© Texte et photos : Julie Limont
Il y a quelques semaines déjà, profitant d’un périple sudiste chez Arnaud Donckele et Arnaud Faye, j’ai poussé les rails jusqu’à la bucolique et très improbable petite gare d’Orgon, afin d’y retrouver – ou plus exactement d’y rencontrer – Christopher Hache, et découvrir son nouvel écrin, la chaleureuse Maison Hache, non loin de là, dans le charmant village d’Eygalières.
Murs de pierres, décoration sobre et élégante, matières brutes, natures, laissant place à quelques touches discrètes fleurant bon la Provence, cette bâtisse, qui fut jadis, du temps du couple Bru, doublement étoilée et que le chef a voulue véritable maison de famille, où l’ « on se sente comme chez soi », est aujourd’hui en passe de redevenir une adresse incontournable de la région.
Tout commence par des produits locaux, de saison, et de grande qualité, grâce notamment aux légumes du Potager d’Emilie
Retour dans les cuisines de la Maison Hache
Petit-fils et fils d’aubergistes, Christopher est en fait le digne représentant de la cinquième génération de la famille à officier dans le domaine de l’hôtellerie-restauration. Après un parcours quasiment tout tracé en école hôtelière, il se prend de passion pour la pâtisserie – de nombreux chefs pâtissiers se comptant d’ailleurs encore aujourd’hui parmi ses amis les plus proches – avant de finalement opter pour la cuisine, pourvu qu’elle soit gastronomique et le pousse à l’excellence.
Eric Briffard, le Lucas Carton de Senderens, un bref passage chez Régis Marcon, La Grande Cascade, sous la houlette de Frédéric Robert, il sera également sous-chef d’Eric Fréchon, avec pour challenge l’obtention de la troisième étoile au Bristol, ce qui sera chose faite en 2009, après 4 années de travail, rigueur et précision.
Christopher, qui vit son ascension pas à pas, étape par étape, avec réalisme et humilité, tente alors sa chance en postulant au Crillon, sans pour autant trop y croire.
Ci-dessus : Geoffrey Hache Gane, cousin et sous-chef de Christopher
Ci-dessus : Benjamin Bonnet, sous-chef, qui a suivi Christopher depuis le Crillon et ci-dessous : Lauriane, pâtissière
Pourtant c’est bien à lui que les propriétaires choisiront d’accorder leur confiance, et ce malgré son bien jeune âge. A 29 ans, il prend donc les rennes des cuisines de l’hôtel, succédant à Jean-François Piège, pour y écrire une nouvelle page de son histoire. Couronné de distinctions, comme le titre Pudlowski du meilleur jeune chef 2011, il saura faire ses preuves et susciter l’adhésion de tous, jusqu’à conserver sa place lors du changement de direction et de la fermeture de l’établissement pour travaux.
Il profite de cette occasion pour établir le bilan de son parcours, et décide de pallier à ce qu’il considère alors comme étant ses lacunes : la maîtrise de l’anglais et une expérience à l’international.
Guide Michelin et 50th Best sous le bras, il planifie donc son tour du monde, à la découverte et rencontre des gastronomies et philosophies culinaires qui l’interpellent.
New-York, le Brésil chez Alex Atala, le Chili, puis le Pérou, qui demeure une expérience déterminante, un séjour chez Thomas Keller, dont l’effervescence et surtout la grande bienveillance le marqueront profondément, il rejoindra ensuite l’Asie, pour parfaire son périple, via Singapour, chez André Chiang, puis le Japon, dans trois adresses de renom, pour terminer cette année et demie de voyage, dans l’attente de la réouverture du Crillon, en acceptant la proposition du groupe Rosewood (dont l’adresse parisienne fait partie) de revêtir la veste de Chef au Rosewood London, pour quelques mois de transition.
Cappuccino de courgettes, menthe marocaine
Ces années d’expérimentations, d’échanges et d’apprentissage nourriront bien évidemment en lui son envie viscérale de construire, créer, laisser libre court à poser son identité dans un lieu qui serait sien. Cependant, fidèle à ses engagements, et ce malgré les années de retard
de travaux, il assurera la réouverture de l’hôtel, Place de la Concorde, et offrira même à l’Ecrin, six mois seulement plus tard, une étoile au Guide Rouge.
Pour autant le désir de quelque chose de plus immédiat, direct, et proche de ses intentions sera plus fort et quand l’occasion se présentera de racheter un établissement dans ce petit village au cœur des Alpilles, qu’il affectionne particulièrement, il ne saura hésiter.
Le voilà donc quitter le palace parisien et façonner sa Maison Hache à son image, de l’accueil au choix des appliques, ému par la bienveillance et la sympathie des habitants d’Eygalières, et touché par les kilomètres effacés par ses clients ou amis par simple plaisir de venir diner à sa table.
Souhaitant plus que tout briser les codes, l’ambiance est ici conviviale, les chambres portent les prénoms de ses enfants, et il s’attache à proposer une cuisine moins démonstrative, plus épurée et allant à l’essentiel, mettant sa technique au service de produits locaux, en s’appliquant à porter haut les saveurs et richesses provençales, qu’elles soient culinaires ou viticoles. Le Baba est donc à l’anis, la glace au thym, le Saint-Pierre à l’anchoîade, et chaque produit est un marqueur de cette région d’exception.
Et l’alchimie fonctionne. Immédiatement adoubé par sa terre d’adoption, ce chef plein d’audace et entrepreneur ambitieux, cinq mois seulement après son installation, vient d’annoncer l’ouverture deux Boulangeries Hache, à Eygalières et Saint-Rémy de Provence, où il propose pains, viennoiseries et pâtisseries de sa signature.
Affaire à suivre, car il semblerait que ce ne soit qu’un début..
Ravioles de cèpes au bouillon d’aiguilles de pin
Huîtres de Camargue grillées, artichauts en barigoule
Tomates anciennes, glacées au vinaigre de grenade
Soupe au pistou, légumes d’été, pâtes, coques
Bar doré, riz rouge de Camargue cuit au jus de moules safrané
Saint-Pierre, gnocchis de roquette, anchoïade à l’ail noir
Jarret de veau confit, carottes et jus aux baies de genièvre
Pièces d’agneau des Alpilles, aubergines confites, sarriette
Crème citron, granité et meringue au citron confit, et touche de Frigolet
Soufflé au chocolat noir 70%, servi avec une glace au thym
Baba imbibé à la liqueur d’anis, reine-claude, chantilly à la réglisse
Bugnes, figues de Provence, glace au miel de lavande
Salle et cuisine réunies le temps d’un cliché avant service
MAISON HACHE – 30 rue de la République – 13810 Eygalières – Tel ( +33 ) 04 90 95 00 04