Retrouvez l’interview sur le Figaro.fr interview de Adrien Gonzalez
Hélène Darroze : « Sans Londres, je ne serais jamais devenue la cuisinière que je suis »
La chef affiche deux étoiles Michelin dans son restaurant londonien, …, contre un seul macaron dans son fief, à Paris.
Comment les Anglais vous ont-ils accueillie lors de votre arrivée dans le luxueux hôtel Connaught en 2008 ?
J’ai été très bien reçue par les chefs. Beaucoup m’ont soutenue, donné des conseils, recommandé des fournisseurs. Mais si je n’avais pas fait le choix d’habiter à cheval entre Londres et Paris, ça n’aurait jamais marché. Les cinq premières années, j’ai passé une semaine sur deux dans chaque capitale. Puis j’ai vécu deux ans là-bas. Je suis de retour à Paris depuis mai dernier.
Et les clients ? La critique ?
J’ai fait profil bas. Je me suis mise dans mon coin et j’ai travaillé. J’ai fait ça avec mes tripes et mon cœur.
En 2010, vous décrochez deux étoiles à Londres et êtes rétrogradée à une étoile à Paris. N’est-ce pas paradoxal pour une chef française?
J’ai passé plus de temps à Londres qu’à Paris. Cela a certainement joué sur la régularité de la cuisine. En Angleterre, je dispose du soutien de l’hôtel Connaught, des structures financière et RH, d’une logistique de communication et de marketing. À Paris, je dois m’occuper de ces choses seule. Et puis, il y a les charges sociales: 13 % en Angleterre contre 45 % en France. Cela permet d’avoir plus de collaborateurs et donc de fournir un meilleur travail. À chiffres d’affaires égaux, j’ai douze employés de plus à Londres. Le décor et les arts de la table de Connaught sont aussi plus luxueux. Je ne peux pas croire que cela ne compte pas dans l’attribution des étoiles.
Avez-vous adapté votre cuisine à la clientèle londonienne ?
Elle est strictement la même. C‘était d’ailleurs la condition pour que je vienne au Connaught. Au quotidien, mes cuisines sont conçues pour fonctionner comme si je ne m’y trouvais pas. Mais je reste l’inspiratrice. Dans les deux adresses, vous pouvez commander mes «noix de saint-jacques rôties aux épices tandoori» et mon «suprême de pigeonneau flambé au capucin».
Votre restaurant familial à Villeneuve-de-Marsan avait été fondé en 1895. Certains Landais ont pu voir sa fermeture et votre départ pour Paris en 1999 comme une désertion.
J’admets, je n’ai pas eu le courage de défendre mes valeurs et mon terroir, mais je ne le regrette pas. Ce n’était pas calculé, mais sans Paris, je ne serais jamais devenue celle que je suis aujourd’hui. Sans Londres non plus. La province a été une expérience très difficile. Nous n’arrivions pas à remplir le restaurant.
Vous étiez une cuisinière landaise, vous êtes devenue une cuisinière française. Faut-il couper avec ses racines pour devenir un grand chef ?
Pour bâtir une carrière internationale, oui. Le Sud-Ouest possède sans doute plein de jeunes chefs talentueux, mais leur réputation ne dépasse pas les frontières régionales. L’arrivée du nouveau Michel Guérard n’est pas pour demain.