Budapest – L’esprit d’ouverture de la ville se retrouve dans l’assiette
Budapest – Quand l’esprit d’ouverture de la ville se retrouve dans l’assiette
À Budapest, le monde de la restauration a connu une profonde évolution qui l’a emmené bien au-delà du fameux goulash, cette soupe traditionnelle, grâce notamment à une jeune génération de chefs qui ont décidé de bousculer les traditions. Les grands chefs les plus talentueux que l’on trouvait dans la Hongrie d’autrefois confectionnaient leurs menus à l’époque du communisme, une période où la nourriture était standardisée. Ces contraintes ont poussé les chefs à se creuser la tête pour atteindre de très hauts niveaux d’ingéniosité, mais la créativité demeurait bridée – un manque de diversité débouchant sur des repas qui peuvent être relativement mauvais. Pour les Hongrois, le prix était synonyme de qualité, c’était aussi simple que cela. Les gourmets ne juraient que par le grandiose d’un foie gras ou le prestige d’un filet mignon. En revanche, ils ignoraient allègrement l’histoire qui avait amené ce filet mignon ou ce foie gras dans leur assiette.
Mais les choses changent. Vers la fin des années 1980, l’économie de marché est arrivée dans le pays et, avec elle, une plus grande variété dans tous les domaines. Les chefs ont ainsi apporté une nouvelle sensibilité à la cuisine, travaillant des produits de saison et réinventant des recettes vieilles de plus d’un siècle. Et en même temps, ils ont appris à travailler avec ce que leur pays avait à offrir, les truites des cours d’eau fraîche et les porcs élevés en plaine.
Commençons par Onyx, le premier restaurant de Budapest à bénéficier de deux étoiles au Michelin. C’est une excellente option pour les amateurs de viande. Le menu est riche et propose de délicieux plats qui sauront séduire les viandards en quête d’exotisme : queue de bœuf, foie d’oie, tartare de bœuf des marais ou veau (on vous l’avait dit). Et la nouvelle vague des chefs de Budapest prône les circuits courts, les petites exploitations plutôt que les géants agricoles qui donnent dans la production de masse, des relations de confiance entre les restaurateurs et les producteurs de leurs ingrédients, et réinventent une nouvelle cuisine locale en adaptant les techniques traditionnelles. Ils se sont éloignés de l’éducation formelle et ont préféré lancer leurs propres projets, hors des sentiers battus. La question n’est pas uniquement de savoir ce que les gens mangent, mais aussi comment. Ce qui ouvre la porte à des restaurants « studios » moins formels et plus disposés à explorer. Nous avons le Konyhakör (quelque chose comme « la cuisine ronde »), qui propose des lieux éphémères pour dîner avec des projections de films, destinés à des petits groupes prêts à manger dans des positions rappelant la Grèce antique. Évoquons également le Esca, un restaurant studio qui compte 10 tables et propose chaque semaine un nouveau menu dégustation, ou le Töltő, qui a été lancé par un second de cuisine qui a abandonné les étoiles Michelin pour les saucisses. Le Kishusom, a.k.a. le paradis de la saucisse, est un autre temple du hot dog, et le Cupakos est une boucherie moderne qui propose du jarret de porc. À voir absolument.
La cuisine de Budapest exprime toutefois un profond sentiment de nostalgie envers les plats rustiques. Ainsi, des plats très basiques peuvent réveiller des souvenirs et des réactions sensorielles qui renvoient à ces bons vieux repas de famille lors desquels on mangeait ce qui restait au fond des placards de chez la grand-mère. Ici, les cuisiniers les plus talentueux savent tirer le meilleur de tous les registres : ils adaptent les recettes de base de la cuisine hongroise, les potages et autres recettes à la casserole, mais ils ont aussi cette fibre aventurière qui les amène à explorer et à créer avec de nouveaux ingrédients comme les écrevisses (tout le monde s’y essaye paraît-il). Un couple de personnes âgées dirige le restaurant ROMA depuis les années 1960, et c’est une valeur sûre si vous cherchez de la nourriture hongroise traditionnelle. De même que le Kádár, ouvert il y a 25 ans par un couple dont l’idée première était d’inviter leurs amis. Maintenant, le café dans lequel vous devez absolument vous rendre est sans aucun doute le Bambi, un lieu très rétro classique qui a su conserver une partie de son apparence originelle. Cet endroit a été sous contrôle des autorités communistes jusqu’à ce que les serveuses reprennent l’affaire.
…/… Le Moyen-Orient se taille une part du gâteau avec le Mazel Tov, un bar haut de gamme baigné de lumière dans un style très « temple perdu » (des tapis de verdure et des lampes qui descendent très bas), qui propose des plateaux à partager et des plats individuels, ou le Dobrumba et ses nombreux plats végétariens. En tout cas, l’intérieur est très réussi et il a été créé par un artiste local qui est clairement amateur de murs à l’aspect vieilli (et nous aussi, on adore).
Budapest connaît une forte influence asiatique du fait des fortes communautés chinoise et vietnamienne qui sont en train de former un Chinatown dans la périphérie de la capitale hongroise, et il est fort probable que cela se ressente très vite dans l’offre culinaire de la ville. En effet, les locaux apprécient déjà ce nouveau lieu d’expériences gustatives, et ils sont de plus en plus nombreux à se rendre au marché de ce quartier pour acheter des ingrédients qu’ils ne trouvent pas ailleurs. De leur côté, les chefs s’intéressent désormais à la fermentation qui est considérée comme la technique qu’il faut maîtriser pour coller à cette nouvelle mode. Le Bao+impostor, un restaurant rempli d’œuvres d’art fluorescentes, présente une atmosphère digne des tripots les plus malfamés, mais leur menu est garni de multiples options très internationales parmi lesquelles on retrouve du guacamole ou des grattons. Le Khan, un restaurant chinois/vietnamien, est un peu plus cher, mais sa salade de seiche yoú yú et ses riches portions valent vraiment le détour. Maintenant, si malgré toutes ces recommandations, vous avez encore envie de goulash, alors rendez vous au Getto Gulyas, c’est là qu’ils font le meilleur !