Forte dei Marmi, Toscane
Par Anastasia Chelini
C’est en Toscane, sur la Riviera italienne, que le chef Valentino Cassanelli insuffle au restaurant étoilé Lux Lucis sa créativité délicate. Chef exécutif de ce gastronomique depuis dix ans (dont il a fait l’ouverture), mais aussi des autres restaurants de l’hôtel Principe Forte dei Marmi, il se fait le chantre des produits du terroir, et veille à créer autour de lui un solide réseau de producteurs engagés. Nous sommes allés voir.
Pour Valentino Cassanelli, son histoire avec Forte dei Marmi a d’abord débuté par un coup de cœur : il est tombé sous le charme de la région. De fait, Forte dei Marmi a de vastes avantages ; située non loin de Lucca et de Pise, elle a d’un côté la mer (longue plage de sable fin, presque blanc, aux faux airs de South Beach, le côté bling en moins), et de l’autre, la montagne – dont la découpe accidentée prend des contours violets au crépuscule. La terre est riche aussi, fertile ; depuis qu’il y vit, le chef Cassanelli ne cesse de la mettre en avant. « À travers ma cuisine, mon intention est de me faire l’ambassadeur de ce terroir », explique-t-il. De fait, il source une partie de ses légumes dans une ferme biodynamique, Biodinamica Mediterranea, où aucun pesticide n’a droit de visite ; sa farine, c’est auprès de Molino Angeli qu’il l’achète (cette petite entreprise artisanale mout le grain à l’ancienne) ; quant au boucher qui lui fait son salami, Bacci, il fabrique ses produits conformément à une tradition séculaire – là encore, sans additifs.
Pour cet ancien de Carlo Cracco (chef italien et personnalité télévisuelle), qui est aussi passé par Nobu et Locando Locatelli à Londres, l’objectif est pluriel : faire une « cuisine italienne du terroir, mais sans frontières », confie-t-il. « Ma cuisine est une expression libre de la cuisine italienne. C’est une cuisine personnelle, dans laquelle je tâche d’incorporer mes émotions, mes voyages, mais aussi le travail et la créativité de ma brigade. » D’où des accords inattendus qui s’invitent de plat en plat, comme par exemple le risotto à la sauce tom yam, ou les pâtes roses colorées à l’hibiscus. La partition est éclectique, ; son fil directeur est à chercher, toujours, du côté du terroir.
Dans l’assiette, Valentino Cassanelli veille à rassembler terre et mer ; pour qu’elles se côtoient dans le menu comme elles le font dans la région. Il veille aussi, bien sûr, à faire figurer la truffe blanche, « fierté de l’Italie » et issue de la région voisine, le Piémont. De fait, la truffe visite régulièrement les plats proposés, apportant ses touches gourmandes selon les séquences.
Autre leitmotiv du chef, qui se ressent dès le dîner fini : la bonne digestion. S’il met un point d’honneur à utiliser des farines de grain dit ancien, et des produits issus de l’agriculture biologique, c’est aussi pour cela ; pour qu’après le dîner, « le client rentre chez lui sans se sentir lourd. Mon intention, c’est que le menu soit respectueux aussi de la partie post-dîner ; je ne veux pas que le client ait le ventre gonflé le lendemain, ou les jambes lourdes. J’apporte beaucoup d’importance à cela : le bien-être des clients », détaille-t-il.
Le bien-être, justement, ce n’est pas que dans l’assiette qu’il en est question. En cuisine aussi, l’effort de cohésion, la volonté d’unité sont réelles, pour ce chef dont la visée a quelque chose à voir avec la notion d’harmonie. De la cuisine en effet, nul bruit de discorde ne se fera entendre de la soirée. « Le fait d’avoir une cuisine ouverte a tout changé », précise le chef. « Cela nous a beaucoup poussé à communiquer différemment. Comme nous faisons désormais partie du ‘spectacle’, ma brigade et moi devons être encore plus unis, et savoir parler peu avec les mots, mais surtout avec les gestes. » Et l’unité, de fait, se ressent ; chacun semble avoir trouvé sa place dans cette brigade concentrée mais discrète.
Outre le menu gastronomique, le chef supervise également les autres points de restauration de l’hôtel. Il s’agit donc, quand la station est ouverte (de fin mars à fin octobre), du restaurant de plage Dalmazia Beach Club, mais aussi du restaurant lounge de l’établissement cinq étoiles, du petit-déjeuner, ainsi que des amenities. Le soin apporté à ces autres tables est égal ; avec, toujours, ce focus sur les produits, l’hommage à la mer et au terroir, et cette pointe de créativité personnelle.
Côté vins, Sokol Ndreko fait, littéralement, merveille. Lui aussi présent depuis les débuts de Lux Lucis, il a gagné plusieurs titres prestigieux, dont le meilleur sommelier d’Italie en 2016, par BIWA. L’année suivante, il décrochait celui de Maître de l’Année par Le Guide de l’Espresso (guide fameux en Italie). Le chef et le sommelier ont, au fil des ans, tissé une belle amitié. « Nous avons une même idée de la gastronomie, des liens qui doivent exister entre les plats et les vins », ajoute le chef. À eux deux, ils puisent dans le rayonnement de leur région une vraie fierté ; dans sa mise en avant, une joie. Et garantissent, par leur commune gentillesse, un joli moment aux hôtes de passage à Forte dei Marmi.
Photos Gabriele Stabile