Lundi 18 février, le Palais de la Bourse (ou Palais Brongniart) présentait sa façade illuminée à la nuit, l’échine parcourue d’un frisson gourmet. Et pour cause : ce soir-là, le bâtiment parisien abritait les World Restaurant Awards, nouveau classement gastronomique /cérémonie de récompenses, qui fête là son année de naissance. Pour cette première édition, les organisateurs n’avaient pas lésiné, ni sur les moyens, ni sur les invités ; Joe Warwick et son compère Andrea Petrini avaient en effet réussi à combiner une destination culinaire de choix (Paris), un lieu prestigieux, une dimension glamour bien présente (incarnée notamment par la présence d’Antoine de Caunes), et des invités de marque (Alain Ducasse, Mauro Colagreco, Clare Smyth, Virgilio Martinez, Alain Passard, Hélène Darroze, Sylvestre Wahid, Amandine Chaignot, Jean-François Piège, Yannick Alléno, Akrame Benallal…) Le tout étant servi par une belle organisation, portée par une cérémonie sans heurts (mention spéciale à l’impeccable prestation du maître de cérémonie, ainsi qu’aux élèves de l’école Ferrandi, venus en nombre pour assurer le service). Quant à nous, on a profité de notre présence sur place pour interviewer quelques grands noms de la gastronomie. À découvrir ci-dessous !
Le visage nimbé d’une blondeur seyante, la chef Amandine Chaignot sirotait une coupe de champagne lorsque je l’abordai. « Le printemps s’annonce chargé », confia-t-elle ; « je vais ouvrir mon premier restaurant à cette période ; son nom n’est pas encore arrêté. Mais je peux déjà vous dire où il sera : dans le 10è arrondissement. Ce quartier bouge bien, il est plein de nouvelles adresses et de bars sympa. Et j’ai de super associés avec moi. En parallèle, je signerai la carte d’un restaurant, à Paris lui aussi, à la même période. » Une gorgée de champagne plus tard, et nous voilà évoquant le récent départ du Crillon du chef Christopher Hache, qui a quitté le palace parisien fin janvier (lui et Amandine Chaignot y ont un temps œuvré ensemble). « Je pense que ce départ, c’est une décision qu’il a dû mûrir. Il faut du courage pour quitter ce genre de poste. C’est forcément un grand pas pour lui. Je lui souhaite de prendre du temps pour respirer, car ce type de grands établissements sont fatigants à gérer. On a tendance à s’oublier, à travailler constamment. Même conseil pour Stéphanie Le Quellec, qui vient de quitter La Scène au Prince de Galles : qu’elle prenne du temps pour elle avant de se lancer dans la suite. »
Le début de la cérémonie s’annonçant, je me dirigeai sans tarder vers la salle de remise des prix.
Une fois la cérémonie passée, et les gagnants récompensés, c’est Clare Smyth que je croisais, fameuse chef-patron nord-irlandaise dont le restaurant londonien, Core, comptabilise deux étoiles Michelin. Séduite par le caractère inclusif de l’initiative, elle a jugé l’événement « génial, car éducatif, informatif, et facteur de diversité. Ces awards permettent de voir d’autres choses. Ils présentent un peu de tout. On a besoin d’initiatives comme celles-là, qui reflètent les différents types de cuisines. Et puis, les catégories choisies sont amusantes et sympathiques. Et le panel des jurys est vraiment de grande qualité. » Nous terminâmes l’échange en évoquant Core : « en ce moment, le travail est très dense, car je souhaite perpétuer l’évolution du restaurant. J’aimerais aussi faire évoluer le bâtiment lui-même. Core étant très jeune (le restaurant a tout juste un an et demi, NDLR), la route est encore longue avant d’en arriver là où je le souhaite. »
Voici qu’Antoine de Caunes se profila à son tour dans la salle des fêtes. Sur ces nouveaux Awards, il s’épancha volontiers, pointant les parallélismes entre son propre style et celui des World Restaurant Awards ; « je me suis toujours intéressé à la gastronomie ; d’ailleurs, mon complice Peter Stuart et moi, on a fait beaucoup de documentaires pour Canal+ sur de grandes villes, en s’intéressant chaque fois à ce que les gens y mangent. Et puis, ce sont des documentaires au ton décalé, hors des sentiers battus ; à ce titre, on se sent tout à fait en phase avec l’événement, qui lui aussi présente un côté décalé. Et puis, j’ai déjà tourné avec Andrea Petrini, dont une fois à Lyon. C’est quelqu’un qui rentre typiquement dans notre créneau : drôle, décalé. » Pour finir, le maître de cérémonie a évoqué le Wolfgat de Paternoster, ce restaurant sud-africain qui a remporté le titre de Restaurant of the Year, ainsi que celui de Off-Map Destination : « il peut tout à fait devenir un sujet dans l’un de nos prochains documentaires. La gastronomie est devenue un tel pôle d’intérêt, que tout est possible. »
Mes derniers pas du jour m’ont menée à Cécile Rebbot, directrice de l’événement. Après la cérémonie, elle goûtait la paix retrouvée, une fois la pression passée. Son regard rétrospectif sur le déroulé des choses s’est fait heureux : « on est ravis. Tout le monde est là, on a tenu les timings ; c’était fun ; les gagnants étaient très variés, on a présenté un vrai melting pot. Et la remise des prix n’était ni trop longue, ni trop courte. » Même son de cloche du côté de Franck Michel, MOF travaillant pour les chocolats CÉMOI, partenaires de l’événement : « comme c’était la première édition cette année, on se demandait un peu comment ça se passerait ; et au final, la cérémonie a été très conviviale, rythmée, dynamique ; et l’événement lui-même est vraiment bien fait. »
Vers onze heures du soir, tandis que les rythmes pulsés du DJ donnaient au Palais Brongniart des « accents inconnus » (Lamartine in « Le Lac », NDLR) en ces lieux, je m’éclipsai sur la pointe des pieds, laissant derrière moi un bâtiment dansant. Les chefs, eux, étaient pour la plupart déjà partis, d’autres encore sur place. Juste avant la sortie, j’ai aperçu Joe Warwick un sourire aux lèvres, et Andrea Petrini sur le même tempo. Les deux compères savouraient (à juste titre) leur fête.