi raffinée et inimitable que l’assiette qu’il sert. Le bœuf en daube est passé de mode ; l’iconique veste « grand chef » définie dans les années 1970 par Paul Bocuse, aussi. Désormais, c’est à chacun son look avec une seule préoccupation en tête : se distinguer de la concurrence et transmettre l’image d’un professionnel cool et inventif. « Le dressage du plat – autrement dit sa présentation – est devenu essentiel ; de la même manière, les chefs déploient d’intenses efforts pour donner envie de franchir leur porte », souligne Jérôme Neveu, président d’Advent, société de conseil en marketing et influence.
Coquets jusqu’aux pieds
Désormais, c’est Brummel en cuisine – du nom du premier dandy britannique, né au XVIIIe siècle. Moins salissants, les fours à induction facilitent l’adoption de tenues plus classes et confortables sans nuire aux contraintes d’hygiène et de sécurité. Devant les fourneaux, la casquette supplante la toque et la chemise blanche perd son monopole. Elle peut être beige, grise, voire noire, avec des découpes très sophistiquées. Le chef fashionista réclame des tissus légers, quitte à ce qu’ils se déforment après quelques lavages. Les souliers antidérapants, peu esthétiques, ont capitulé face aux sneakers. Jean Imbert, qui vient de succéder à Alain Ducasse au Plaza Athénée, pose avec des Air Jordan Dior aux pieds, Jean-François Piège préfère les souliers Louboutin tandis que Jarvis Scott (« Top Chef » saison 12) est surnommé « le cuisinier en santiags ».
« Autrefois, on ne comptait guère qu’une dizaine de chefs connus ; aujourd’hui, il existe 26 établissements trois étoiles et 80 deux étoiles, et il n’y a jamais eu autant d’ouvertures – et de fermetures – de restaurants. Résultat : beaucoup d’appelés mais peu d’élus », constate Nicolas Chatenier, délégué général de l’association Les Grandes Tables du monde. Parce qu’il lui faut mettre en scène ses plats sur les réseaux sociaux, jouer des coudes pour participer à l’une des grandes émissions culinaires, attirer l’attention des critiques sur « l’expérience unique » qu’il propose, le chef est devenu une gravure de mode. Pour être bankable, il est recommandé de cultiver le sens du décalage avec un zeste de fantaisie et de casser les codes.
Cette coquetterie affichée peut donner la migraine à ceux qui sont chargés d’habiller la confrérie. « Il faut toujours plus de pièces uniques, celles que les autres n’auront pas, ce qui impose de faire de la petite série, du sur-mesure », constate le vétéran Alain Mathinier, surnommé « le couturier des chefs ». « La grande tendance, ce sont les chemises près du corps – les chefs d’aujourd’hui sont devenus glamour, ils font du sport et sont souvent au régime – et les manches courtes qui, avec les cols moins remontants, mettent en valeur les tatouages », détaille Félix Le Goater, qui dirige la sociétéMLG Mathinier-Le Goater, qui fabrique des vêtements professionnels. « Le tatouage est devenu l’un des attributs du chef contemporain – même si Paul Bocuse portait un coq tatoué sur l’épaule gauche », confirme Julie Gerbet, créatrice de l’agence La relève, qui assure la promotion de plusieurs valeurs montantes de la cuisine. Elle y voit « une manière supplémentaire de se façonner un personnage, comme le ferait une rockstar ».
Tutoyer le gotha
Resté fidèle au port du tour de cou et à la veste blanche immaculée, Gérald Passedat, chef du Petit Nice à Marseille (trois étoiles), se tient à distance de ses confrères « qui passent leur temps en shooting, courent les émissions de télé et jouent la nonchalance calculée ». Ce qui ne l’empêche pas de soigner sa tenue dans ses moindres détails. « Une belle veste et un très long tablier blanc assurent une certaine prestance lorsque je traverse la salle à la rencontre des clients. » Son habit de lumière ? Il ne dément pas.
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