À Paris, le chef Frédéric Vardon fait du Café Max un bistrot parisien solaire – rencontre
À Paris, le chef Frédéric Vardon fait du Café Max un bistrot parisien solaire – rencontre
Par Anastasia Chelini
Dès qu’on entre, les lieux ont la bonhomie réjouissante des bistrots parisiens séculaires. Et la chaleur contagieuse des bonnes adresses. Au Café Max, coquet bistrot repris l’été dernier par Frédéric Vardon, puis rouvert cet automne, il fait bon s’attabler, et passer la soirée dans une ambiance heureuse. Si le décor est soigné, il n’en est pas guindé pour autant ; au contraire. L’heure tournant, il n’est pas rare que les conversations s’élargissent d’une table à l’autre, se propagent, s’étendent, et que les convives voisins discutent entre eux. À la carte, les plats traditionnels promettent de la rondeur et du chaud ; andouillette à la ficelle, pots au feu, bœuf bourguignon, ris de veau. En dessert, on bascule dans la gourmandise pure (et c’est tant mieux) ; mousse au chocolat, profiteroles, crème caramel – le tout bien sûr fait maison. Dans les portions, la générosité du chef Vardon se retrouve. L’homme est d’une puissante gentillesse ; et communique sa personnalité aux lieux. C’est lui qui a chiné la vaisselle ancienne, les gobelets en métal argenté. Ces derniers font du Café Max une adresse qui fleure bon le « comme à la maison » ; l’élégance en prime.
Si les lieux ont tant d’atmosphère, de charme, c’est sans doute aussi à cause de leur histoire. Autrefois point de rendez-vous de résistants français, l’adresse a une âme. Une chaleur tangible. C’est ce qui a plu au chef Frédéric Vardon. Et l’a poussé à reprendre l’affaire. L’histoire de cette reprise ? Il la narre avec bonheur : «Ce lieu m’a toujours attiré. Pendant plus de vingt ans, je suis passé devant tous les jours, car j’habite non loin de là. Et pourtant, je n’avais jamais réussi à y dîner ou y déjeuner, faute de temps. Un soir, pendant la pandémie, je passe devant le Café Max, et j’y vois de la lumière ; mais les lieux étaient fermés. Je m’éloigne en râlant, déçu. À la maison, mon fils me demande ce qui ne va pas ; je lui fais part de ma déception, et lui dis : «un jour, ça va être vendu, alors que pour moi c’est un rêve, ce lieu.» Mon fils me répond alors : «Figure-toi que ce bistrot appartient au beau-père d’un de mes meilleurs amis ! Je vais lui demander si c’est à vendre.» Une dizaine de jours plus tard, on m’apprend que non, le lieu n’est pas à vendre. Mais le second confinement arrive, qui change la donne ; j’ai fini par rencontrer le propriétaire, un monsieur de 70 ans. On s’est entendu ; nous avons déjeuné plusieurs fois ensemble. Et un jour, ça s’est fait. J’ai racheté le Café Max à l’été 2022.»
Au-delà de la dimension commerciale, c’est toute l’idée d’une transmission qui s’est jouée dans cette affaire. « En rachetant le Café Max, j’ai permis à son ancien propriétaire, qui avait donné une âme au lieu, de fermer de façon paisible, solide, professionnelle ; et de pouvoir ouvrir le livre de sa retraite en étant certain que ce qu’il avait créé au Café Max ne serait pas galvaudé », explique le chef. De fait, l’esprit des lieux demeure et perdure, sain et sauf. L’équipe y est pour beaucoup ; sur place depuis des années, Julio, le responsable de salle, travaille au Café Max avec cœur ; il connaît la carte à la virgule près, veille sur les tables, pense à la corbeille de pain qui se vide insensiblement. Le chef de cuisine, Régis Letourneur, tient les fourneaux depuis 18 ans, infaillible. « Tous deux font partie de cette génération éduquée, exceptionnelle, qui a le sens de la valeur des choses. Ils font leur travail avec conviction et honnêteté », commente Frédéric Vardon. Et tiennent les lieux comme si c’était les leurs.
Côté carte, les choses ont évolué depuis la reprise estivale. Le propriétaire précédent étant italien, il y avait de nombreuses options issues du pays de la botte au menu. Le chef Vardon a changé cela ; positionnant le Café Max dans la veine du pur bistrot parisien. Désormais, l’adresse propose beaucoup de plats à partager ; des charcuteries ; des œufs mimosa ; des pots au feu. « Le focus est mis sur le sourcing. On a tout de même gardé le Vitello Tomato à la carte, pour faire plaisir à l’ancien propriétaire – et aux habitués », précise le chef. Pour le reste, « on fait les choses à l’ancienne. Les plats mijotent ; le foie gras est fait maison. La charcuterie nous vient d’Olivier Brosset, à Angers, qui nous prépare les andouillettes à la ficelle, et nous livre un porc d’anthologie. » Pour ce qui est des vins, l’adresse propose une soixantaine de références, toutes choisies avec un soin de mère. Les clients ne s’y trompent guère ; le taux de remplissage du Café Max est à 90% tous les jours. « Nous n’ouvrons pas le week-end, conformément au fonctionnement du propriétaire d’avant. L’équipe étant petite, on reste comme ça. » Puis d’ajouter : « si on veut qu’un lieu respire le bien-être, il faut que ceux qui y travaillent s’y sentent bien. Et le bien-être de mes équipes, ça compte. »
Un peu plus loin dans Paris, l’autre affaire du chef Vardon marche bien, elle aussi. Au 39V, son restaurant de l’avenue George V, le taux de remplissage de la salle tourne autour de 95%. « L’équipe du restaurant est belle et motivée », précise le chef. En parallèle, il fait du consulting culinaire pour deux autres établissements, dont un en Autriche. « Avoir différents challenges, c’est très enrichissant », commente-t-il. Pour autant, l’ambition de Frédéric Vardon n’a jamais été de multiplier les adresses ; mais plutôt, d’avoir « plusieurs histoires. Chacune dans sa différence. » Pluralité ou non, le chef se rend tous les jours au Café Max ; l’atmosphère spéciale du lieu lui plaît. C’est que, dit-il, quelque chose s’y passe ; « lorsqu’on entre ici, on ressent encore l’ambiance de la veille ; on devine que la soirée a été belle. Alors, je prends mon café derrière le zinc ; et je suis heureux. » On le comprend.
CAFÉ MAX – 7 avenue de la Motte-Piquet – 75007 Paris
Tel – +33 (0)1 47 05 57 66