Christian Clerc devient Président Monde de Four Seasons » Il faut se comparer aux marques de luxe, et pas seulement aux concurrents hôteliers «
Alors même que Four Seasons vient de confier la place de Président Opérationnel Monde à un ancien de l’école hôtelière de Lausanne, découvrez Christian Clerc qui arrive à la tête du numéro 2 de l’hôtellerie de Luxe au monde.
Découvrez un homme dont l’expérience, le charisme et une vision stratégique l’ont mené au sommet de la plus belle chaîne du monde.
Un portrait réalisé par en Suisse par le magazine économique Bilan.ch.
Pour le numéro deux du plus grand groupe de luxe du monde, formé à l’Ecole hôtelière de Lausanne, la clé de la réussite se joue dans «la capacité à offrir le plus haut degré d’émotion de manière constante». Une alchimie entre sensorialité et rationalité, duo a priori peu compatible, dont il attribue volontiers les racines à ses origines italo-suisses.
«Pour donner du plaisir, il faut en avoir. Et la table est un immense vecteur d’émotions. Grâce à ma mère italienne, j’ai été stimulé par cette culture depuis tout petit. Vous savez, l’amour en Italie passe par la nourriture. Dans un restaurant étoilé, c’est pareil, sauf qu’il y a 30 paires de mains qui composent votre plat.» Sans atavisme, Christian Clerc s’est dédié très tôt à l’apprentissage du service. Dès la préadolescence, il apprend le métier au contact d’un ami dont les parents sont propriétaires du Restaurant La Rouvenaz à Montreux. «A l’âge de 14 ans, je savais tenir toutes les positions du restaurant, de la caisse au bar, du fourneau à pizza à la cuisine froide et chaude, de la plonge aux commandes. C’était la condition avant de pouvoir sortir le soir!» (Rire.)
Un premier job à Washington dans un hôtel à deux pas de la Maison-Blanche sera sa rampe de lancement. Il y reviendra trois fois au cours de sa carrière. «Mes années aux Etats-Unis m’ont donné l’esprit d’entreprise. A Washington, à deux pas de la Maison-Blanche, j’ai appris à côtoyer le monde diplomatique, d’abord sous Clinton à l’Hôtel Hay-Adams, puis au Four Seasons dès 2000 sous Bush puis Obama. Les filles du président Obama fréquentaient la même école que mes enfants. Ça donne une autre dimension quand on vient de Montreux et qu’on est Suisse.»
Depuis, Christian Clerc enchaîne les responsabilités au sein du groupe Four Seasons. En seize ans, il aura dirigé des établissements à Washington, à Chicago, au Mexique, puis la vice-présidence Amérique latine, avant de prendre les rênes du George V de 2012 à 2014, puis la direction de l’EMEA à Dubaï.
«Diriger le George V a été le plus beau moment de ma carrière d’hôtelier. C’est un monument, un peu intimidant. J’ai pu y engager des rénovations importantes, amener nos clients à vibrer avec nos artistes, comme Jeff Leatham, designer floral exceptionnel, et surtout offrir aux Parisiens l’opportunité de partager ces expériences, y instaurer le côté inclusif plutôt qu’exclusif. Les belles choses ne doivent pas être réservées à une seule catégorie. Ouvrir les portes des palaces aux habitants des villes est fondamental.»
D’ailleurs, cette capacité à offrir au client ce qui restera gravé dans ses souvenirs, c’est un savoir-faire que Christian Clerc a appris très tôt à maîtriser avec le géant américain Disney, de 1995 à 1997. «Diriger l’ouverture de l’hôtel de luxe de Disneyland Paris m’a beaucoup appris. Disney n’est pas une compagnie hôtelière mais événementielle, constamment dans la recherche d’émotions. J’y ai appris à créer du spectacle.»
Le luxe de demain
Pourtant, l’opérateur Four Seasons n’est pas numéro un de l’hôtellerie de luxe par enchantement. L’efficacité de la gestion au plus près de la demande est une véritable machine de guerre que la chaîne canadienne basée à Toronto a su affûter depuis cinquante-quatre ans. Le revPAR* – le revenu par chambre disponible – est le plus élevé de la profession.
Christian Clerc: «Le Four Seasons voit son succès marché par marché. Le revPAR index change doit être positif. Ce qui veut dire que l’on gagne des parts de marché, même si celui-ci baisse (comme Paris qui a perdu 20 points d’occupation en deux ans), car nous voulons protéger nos marges. La clé: ne pas compromettre la qualité, et savoir se diversifier au niveau géographique, sur les marchés en croissance. Notre stratégie de progression n’est pas uniquement dans l’ouverture de nouveaux hôtels (dix inaugurations en 2016 et sept en 2017), mais sur la visibilité et la notoriété de la marque. La profitabilité de chaque établissement est calculée sur cinq ans, puis on vise une croissance annuelle à un chiffre. Nos investisseurs s’engagent à long terme, puisque nos contrats de management sont les plus longs de l’industrie hôtelière, entre cinquante et huitante ans.»
Les nouvelles fonctions de Christian Clerc en tant que président opérationnel monde seront de continuer à repérer de nouveaux emplacements stratégiques, pointer les talents qui dirigeront les établissements de demain – et sur ce point travailler davantage encore avec l’EHL – affiner les outils de gestion qui délivrent en continu les résultats de chaque hôtel à son propriétaire et analyser l’évolution du marché du luxe de demain.
«Il faut se comparer aux marques de luxe, et pas seulement aux concurrents hôteliers. Et observer attentivement tout ce qui vient bouleverser cet univers. Airbnb est un acteur à prendre au sérieux. La location d’appartements de luxe est en progression. S’ils trouvent la parade pour résoudre la sécurité et le service, ils seront en concurrence directe. Mais notre agilité face aux grosses compagnies qui fusionnent actuellement est un atout.»
En seize ans de carrière chez Four Seasons, celui qui aura déménagé huit fois, vécu le 11 septembre à deux pas du Pentagone ou les attentats de Paris sait que prédire un succès est désormais ardu. Son deuxième principe après la passion? «Ne pas cacher les problèmes mais les célébrer et inciter les collaborateurs à les divulguer pour les résoudre ensemble.
La seule voie vers la perfection.»