Il y a quelques jours, Singapour se faisait le théâtre de la cérémonie 2019 du World’s 50 Best Restaurants. Pour l’occasion, la destination accueillait une foule de chefs, journalistes, foodistes et sponsors venus des quatre coins du monde, réunis autour d’une des célébrations culinaires les plus en vues (et les plus controversées ?) de la planète food. Food&Sens était sur place : on vous raconte comme si vous y étiez !
C’est au Marina Bay Sands, immense complexe hôtelier de Singapour, que les festivités avaient lieu. Réparties en trois temps (le cocktail précédant la cérémonie, puis la cérémonie elle-même, et enfin le brunch du lendemain), elles ont reçu le gratin mondial des grands chefs, tirant des larmes aux uns (Mauro Colagreco, à juste titre très ému), des sourires aux autres (Éric Ripert, décontracté et ravi, dont Le Bernardin a décroché la trente-sixième place du classement), et des discours émouvants aux lauréats (Mauro Colagreco à nouveau, mais aussi José Andrés, tous deux ayant rappelé la nécessité de pratiquer dans le sillage de la cuisine des valeurs humaines cardinales, telles que la solidarité et le partage.) Avant la cérémonie, le rythme était déjà dense ; au cocktail la précédant, Heston Blumenthal a été happé par la presse et les fans, Yannick Alléno et Alain Passard ont échangé avec Guillaume Sanchez et Romain Meder, Anne-Sophie Pic et son mari David Sinapian se sont prêtés au jeu des photos, et Albert Adrià n’a pas perdu une miette de la cérémonie qui a suivi. Quant à nous, nous avons profité de notre présence sur place pour faire quelques interviews de chefs en direct, et recueillir leurs impressions à chaud. À retrouver ci-dessous !
Guillaume Sanchez. Vers vingt heures, le jeune chef sirotait une bière lors du cocktail précédant la cérémonie des awards. C’est là que nous l’avons abordé. Il a commencé par faire le bilan de son année : « je suis très heureux, j’ai eu une très belle année au NE/SO, nous avons été complet tout le temps. De plus, l’étoile est tombée rapidement, et mon équipe fait preuve d’une belle énergie. » Une équipe qui, précise-t-il, « est la même depuis un an », ce qu’il explique par deux facteurs : « pour fidéliser ses équipes, la bienveillance aide, mais ne suffit pas ; il faut aussi veiller à intégrer les équipes au projet. Ça, c’est essentiel. De fait, je sollicite toujours leur avis. Les équipes font partie intégrante du projet NE/SO. » Sur sa présence à Singapour ensuite, Guillaume Sanchez a expliqué avoir été invité par Hélène Pietrini, la directrice du classement, afin de représenter la France ; « chez NE/SO, nous avons la chance d’être regardé ; et donc, d’être invités à des cérémonies, même si nous ne sommes pas dans le classement. » Quant au distinguo qu’il opère entre les étoiles Michelin et le 50 Best, il le présente ainsi : « ce sont deux constats complètement différents, mais à l’influence égale ; le Michelin se concentre sur l’assiette, il s’agit d’une approche classique de la cuisine. Le 50 Best propose quant à lui une vision plus globale de l’expérience client. »
Heston Blumenthal. Auréolé d’une nuée de journalistes, d’admirateurs et de foodistes, le pape de la cuisine moléculaire s’est frayé un chemin laborieux au cocktail ante-cérémonie, arrêté dans sa progression par des salutations de toute part. Nous avons toutefois réussi à lui arracher ses impressions sur son entrée au club très fermé des Best of the Best (qui réunit les restaurants ayant obtenu la première place du classement 50 Best lors des années précédentes). Il a ainsi déclaré, à la question « qu’est-ce que ça fait de faire partie de ce club », se sentir « pretty bloody good » (« vraiment super bien », NDLR) dans un grand sourire. Puis d’ajouter que « la seule compétition dans laquelle nous sommes, c’est celle avec soi-même… Car, comme je dis toujours, il n’existe pas de meilleur restaurant en soi. » (Pour rappel, Heston Blumenthal a gagné l’award du Diners Club Lifetime Achievement 2017, et fut également élu Chefs’ Choice Award en 2007 et en 2010. Nous l’avons interviewé il y a quelques semaines, retrouvez l’article ici.)
Bertrand Grébaut. C’est au terme de la cérémonie du 50 Best que nous avons croisé le chef étoilé du Septime, dont le restaurant a décroché la quinzième place du classement. Encore un brin sous le choc de cette place prestigieuse, le jeune chef s’est confié : « on ne s’attendait pas à une telle place. » Au sujet des retombées que la présence dans le 50 Best apporte, il a déclaré : « cela amène une clientèle internationale assez jeune. Quant à la place elle-même, elle a surtout de l’importance pour les équipes, et pour l’égo ! » (Rires). Il a ensuite relevé que le 50 Best a pour avantage « de donner une voix à ceux qui n’en ont pas, comme le fait José Andrés en parlant des migrants. Et ça permet aussi d’entendre des discours comme celui qu’a tenu Mauro Colagreco (autour des valeurs de la France, NDLR). Ce genre de messages est toujours positif. »
Mauro Colagreco. Immédiatement après la cérémonie, une conférence de presse a suivi, dévolue au grand gagnant du classement. Encore ému, le chef italo-argentin a déclaré être « heureux de ce que l’on fait à Mirazur, de notre travail. » Puis il a raconté avoir eu « un blackout de quelques secondes » suite à l’annonce de son nom en tête du classement. « Toute ma vie est repassée devant moi. Cette sensation est inexplicable », a-t-il narré en souriant. Il est ensuite revenu sur le message qui lui tient à cœur : la multi-culturalité. Avant de conclure, sous les rires de l’assemblée : « Mirazur n’est pas situé dans une grande ville, donc pour nous, c’est une question de survie de faire venir du monde. S’il vous plaît, venez à Menton et sur la Côte d’Azur ! » Pour finir, Mauro Colagreco, qui a déclaré à l’assistance que sa femme Julia est « l’amour de sa vie », est revenu sur son souhait concernant le futur de la cuisine : « j’aimerais qu’il soit davantage local et bio. Que nous soyons capables de changer nos méthodes de production. Ceci dit, ça a déjà évolué. » (Retrouvez notre interview de Mauro Colagreco ici, réalisée au lendemain de l’obtention de ses trois étoiles Michelin 2019.)
Suite à la conférence de presse, une soirée a pris le relais dans une boîte de nuit attenante. Le lendemain, un brunch a réuni les chefs et journalistes encore présents (tandis que Massimo Bottura par exemple, était déjà reparti, ainsi que Yannick Alléno.) Quant à nous, nous avons pu interviewer le plus new-yorkais des chefs Français, Éric Ripert. Un article à découvrir très vite…