Andoni Luis Aduriz lauréat du prix Bob Noto décerné pendant la première édition de Buonissima Torino
La première édition de Buonissima, le festival gastronomique où la grande cuisine internationale a rencontré le meilleur de la cuisine italienne (et plus précisément piémontaise), s’est terminé il y a tout juste une semaine. Ce fut un grand succès et la cinquantaine d’événements gastronomiques organisés dans les lieux les plus évocateurs et significatifs de l’ancienne capitale d’Italie (la Mole Antonelliana, le Musée National du Cinéma, le Musée National de l’Automobile, le Musée Égyptien, le Palais Royal de Venaria etc..) ont raconté à merveille l’histoire, l’art, la créativité, le goût et la beauté de la très élégante ville de Turin.
Parmi les rencontres les plus intéressantes, il y a eu certainement les dîners « Piolissima », qui ont eu lieu dans toutes les trattorias historiques de la ville (appelée aussi « piole ») pour promouvoir le folklore et la cuisine traditionnelle de la région. Mais aussi les dîners à 4 mais dans les restaurants gastronomiques turinois les plus intéressants, les expositions d’art « Grani d’Autore » parrainé par Barilla et « NoTools_Fork » du photographe culinaire Davide Dutto, les « petits déjeuners à l’italienne » proposés par Lavazza, les diners exclusifs avec Massimo Bottura et Ferran Adrià et la très, très attendue première édition du prix Bob Noto, remportée par Andoni Luis Aduriz.
« Cette kermesse a été organisé avant tout pour ça », nous confie Luca Iaccarino, l’un des organisateurs de Buonissima.« Bob a été l’un des personnages les plus importants pour le panorama gastronomique italien et mondial et on voulait lui rendre absolument hommage.«
Gourmet avant tout le monde, influent avant les influenceurs, photographe culinaire avant qu’Instagram ne lance la mode des photos foodie, Bob Noto était un turinois passionné de gastronomie et photographie. Il n’y a pas de cuisinier qui ne connaisse son nom et qui n’ait souhaité qu’un de ses plats soit capturé par sa caméra avant d’être examiné par son palais. Pour Ferran Adrià, il était « le meilleur palais du monde, le Brillat-Savarin d’Italie et l’homme grâce auquel El Bulli est devenu ce qu’il est ». Ce qui est d’ailleurs vrai, vu que Bob Noto et sa femme ont été les seuls au monde à avoir gouté tous les 1800 plats créer par Adrià et parmi les premiers à en parler en dehors de l’Espagne.
Le prix Bob Noto sera donc décerné chaque année au cours de Buonissima à un chef qui incarne l’un des traits de la grande personnalité du célèbre gastronome, identifié chaque année par Antonella Fassio, son épouse. Pour cette première édition, par exemple, le thème choisi a été l’irrévérence, un trait distinctif de Bob Noto qui, dit-on, a osé se présenter torse nu au restaurant des frères Alajmo lorsqu’ils décidèrent de retirer les nappes de la mise en place de leur restaurant. Et Andoni Luis Aduriz, avec ses plats effrontés et provocateurs, fait de l’irrévérence l’un des traits distinctifs de sa cuisine. « C’est pourquoi son nom était évident, » a declaré Ferran Adrià en annonçant son nom, accompagné du reste du jury composé par Matteo Baronetto, Marco Bolasco, Stefano Cavallito, Paolo Griffa, Luca Iaccarino, Sara Peirone et Davide Scabin.
Très ému, le chef patron du restaurant deux étoiles Mugaritz, a reçu le prix (une figurine de Bob Noto très sympatique) en serrant fort dans ses bras ses amis et collègues Massimo Bottura, Ferran et Albert Adrià, ainsi que la femme de Bob Noto, et en prononçant ensuite ce discours :
« Si vous appreniez à être plus soumis et à flatter davantage l’empereur, vous n’auriez pas à manger autant de lentilles. » Ce à quoi Diogène, le philosophe grec, repondit : « si vous appreniez à manger des lentilles, vous n’auriez pas à être soumis et flatter autant l’empereur. »
« Tout dans cette vie a au moins deux versions, deux manières d’être abordé, interprété, cuisiné et même savouré. Si Bob Noto nous a appris quelque chose, c’était à regarder, à lire et à interpréter les plats avec une intelligence rarement vue auparavant à table. Moi, en tant qu’apprenti à El Bulli, je l’ai vu traverser la cuisine avec Antonella – que Bob considérait la véritable experte de gastronomie du couple – des dizaines de fois. Il avait la capacité d’expliquer tout ce qu’il y avait derrière ton plat. Sa collection de photographies a laissé le précieux témoignage d’une époque où l’avant-garde culinaire était revendiquée. Et ces images sont comme une autre version de la réalité de ces jours là ; comme un exercice dans l’exercice. Quelle fierté, à partir d’aujourd’hui, d’avoir Bob dans notre cuisine qui murmure que nous ajoutions une pincée de sel de plus ou raccourcissions la cuisson de quelques secondes !«
Par Lorena Lombardi