A qui le tour ? La question hante le monde de la gastronomie après que le Michelin, dont le nouveau Guide est dévoilé lundi, a retiré leurs trois étoiles à des grandes tables, comme celles de Marc Veyrat et de Paul Bocuse.
Alors que beaucoup attendaient une nouvelle salve de rétrogradations, de trois à deux étoiles, le patron du guide Gwendal Poullennec a indiqué clairement lors d’un entretien à l’AFP: « Il n’y a pas d’autres établissements trois étoiles en 2019 » remis en cause « dans le millésime 2020« , a-t-il annoncé quelques jours après la rétrogradation du fameux restaurant de Paul Bocuse, « pape » de la gastronomie française.
Le guide rouge, qui fait et défait les réputations dans le monde de la gastronomie, a provoqué un séisme avec cette décision, certains y voyant une entreprise de « coupage de têtes », d’autres une incitation à toujours se renouveler. « Le guide vient de se suicider », a réagi le critique Périco Légasse (Marianne), dénonçant « un coup de communication ».
C’est « un peu comme un deuxième enterrement pour Monsieur Paul », a abondé le critique François-Régis Gaudry (France Inter). « En même temps, ce n’est qu’une demi-surprise », a-t-il estimé, alors que certains guides classaient, bien avant le décès du chef à 91 ans en 2018, l’Auberge du Pont de Collonges dans la catégorie « institution », à défaut de la noter.
Arrivé à ce poste en septembre 2018 après quinze ans de maison, Gwendal Poullennec ne cesse de rappeler qu’on n’hérite pas des étoiles mais qu’elles « se gagnent tous les ans », au mérite.
« On comprend évidemment l’émotion que peut susciter la perte d’une étoile mais il n’y a pas de traitement d’exception. Tous les établissements sont évalués chaque année de façon anonyme par nos inspecteurs« , insiste-t-il auprès de l’AFP. « Que vous soyez un chef iconique ou un jeune chef qui prend le risque d’ouvrir un restaurant en s’endettant« .
Les critères sur lesquels s’appuient les inspecteurs ? « Le choix des produits, la maîtrise des cuissons, l’harmonie des saveurs, la personnalité du chef qui rend la table unique et enfin, la constance » tout au long de l’année, énumère-t-il.
En presque un an, le guide s’est illustré par la rétrogradation de plusieurs grandes tables réputées: la mythique Auberge de l’Ill, en Alsace, qui était détentrice depuis 51 ans de trois étoiles, L’Astrance de Pascal Barbot à Paris, après 11 ans au sommet et enfin, La Maison des bois de Marc Veyrat en Haute-Savoie.
« Le temps de l’inertie est terminé, dans un sens comme dans l’autre », commentait récemment le site spécialisé Atabula, voyant dans ces décisions « une révolution de palais »… qui passe parfois très mal auprès des chefs, comme l’illustre le cas Veyrat.
– Quand la justice s’en mêle –
Déclassé en janvier 2019, un an à peine après avoir été sacré, le « chef au chapeau noir » se dit depuis dépressif et a saisi la justice pour obtenir des preuves des inspections du guide et des compétences de ses inspecteurs. Il a perdu son procès fin 2019 mais n’entend pas s’arrêter là. Il demande toujours à être déférencé du guide.
Ces polémiques feraient presque oublier que le Michelin a récompensé en 2019 un nombre inédit de femmes, après des années de polémique, ainsi que de nombreux chefs étrangers dont l’Argentin Mauro Colagreco, triplement étoilé pour son restaurant « Mirazur », à Menton (Alpes-Maritimes), et sa gastronomie à base de légumes du jardin.
Au total, 75 tables ont été promues lors de la précédente édition, deux trois étoiles (« Mirazur » ainsi que « Le clos des sens » de Laurent Petit, près du lac d’Annecy), cinq deux étoiles et 68 primo-étoilés. Un chiffre record.
« 2020 s’annonce comme une très bonne année car nos inspecteurs se sont réellement régalés toute l’année avec beaucoup de projets. Beaucoup d’établissements parviennent aussi à pousser toujours plus loin vers l’excellence », a affirmé M. Poullennec. Comme chaque année, des noms circulent comme celui du Parisien Jean-François Piège (« Le Grand Restaurant ») pour décrocher un troisième macaron. Verdict lundi à partir de 16H00.