L’association JRE – Jeunes Restaurateurs a vu les choses en grand pour son Congrès International, tenu à Paris, sa ville natale, célébrant les 5 décennies passées depuis sa création. De l’accueil à l’hôtel Intercontinental jusqu’à l’after-party sur la péniche Diamant Bleue, le 7 et 8 avril étaient remplis de moments uniques pour les chefs. Un évènement célébrant tous les aspects de la gastronomie, mais faute de vous avoir concocté un délicieux mets, Food & Sens vous a préparé un bel article.
C’est une salle presque pleine que vous pouvez observer juste au-dessus, qui se remplit depuis des dizaines d’années. JRE ne date pas d’hier, mais de 1974 exactement. Fondé à l’époque à Paris par la marque de liqueur française Grand Marnier, ce groupe de chefs passionnés a attiré de nouveaux membres à chaque réunion. Au gala d’entrée de ce congrès International, on comptait plus de 400 jeunes cuisiniers et sommeliers . Parmi eux, de 180 membres sont des chefs étoilés du Guide Michelin, et le groupe entier représente 16 pays européens. Une réelle communauté, qui partage autant de différences que de ressemblances.
Elle est peut être séparée par différentes frontières et langages, mais cette assemblée se rejoint sur des critères précis. Tous les membres JRE sont âgés de 23 à 42 ans. Un parfait milieu entre l’expérience et l’inconnu, entre la connaissance des traditions et la capacité d’innovation. Ils n’expérimentent toutefois pas dans n’importe quelle cuisine; seuls les propriétaires de restaurants gastronomiques sont conviés à entrer dans ce groupe. Cependant, ce n’est pas un pass VIP ou même un ticket d’or qui leur permettent de joindre les JRE, mais le parrainage de 2 chefs déjà membres. Des sélections qui favorisent les points communs, l’entente et donc la cohésion dans ce cercle d’hommes et femmes motivés par leur passion.
Cet engouement pour leur art, ils ont pu le démontrer à chaque moment fort de ce congrès. Les discussions du cocktail de bienvenue avaient asséché quelques bouches, il fallait donc passer à table. 5 chefs JRE ont donc échangé leurs costumes contre le plus pratique tablier, et sont passés en cuisine pour préparer le dîner des autres convives. Au milieu des 10 mains qui s’activaient, on pu retrouver celles d’Enrico Bartolini, le chef italien du restaurant Mudec, ou celles d’Eveline Wild, propriétaire du Der Wilde Eder en Autriche et championne du monde de pâtisserie. Un repas aux saveurs de toute l’Europe, un voyage culinaire de grande qualité dont on pu profiter les invités.
Entre cet envol gustatif et le jet-lag de certains, une pause était de mise, pour mieux reprendre le lendemain avec le Chef 2 Chef Summit dans la grande salle du Carreau du Temple. Le thème de la journée: l’échange. Tous les chefs présents l’ont bien compris, et dans leurs espaces attitrés, chacun montrait son savoir-faire et ses ingrédients phares. Une journée agrémentée de conférences, de masterclass et de dégustations, durant laquelle tous les membres ont pu goûter aux connaissances des autres. Même si le fumet du savoir fut un parfum agréable, les spécialités des chefs avaient des arômes tout aussi mémorables. Entre les glaces Carpigiani et le vin Tignanello de Marchesi Antinori, la gourmandise des convives fut autant sollicitée que leur esprit.
Néanmoins, c’est bien la réflexion des chefs JRE qui étaient la plus mise à l’honneur. Le congrès vise à imaginer l’avenir du milieu, et il a récompensé ceux qui l’ont inspiré. Plusieurs prix étaient décernés lors de la première soirée, tous accordés à des chefs visionnaires, ou avec un grand respect pour la tradition, et parfois les deux. Ryan Blackburn notamment, chef britannique à la tête du restaurant « The Old Stamp House » en Angleterre, est un exemple de la dernière catégorie. Lauréat du prix de l‘Innovation, il pratique une cuisine peu commune dans son pays. Conscient des traditions nationales comme de la cuisine mondiale, il propose des plats avec des produits pour la plupart locaux, mais fortement influencés par des saveurs caribéennes et indiennes, qui ont historiquement impacté le territoire où il évolue.
Les concepts novateurs ne doivent cependant pas s’opposer à des méthodes durables et respectueuses de l’environnement, c’est pourquoi le congrès a également remis le prix de la Durabilité. Il a été remporté par Stefano Pinciaroli, chef italien pour qui la provenance des produits et leur traitement passent au dessus de tout. Très attaché aux enjeux environnementaux, il n’hésite pas à se mettre en difficulté quitte à perdre en efficacité pour aller chercher les meilleurs produits, Le trophée qu’il tient sur la photo ci-dessous est simplement la preuve de son dévouement pour la qualité de sa cuisine.
La pensée originale de ces chefs est le carburant qui fait avancer les pratiques de la gastronomie, mais ils ont également pu présenter des innovations concrètes que leur motivation leur a permis de créer. Certaines d’entre elles dépassaient l’humain, comme le premier chef IA présenté par l’entreprise Colossyan. En accueillant ce nouveau collègue numérique, c’est la technologie et la modernité que les chefs JRE font entrer dans leurs rangs.
Néanmoins, il ne faut pas penser que c’est uniquement le progrès technique et la robotisation qui se préparent en cuisine. La base de l’art reste l’humain et la simplicité. C’est le message que veut faire passer le président international. Il déclare d’ailleurs à son équipe presse que « les aliments produits de manière durable » deviennent de plus en plus importants, et sont le grand changement qui doit s’opérer dans les cuisines et les entreprises. C’est donc en permettant aux producteurs locaux de commercer davantage, et en favorisant les bonnes relations dans la communauté, que la restauration va réellement évoluer.
L’entraide, c’est cela que prône avant tout cette communauté des Jeunes Restaurateurs. Les chefs pourront toujours compter sur le groupe JRE, ce « vieil ami » de Gwendal Poullenec, le Directeur International du Guide Michelin, pour leur donner de bons conseils. Ils ont juste intérêt à ne pas manquer son prochain anniversaire.
Site Internet des JRE
Par Matiyas Perrin