Aujourd’hui les clients ne se gênent plus pour faire savoir sur les réseaux sociaux lorsqu’ils sont mal accueillis, où lorsque qu’ils ne sont pas satisfaits de leur voyage en France… Toutes les politiques qui font la promotion de la destination France, n’y pourront rien, c’est aux restaurateurs et hôteliers d’améliorer le service et les prestations.
Le JDD est allé à la rencontre de Jérome Tourbier, hôtelier, jeune entrepreneur et fin connaisseur de l’univers du tourisme … Interview –
« Le touriste mal reçu le fait savoir sur les réseaux sociaux »
Le nombre de touristes étrangers a diminué de 14% sur les trois premiers mois de l’année à Paris. L’entrepreneur Jérôme Tourbier, fondateur (avec sa femme Alice) des établissements hôteliers Les Sources de Caudalie et des Etangs de Corot à Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine) a publié un livre en février dernier, alertant sur le « Tourisme en péril »*. Ses solutions pour rebondir.
Quelle est la situation du tourisme en France, en ce premier semestre ? Est-ce vraiment « périlleux » comme le dit le titre de votre livre, Le tourisme en péril ?
Je commence mon livre avec une anecdote qui date de fin 2014, quand je me suis rendu au Brésil, à Sao Paulo chez un voyagiste, dans le cadre de la promotion du tourisme français. C’était avec Atout France, l’agence de développement touristique de l’Hexagone. La responsable de l’agence brésilienne nous avait reçus dans un véritable bunker, gardé par des hommes en armes. Et j’avais été marqué par ses propos, car elle craignait que les touristes soient attaqués ou dévalisés en France alors que c’était bien plus dangereux à Sao Paulo même… Un an plus tard, ce sentiment d’insécurité potentielle s’est accru, en raison des terribles attentats de 2015. La fréquentation peut remonter, comme à Londres et Madrid, après les terribles attentats qu’ils ont subi. Malheureusement, l’image de notre destination continue à s’éroder en raison des manifestations qui ont un retentissement à l’étranger.
Vous listez d’autres raisons d’un désamour progressif pour la France?
Le désir de venir chez nous s’étiole, parce que le service – un simple sourire, le fait de bien s’occuper des clients – n’est pas non plus à la hauteur. Aujourd’hui, quand un touriste a été mal reçu par un restaurateur, il le fait savoir sur les réseaux sociaux. Le côté bourru des serveurs dans les cafés parisiens, ça ne passe plus aujourd’hui, alors que le tourisme est devenu une industrie stratégique.
« Ces visiteurs veulent du sur-mesure, de l’authentique »
Que pensez-vous des actions lancées par les autorités comme cette campagne de promotion lancée fin mai par la maire de Paris, Anne Hidalgo, et le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault?
Il y a une prise en compte de l’importance du secteur, qui est dû notamment à Laurent Fabius lorsqu’il était au Quai d’Orsay. Il a impulsé un grand plan sur l’accueil, les investissements et le numérique. Le fait d’avoir organisé une fois par semaine des réunions de travail sur le tourisme est une bonne démarche, qui sortait nos métiers de service d’un certain mépris culturel. Pour ce qui est des campagnes de promotion, il faut d’abord à mon sens s’occuper du produit, de ce que l’on propose avant d’en faire la publicité.
Que préconisez-vous?
Je prône une montée en gamme, où l’on soigne les prestations. Cela ne veut pas forcément dire des prix prohibitifs. On peut offrir un plat du jour à 9 euros mais avec de bons produits, et un accueil chaleureux qui en fait un moment privilégié. Il faut viser les « travellers », les voyageurs, plutôt que les touristes. Nous devons faire comme avec le luxe, viser l’excellence et imiter les Japonais ou les Américains qui savent accueillir leurs « guests ». Pourquoi Airbnb cartonne à Paris ? Parce qu’il y a un manque de chambres familiales dans l’hôtellerie française, mais aussi parce que les touristes ont l’impression de vivre comme un Parisien. Les voyageurs qui ont des revenus, et qui dépenseraient en France, recherchent des expériences variées – et la France est particulièrement gâtée en la matière ; elle possède une diversité incroyable de paysages ! Ces visiteurs veulent du sur-mesure, de l’authentique. Il faut le leur offrir, en investissant, et aussi en formant les gens. Et par ruissellement, cela bénéficiera à toute l’économie.
* Tourisme en péril, redonner à la France la capacité de séduire, « 170 pages, 15 euros
Éditions Jean-Claude Lattès.