Rencontre avec Chantal Wittmann, MOF et maître d’hôtel : « servir un dîner, c’est comme être en représentation »

29 mars 2018  1  Eat Nomad F&S LIVE
 

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Si la cuisine est, bien sûr, l’argument principal d’un repas, le service reste l’élément différenciateur capable de faire perdurer le moment, et de transmuer une belle expérience gustative en un souvenir marquant. À l’école hôtelière Glion, établissement suisse situé sur les hauteurs de Montreux, on l’a bien compris ; les étudiants du campus y suivent en effet les cours de Chantal Wittmann, MOF 2011 et maître d’hôtel, qui y partage avec passion ses connaissances extensives sur l’art de la table. Food&Sens a rencontré cette femme d’exception, qui a fait de son art une transmission, et de la transmission un art (de la table).  

Montreux, 22 mars. C’est sous un ciel bleu pervenche que je découvre Glion, école hôtelière suisse dotée de plusieurs campus (dont un à Londres). C’est sur celui de Montreux qu’exerce Chantal Wittmann, l’une des rares femmes Meilleur Ouvrier de France, qui enseigne ici depuis six mois. Madame Wittmann m’accueille selon un bon sourire, d’où affleure d’office une histoire humaine qu’on devine riche. Habillée de noir et d’un chemisier blanc à jabot, elle en impose sans pour autant imposer une teneur engoncée à son allure. Je la suis vers une salle de classe où elle s’apprête à animer un atelier des arts de la table. La master class de Madame Wittmann débute par un rappel des fondamentaux : qu’est-ce qui fait qu’un service est réussi ? Du choix des assiettes, à celui des couverts, bougies et serviettes, rien n’est laissé au hasard. Même chose pour les fleurs, dont on devine que leurs proportions et couleurs doivent matcher avec celles de la table. Le timing du service participe lui aussi à la bonne marche d’un repas. Sur ce dernier point, Chantal Wittmann s’attarde : « j’enseigne à mes élèves l’art d’être là pour le client, et celui de savoir s’effacer quand il faut. Il s’agit à la fois d’être présent et discret, du début à la fin du repas. »

C’est justement cette capacité à l’équilibre que l’on retient de Madame Wittmann, l’enseignement indirect qu’elle distille ; cette maîtrise de la modulation entre fermeté et douceur, rigueur et bienveillance, présence et effacement. Tout autant de qualités qu’un maître d’hôtel doit acquérir, pour assurer le parfait du service. Il faut aussi, et elle le souligne, que le maître d’hôtel dispose de connaissances nombreuses, sur tous les sujets ; « les clients posent de plus en plus de questions ; ils sont informés, veulent savoir d’où vient le vin, le fromage ou le légume qu’on leur sert. Le maître d’hôtel doit pouvoir leur répondre avec précision. » Historique des arts de la table à travers les siècles, psychologie du client, origine des mets, étude des vins et fromages dans leur ensemble, composition exacte d’un menu gastronomique à la française… Tout autant de connaissances qui ont permis à Chantal Wittmann de remporter le sésame par excellence : le concours des MOF, dans la catégorie « Maître d’hôtel, service et art de la table ».

Un concours sur lequel elle revient avec plaisir, confiant avoir « organisé ma vie autour de cette compétition, qui suppose un investissement temporel considérable, ainsi qu’un vrai sacrifice au niveau de sa vie privée. De fait, l’engagement du compétiteur pour obtenir le MOF est comparable à celui d’un sportif de haut niveau. » Et de raconter que mari et fils (elle a deux garçons) l’ont soutenue dans son effort vers le sommet. Si son mari a toujours été son premier fan, ses « étudiants aussi m’ont soutenue ; quand je suis revenue avec ma médaille, ils étaient fiers, et la prenaient en photos. » C’est pour eux tous comme pour elle-même qu’elle s’est dépassée, tentant le concours une première fois en 1996 (elle atteint la finale), puis une seconde fois en 2011. La seconde fois aura été la bonne, faisant d’elle la deuxième femme MOF de cette catégorie.  

À ceux qui pourraient croire que la médaille une fois conquise est un acquis, Chantal Wittmann répond : « être MOF, c’est une pression au quotidien. En raison de ce statut, les gens attendent de moi de tout savoir. Ce titre, je dois le mériter tous les jours. » Quant à la mission de transmission qui est liée à ce statut, Chantal Wittmann l’embrasse sans effort : « je pousse mes étudiants à être curieux d’esprit, à s’informer, à apprendre sans cesse de nouvelles choses, à lire le journal. Je leur enseigne également à être élégants en permanence, dans leur maintien comme dans leur voix. Vous savez, servir un dîner, c’est comme une représentation ; le maître d’hôtel entre en scène, assure une performance, à la manière d’un chef d’orchestre. Il faut superviser chaque élément, pour que la musique du repas, écrite par le chef, soit jouée au mieux en salle. » La dimension spectacle n’est pas omise, les étudiants apprenant à flamber les crêpes, entre autres mini shows propres à ravir les clients.

Ce sera, pour finir, au restaurant gastronomique de l’école hôtelière, le Bellevue, que Chantal Wittmann achèvera la journée. Manager des lieux, elle supervise les élèves qui y œuvrent en immersion, corrige un geste, note un manquement, encourage. À l’observer, on ne s’étonne guère qu’elle ait jadis eu l’occasion de servir la Reine d’Angleterre : il n’y a rien que Chantal Wittmann n’omette de faire.

Par Anastasia Chelini

 

Restaurant Bellevue : https://www.glion.edu/restaurants/

 

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