Suisse – Philippe Chevrier déclassé du guide Michelin après 30 ans de 2 étoiles au Domaine de Châteauvieux : « Les piliers de la vie, ce sont l’amour, l’amitié, la santé et le travail. Pas le Michelin. »

10 octobre 2023  0  F&S LIVE

Le guide Michelin Suisse 2023 vient de sortir, Le chef Chevrier vient de perdre sa deuxième étoile, il a répondu à une longue interview au au quotidien La Tribune de Genève.

Extrait ci-dessous

Présenté en grande pompe lundi dernier, le palmarès 2023 du Michelin Suisse n’a pas fait que des heureux. Ainsi à Genève, si le guide rouge sacre Olivier Jean, de L’Atelier Robuchon, avec un deuxième macaron, Philippe Chevrier, lui, perd la deuxième étoile qui brillait depuis presque trente ans sur son Domaine de Châteauvieux.

Inutile de dire que la nouvelle a secoué le petit monde de la gastronomie locale, tant la table de Peney-Dessus y fait figure d’indiscutable institution. Illico, les hypothèses et supputations ont crépité en ville. Le restaurant amiral de l’empire Chevrier avait-il baissé la garde qualitative ? Sa cuisine classique n’était-elle plus en phase avec la modernité culinaire ? Le Michelin faisait-il là un coup médiatique en déboulonnant un sphinx ? On aurait bien aimé en parler avec l’un des responsables du guide. Mais nos efforts sont restés vains. Le chef genevois, lui, a accepté de nous répondre.

Comment avez-vous réagi à la perte de votre deuxième étoile? – C’est surtout la manière de faire qui m’a heurté. Dans le guide, on a un commentaire dithyrambique quasi inchangé d’année en année, qui vante la créativité, la qualité des assiettes, l’excellence des produits… On a accueilli, il y a un mois, la rédactrice en chef du Michelin, qui m’a remercié et m’a assuré qu’elle avait passé une très belle soirée. Dix jours après, on reçoit une réservation pour deux personnes. Le gars débarque seul – c’est toujours comme ça qu’ils font –, me remercie encore à l’issue du repas. Tout s’est super bien passé. Il paie avec une carte Michelin, repart dans une voiture belge équipée de pneus Michelin. Je suis sûr à 98% que c’était un inspecteur. Samedi dernier enfin, on reçoit un coup de fil nous annonçant qu’il est inutile de venir à la cérémonie car on perd une étoile. Cela fait vingt-neuf ans que Châteauvieux a deux étoiles; vingt-neuf ans de travail acharné et passionné. Après toutes ces années, si quelque chose ne va pas, s’il y a des imperfections, la moindre des choses aurait été de nous prévenir avant. Là, c’est un manque total de classe.

Pensez-vous que le guide a voulu créer du buzz? – Vous souvenez-vous des nouveaux chefs promus trois étoiles en France l’an passé? Moi pas. En revanche, tout le monde garde en tête la destitution de Guy Savoy. La perte d’une étoile, ça fait causer. Vous savez, Michelin s’est associé avec TripAdvisor, qui est l’ennemi des restaurants, où tout un chacun peut déverser son fiel sans même avoir mis les pieds dans un établissement. Comment une institution comme le guide rouge peut-elle s’acoquiner avec un truc pareil? Les commentaires de TripAdvisor serviront-ils à l’avenir à établir le classement Michelin?

Comment votre équipe a-t-elle pris la nouvelle? – Sur le moment, ça a été très dur. Esteban (ndrl: Esteban Valle, maître d’hôtel et directeur) pleurait. Mais il faut aller de l’avant. C’est moi, le capitaine, qui donne le ton. Je leur ai dit de ne surtout pas culpabiliser. On travaille pour les clients, pas pour le Michelin. Et nos clients sont fidèles. Que vaut un inspecteur face à 18’000 personnes par an? Mon équipe est composée de pros, qui ne bossent pas pour un deux-étoiles mais pour une belle et bonne maison. Et puis on garde notre 19/20 au Gault&Millau!

Cette décision pourrait-elle remettre en question votre cuisine? – Non. On ne change rien. Je suis antimode; les modes se démodent. …/… La suite de l’interview en CLIQUANT ICI

Photo Instagram Châteauvieux