Patrick Roger – « Ce n’est pas parce que je m’appelle Patrick Roger que tout s’illumine sur mon passage, loin s’en faut… »
Interview très intéressante que celle du chocolatier, artiste et entrepreneur Patrick Roger au quotidien La Nouvelle République. On comprend mieux l’univers du chefs, sa quête du beau et du bon, mais aussi les difficultés économiques et auxquelles il doit faire face au quotidien…
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Originaire de Loir-et-Cher, le chocolatier-sculpteur porte un regard lucide sur l’artisanat et son avenir. Un univers auquel il sait donner de l’esprit créatif, des couleurs et des formes éclatantes.
Inclassable. Patrick Roger traverse la vie comme on lit un roman d’aventures, défrichant chaque passage comme une nouvelle expérience. Enfant de la « boulange », fils de la terre, homme de goût, homme des arts… il y a un peu de tout cela chez ce personnage atypique, synthèse improbable d’Auguste Rodin, de Marcel Duchamp et de Gaston Lenôtre. Une leçon de courage et d’humilité, une démonstration de créativité et de talent.
Que vous reste-t-il du Poislay et de vos origines loir-et-chériennes ? « Tout et rien. Tout, parce que ce sont mes racines, celles d’une terre paysanne où j’ai acquis la culture du bien manger, le goût de la salade du jardin, le goût du bon… Rien, parce que je n’ai pas cet attachement au terroir qu’il est de bon ton d’afficher. Je suis un citoyen du monde, élevé par un père qui ressemblait à Obélix avec lequel je ne faisais pas le malin, et une mère qui a trimé une vie pour 300 € par mois. J’ai la chance immense de ne venir de nulle part. »
Vous avez tout de même fourbi vos premières armes de compétiteur à Romorantin… (Il réfléchit…) « Ah oui, aux Journées gastronomiques de Sologne ! J’ai fait quatrième la première année, j’ai gagné l’année suivante. J’y ai mis un point d’honneur, c’est vrai. J’étais encore un branleur, mais j’avais dans l’idée que, si je m’alignais dans un concours, c’était pour gagner, pas pour faire le nombre. Question de respect des organisateurs et de respect de soi-même. Et puis, un peu plus tard, est venu le titre de meilleur ouvrier de France pour la chocolaterie. On peut trouver cela anecdotique, il n’empêche que cela change beaucoup de choses. »
Vous définissez-vous plutôt comme un artiste, ou comme un artisan ? « Le débat ne m’intéresse pas beaucoup. Tout ce que je sais, c’est que cela fait trente-six ans que je travaille, et que ce travail est une lutte quotidienne. Tout ce que je sais aussi, c’est que mon activité ne fait pas appel qu’au sens manuel, j’ai besoin aussi de mon cerveau. Cela va se nicher, par exemple, jusqu’à la chaleur des mains, dont il faut apprendre à maîtriser l’exacte température. Sculpter le chocolat, c’est un truc de fou : quand tu tapes dans la pierre ou le métal, ce que je fais souvent, tu sais où tu vas dès lors que tu dégrossis ta forme. Quand tu travailles le chocolat, tu es face à une matière rebelle et totalement instable, qui peut te péter dans les doigts à chaque instant. »
Vos affaires sont-elles prospères aujourd’hui ? « Non. Ce n’est pas parce que je m’appelle Patrick Roger que tout s’illumine sur mon passage, loin s’en faut. Entre les Gilets jaunes, les grèves et la crise sanitaire, ma dette a triplé. L’essentiel de mes affaires est concentré à Paris et j’ai réalisé que sans la clientèle étrangère et extérieure, je n’étais pas grand-chose. Donc, non, cela ne va pas, je rame, je me bats, je bosse sans arrêt, et cela cogne malgré tout très fort. Je reste positif parce que c’est mon tempérament, mais mon métier est une lutte, plus que jamais. »
Que faudrait-il à l’économie française pour qu’elle soit plus performante ? « Moins de normes, moins d’asepsie, moins de trucs pour emmerder les porteurs d’initiatives, davantage de liberté. Si je prends mon exemple, ce que je fais est unique au monde. Du coup, j’ai l’impression que je n’entre dans aucune case et donc on ne m’aide pas. Je me débrouille seul. OK, je l’entends, je comprends bien que je ne suis pas là pour vivre d’aides, et ce n’est pas mon intention. Mais, parallèlement, on normalise sans arrêt la vie des gens. On ne travaille plus trente-neuf heures mais trente-cinq, on ne travaille plus cinq jours mais quatre… Et ce n’est pas possible de gagner la même chose en travaillant moins. Et c’est comme cela que l’on produit des travailleurs pauvres, à côté de gens qui ne font carrément rien. C’est juste dingue. »
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