Par notre correspondante sur place
Bilbao, Jour 3. Ça y est, le monde a un nouveau roi. Depuis avant-hier soir, à 22h33 exactement (heure locale), Massimo Bottura a été intronisé comme premier du classement du 50 Best. Sur la scène du palais des congrès de Bilbao (où avait lieu la cérémonie), le chef italien a délivré un discours puissant, tandis que l’assistance exultait, électrisée par ses mots – (« ce soir, il ne s’agit pas de moi, mais de nous tous », a-t-il notamment déclaré. Ou encore : « We can be a change in the world »).
De fait, au-delà du grand raout (à la fois fascinant et controversé) qu’il représente, le 50 Best est aussi (et peut-être surtout ?) un rassemblement humain facteur d’émotion, voyant se réunir en une transhumance annuelle le gratin de la gastronomie, soudé autour d’une même passion. Pour un peu, on en oublierait presque les parcours mirobolants des uns, les statuts starisés des autres, et l’aura médiatique des suivants ; avant tout, ces chefs du monde entier sont heureux d’être ensemble, liés par une vocation partagée, qui les fait vivre et les rassemble. Cette joie des retrouvailles entre amis, elle était bel et bien palpable.
La ferveur de la foule a des vertus contagieuses ; je ne suis pas chef, ni n’ai de restaurant. Et pourtant : lors de ce fameux soir de l’annonce du classement des 50 Best, nul n’est resté insensible dans la salle où se tenait la cérémonie. À l’approche du décompte final, et tandis que l’énonciation du classement inversé approchait toujours plus du chiffre 1, j’ai été moi aussi gagnée par le stress, le suspense et l’attente de mes voisins, de l’audience, de tous ceux qui vibraient face à l’expectative. Comme intrinsèquement liée à ceux qui espéraient. Bientôt, le fourmillement croissant qui avait saisi l’audience a rapidement frôlé l’hystérie ; quand l’heure est arrivée de dévoiler les cinq premiers du classement, une tension palpable, physique, a couru le long de l’échine du public. Cinquième du classement : Gaggan à Bangkok, par Gaggan Anand. Tonnerre d’applaudissements. Quatrième du classement : l’Eleven Madison Park à New-York (également nommé Best Restaurant in North America), par Daniel Humm. Applaudissements à nouveau. Troisième du classement : Mirazur, à Menton, par Mauro Colagreco. Applaudissements à tout rompre. Deuxième du classement : El Celler de Can Roca, à Girona, par les trois frères Roca. Cette fois les gens se sont levés, et les cris de joie ont fusé. Premier du classement : l’Osteria Francescana, Modène, par Massimo Bottura. À cette annonce, la salle est devenue folle, complètement transcendée. Pour un peu, les gens l’auraient porté en triomphe, ce Massimo Bottura alors ivre de joie. Tout le monde s’est levé, l’a ovationné. Plus vibrant qu’une atmosphère de stade à l’heure d’un match historique.
Le phénomène Cédric Grolet – le chef à remporté depuis deux ans tout les titres honorant sont travail.
Du côté de l’applaudimètre, il atteignait des pics sporadiques selon les chefs annoncés. Parmi les plus applaudis, Clare Smyth bien sûr, qui a tenu un discours raisonné, précis, lumineux. « Il s’agit de faire des cuisines un lieu de travail agréable pour les femmes ; mais au-delà de ça, d’en faire un lieu de travail agréable pour les femmes ET les hommes », a-t-elle déclaré, entérinant ainsi sa volonté de dépasser le clivage femme-homme. « Le débat continue. Je suis impatiente que le moment arrive où l’on aura atteint l’égalité des genres. » (À lire très vite, l’interview de Claire Smyth.) Autre femme très applaudie, la chef Elena Arzak, ainsi que son père Juan Mari Arzak. (Retrouvez bientôt son interview sur F&S). Le chef du Quintonil (Mexico City) Jorge Vallejo a lui aussi reçu une salve d’applaudissements très nourrie – son restaurant a atteint la 11e place. Idem pour le 21e du classement, le Alain Ducasse au Plaza Athénée (retrouvez ICI notre article sur le pop-up californien du Plaza, le Cabana Café).
L’annonce des place dans le classement se succèdent à grande vitesse, le Chef Paul Pairet à Shanghai emporte l’enthousiasme de la salle.
Gaston Acurio, l’incroyable chef Péruvien, toujours aussi sympathique et modeste.
Alain Passard un fidèle de 50Best, il a bien compris la raisonnance internationale de ce classement anglo-saxon.
Ci-dessus – Le chef Mauro Colagreco dans le trio des tête, impressionnante performance pour le chef argentin installé à Menton.
La liesse a-t-elle un visage ? Ce soir-là en tout cas, elle en avait plusieurs. Cédric Grolet irradiait littéralement de bonheur (et on le comprend : être nommé World Best Pastry Chef par deux classements prestigieux, ça ne peut que rendre heureux.) Hélène Pietrini, la directrice du 50 Best, souriait de concert. Massimo Bottura ne touchait plus terre, déclarant plus tard à la conférence de presse qu’il se sentait « so good, so happy, extrêmement heureux et serein », dans un mélange d’Italien et d’Anglais. Pour finir, les mots du chef Gaston Acurio, ont fait office de précepte de vie : « la patience est notre meilleur outil pour réussir. Vous saurez quand votre moment sera venu. »