Colline des Louves – Aux enchères chez Sotheby’s dès son premier millésime !

Après 25 ans de reportages et de rencontres dans le monde du vin, du grand cru classé au vin d’auteur, je n’avais encore jamais vu pareille démarche, et je me suis dit que j’avais vraiment de la chance car ce que j’ai vu et goûté au domaine Colline des Louves à l’été 2024 est simplement incroyable, pas de cuve, pas de chai, et pourtant…
Par Sylvie Tonnaire, journaliste.
Le vin blanc de Chris Di Donato est à acquérir aux enchères jusqu’au 27 octobre ici


Changer de vie à cinquante ans passés, c’est osé. Pour faire du vin comme personne n’en fait, en partant d’une terre vierge, avec des choix radicaux de culture, sans eau, sans produit d’aucune sorte, mais avec une pioche et beaucoup d’inspiration, le tout alors qu’on a jamais travaillé la terre….c’est téméraire.
Sans concession. Voilà ce qui résume le mieux le choix de (seconde) vie de Chris di Donato. Des décennies dans un style de vie business, aux manettes d’un MBA d’affaires, à la tête d’une famille recomposée comptant une tribu de sept demoiselles, et puis il y a cinq ans, stop.

On le retrouve au pied de l’Hortus, en pleine AOC Pic Saint Loup, à dix km du premier village, seul, à planter et cultiver sans eau d’étranges cépages blancs, quand tous les vignerons alentours ne jurent que par les rouges et les rosés. Que s’est-il passé ? « Ma darling (sic) a hérité de l’habitation de ses grands-parents, ici, dans un hameau sous la falaise de l’Hortus où la route s’arrête, je n’y étais jamais venu, la beauté du lieu m’a fait un choc, je me suis dit on ne peut pas vendre ça, il faut s’installer ici ».

Chris et Cath sautent le pas, abandonnent le monde urbain, le domaine Colline des Louves s’esquisse. C’est vrai que la nature alentour est impressionnante, à la fois minérale car de grandes plaques de calcaire affleurent, puis sous le règne d’une végétation puissante : forêts de chênes touffues, cades, romarins, pins…Une flore odorante, solide, adaptée, foisonnante, et qui ne semble pas impactée par le manque d’eau. A quelques centaines de mètres en contrebas, c’est la plaine, avec de grandes parcelles où les ceps sont alignés au cordeau, mais « ici, rien n’est plat, il y a des ravines partout qui se transforment en oueds à la moindre pluie, et quand il n’y a pas d’eau, il s’en échappe un courant d’air frais, la circulation de l’air est permanente et berce les vignes ». Une maison héritée, des garrigues impénétrables, ça ne fait pas un vignoble.

Rencontre et transmission
Le destin s’en mêle avec la rencontre d’un voisin paysan, un irréductible qui n’a jamais voulu céder ses terres sauvages, vierges de toute culture depuis cinq générations. Les deux hommes ont-ils échangé leurs rêves ? Un peu plus de six hectares changent de main et une autre aventure commence, en défrichant avec parcimonie pour conserver tout le végétal possible, Chris di Donato, installe des cépages blancs, issu des meilleures sélections massales, des classiques, chardonnays, viognier, marsanne, clairette, puis des « expérimentaux » : venus de Sicile, de Slovénie ou de l’ile d’Elbe, à priori résistants à la sécheresse. Ces plantations-là se font dans le cadre d’un protocole européen, accompagné par l’INRAE et la chambre d’agriculture. Le pronostic lié au lieu n’est pas très optimiste, on lui prédit une certaine mortalité voire une mortalité certaine, « au jour d’aujourd’hui j’observe des croissances très différentes d’un pied à l’autre, sans que rien ne l’explique, mais je n’ai perdu qu’un seul cep sur 4 hectares plantés, et ça non plus, personne ne l’explique ».

« Au début j’ai fait appel à des professionnels de la plantation, ils sont partis presque aussi vite qu’ils étaient venus, trop de cailloux, de pente, d’arbres, ça n’était pas rentable pour eux. Il ne me restait que la pioche et des piquets de châtaigniers des Cévennes ». Évidement la plantation se fait à l’ancienne, « au carré », pour pouvoir tourner autour de chaque pied lors les différents travaux « j’ai lu toute la littérature agricole du 19éme, je veux faire un vin comme le faisaient mes grands parents, un vin de raisin qui a poussé sur une terre où aucun produit chimique n’a jamais été utilisé, sans autre chose que le jus de ce raisin, je veux aller jusqu’au bout ». Première vendange avec les copains du rugby et de la chorale. Le pressoir est fabriqué maison, c’est un fut embarqué sur une cariole que l’on déplace au plus près des coupeurs pour presser dès que possible grâce à un poids accroché à un mat de cyprès. Le jus est directement recueilli en dame-jeanne de 54 litres « ramenées de Vénétie car en France c’est devenu de la déco et donc hors de prix ».

Pour compléter l’aventure, les dames jeanne sont enterrées au cœur d’une forêt de chênes, une petite étiquette de bois émerge du sol pour signaler leur présence. A ce stade du reportage je mesure le travail de titan, de bagnard, la prise de risque, le doute permanent, les moments de solitude, je me dis ce gars a cassé des cailloux pendant des mois, planté des cépages inconnus, les as vu grandir, deux ans, trois ans, a appris à tailler dans des bouquins, (il lui faut un peu plus de trois mois pour tout tailler tout seul), à planter des piquets pour attacher les ceps les plus vigoureux en échalas tandis que d’autres restent au ras du sol en gobelets, sa première vendange c’est 250 litres de blanc, un sacré pari, un pari fou qui lui fait dire « on est des manœuvres de la nature, il y a des choses qui nous dépassent ». Le visible et l’invisible se retrouvent dans le verre, limpide sans aucune filtration, avec un bouquet très odorant d’abricot frais, d’aubépine, de pomme au four, une belle suavité à l’attaque, un vin large au palais, onctueux, nourrissant, d’un équilibre tranquille, un vin de sérénité.
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