GAG, les riches terres parisiennes d’Arnaud Daguin

Il m’a appris à désosser entièrement une volaille par le croupion, sans percer la peau. On appelle ça une dodine. Il m’a fait connaître son réseau de producteurs au pays Basque, à l’époque où il tenait sa maison d’hôtes, Hegia, à Hasparren. Nous tournions alors, avec Philippe Allante, la saison 1 de la série documentaire Le bonheur est dans l’assiette, diffusée par Arte. Je dois beaucoup à Arnaud Daguin, ami, chef, activiste de l’échelle de Riches Terres, à découvrir sur Bruit de Table, des circuits courts, du bon sens alimentaire et de l’agroforesterie. Il a eu des grands-pères et des grands-mères à tire-larigot et les cite souvent dans la conversation. Et son papa André a même inventé le magret de canard : quelle famille !

C’était il y a quelques mois. Dans la cour de Grand Cœur, rue du Temple, nous dégustions des huîtres du Cotentin arrosées de cidres du même métal, sous l’égide du cher Dominique Hutin. « Je vais ouvrir un bouclard à Paris, m’avait dit Arnaud, et ça va s’appeler GAG. GAG comme Gras, Alcool et Gluten. » Les trois groupes nutritionnels de base. Le plus beau, c’était qu’Arnaud en était parfaitement capable.
Et ce lundi, je vous le donne en mille, coup de fil d’Arnaud. GAG vient d’ouvrir et ce n’est pas un gag (on va être nombreux à la faire, celle-ci, mais c’est moi la preum’s).

Carrefour Turbigo-Etienne-Marcel. Rue de Palestro, au pied des cariatides, vous ne pouvez pas louper l’entrée du passage du Bourg-l’Abbé. Ni, à côté, la trognonne, pimpante petite façade rouge. Rapprochez-vous un peu : de part et d’autre de l’enseigne GAG, vous lisez : COMPTOIR NATURISTE.

Quoi, c’est ça le restaurant où l’on mange à poil ? Non, GAG ne mange pas de ce pain-là. Plutôt du pain qui est dans la vitrine : le pain au levain de Roland Feuillas. Arnaud a contribué à la création d’un fournil pour les blés anciens du boulanger-agriculteur de Cucugnan. Ça, c’est pour le gluten, le troisième G.

L’endroit est superbe ; la position d’angle passage-rue donne une belle lumière. La déco confère une ambiance intime, légèrement mélancolique, réconfortante. On a envie de s’asseoir et de rester.

« Ah, c’est une ancienne pharmacie ! » Non, pas plus qu’un restaurant où l’on mange tout nu. Arnaud et son associé (directeur du Pain Quotidien) ont récupéré les boiseries d’une pharmacie ; cela fait de parfaites étagères pour un lieu qui prend si bien soin de notre équilibre nutritionnel.

GAG est à la fois une petite cave à manger et une épicerie fine. G pour gras : charcuteries de Christian Aguerre (ventrèche légèrement poêlée, boudin, chichons) servies en pintxos avec un verre de terres-de-roa, saint-pourçain blanc bio. Déguster à Paris les produits de Christian donne l’impression de retrouver un vieux copain, car leur saveur est inimitable.

Toujours à la lettre G, les sardines méditerranéennes, les œufs de poules sereines, les huiles d’olive artisanales.

Et outre la ventrèche de la ferme Haranea, labellisée Idoki, salaisons de cochon corse de Sébastien Mariani Poggioli (U Porcu Neru), producteur sorti de l’AOP parce que celle-ci admettait des porcs croisés et non uniquement de race corse pure. Fromages de Neuchâtel-en-Bray qui swinguent tout seuls, tommes au lait cru, magret séché. Fromage Remeker de la vallée de Gueldre ou comment faire la pige au vieux parmesan avec l’accent belge (vaches jersiaises, trèfle, herbe, cristaux de tyrosine et zéro antibiotique).

A comme alcool : belle sélection de pifs naturels aussi faciles à boire que gentils pour le porte-monnaie. Ce mas-de-la-fontronde « pompon rouge » est frais, fruité, charmeur, rond, caressant, velouté. Le prix sur la bouteille : no comment.

Comme il n’y a pas d’Arnaud sans parole, que chaque rencontre avec lui est l’occasion de longues conversations, GAG est à peine ouvert qu’il est déjà devenu un salon où l’on échange. Si vous y allez, la table au fond à gauche sera peut-être occupée par des compagnons d’Arnaud, engagés comme lui dans l’agroforesterie et l’agriculture de bon sens. On a beau être à Paris, la réinvention du monde en mode basco-gascon ne se laisse pas oublier facilement. Et c’est très bien. Longue vie à GAG.

GAG Comptoir naturiste – 3, rue de Palestro, 75002 Paris. Tél. : 01 42 86 01 26. Ouvert du lundi au vendredi de 11 heures à 23 heures non-stop.

À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

 

 

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