PIERRE ORSI, CUISINIER – « Depuis toujours la cuisine est au coeur de ma vie: ma famille, mes amis et mon métier sont les socles de mon existence ».
AUTEURS – Christophe Magnette, directeur éditorial et auteur, avec la complicité de Ghislain Laîné, directeur artistique. Christophe Magnette, d’octobre 2016 à début octobre 2017, à raison de deux heures de rencontres hebdomadaires, a écrit h’histoire. Il a été par le chef, houspillé et impressionné par le chef et l’homme pudique et curieux, déterminé et formidable bosseur ; l’enfant jadis pauvre qui s’est autorisé à vivre comme un riche. Sa recette ? Du bon sens mais surtout encore et toujours du travail.
LE LIVRE – Grand format, relié, 276 pages et 1880 grammes, 400 photos pour un livre de cuisine sans recette, pour 80 années d’une vie au-delà de l’ordinaire. Le rythme de l’ouvrage s’écoule en chapitres calqués sur ceux de la vie du chef : enfance, Bocuse, Paris, service militaire dans la marine, Maxim’s, Angleterre, Los Angeles, Indianapolis, concours du Meilleur Ouvrier de France, famille et amitiés fidèles, ouverture de son propre restaurant place Kleber (à Lyon). Pierre Orsi raconte son itinéraire et réveille une époque disparue, les balbutiements de la grande cuisine, la nouvelle cuisine. Des héros se croisent et se rencontrent, un livre comme un album-souvenir, comme un cabinet de curiosités avec des photos d’époque où les hommes étaient des durs, aimaient la fête et le travail, les comédiennes étaient des divas, les marins des armateurs, l’art explosait osait toutes les audaces, sortait du cadre pour dépasser la réalité. Les chefs commençaient à s’échapper des cuisines, posaient devant les photographes, bavardaient avec les clients, les cigares de La Havanedessinaient de sculpturales volutes dans les salles de restaurant et les grandes bouteilles défilaient nombreuses et merveilleuses lors de grands festins, de grands diners. La modération et les contrôles n’existaient pas, la vie et ses plaisirs l’emportaient.
LE SUJET – Itinéraire d’un cuisinier sincère – Une vie de passion sur les traces du père, de deux pères un père de sang et un père spirituel le grand monsieur Paul Bocuse.
Histoire d’enfance, parcours entre petites histoires truculentes et grande histoire de la gastronomie étoilée, histoires d’amitié, coups de pouce du destin, accidents de la vie, hasards des rencontres, anecdotes du quotidien non ordinaire, Pierre Orsi se raconte et se livre avec sincérité. Aujourd’hui Pierre Orsi sait qu’il est et restera cuisinier, tout simplement. Pierre Orsi respire, rêve, parle cuisine depuis toujours.
Le livre s’ouvre sur quelques mots écrits à la main et une photo de Paul Bocuse en 1965 et les pages qui suivent voient défiler une armée de parents, amis, chefs, artistes, grands de ce monde, Paul Bocuse, Alain Delon, Aristote Onassis, Jean Blanchet, témoignages, des milliers de souvenirs d’une vie au service de la cuisine.
De la première page à la dernière, plane la figure l’ombre du père une figure sombre et autoritaire comme pouvaient l’être les hommes nés dans la montagne corse avant la première guerre. Une vie austère dictée par le respect et l’estime, la fierté et le devoir, le bon sens et les valeurs essentielles de la vie. Le quotidien est rude difficile, pas de place pour le jeu. Le clan Orsi réalise vite qu’il faut quitter le village perché, voguer loin de cette île de beauté et de rudesse. Voilà la famille à Lyon. De petit métier en métier de service au service de bourgeois, le père qui ne parle pas un traitre mot de francais mais uniquement le corse, se retrouve garçon de café à … la brasserie Kléber à Lyon. A côté se trouve une charcuterie-pâtisserie, tous les matins le garçon de café croise le doux regard d’une jeune fille employée comme bonne à tout faire. les deux jeunes gens qui ont connu une enfance difficile et besogneuse tombent amoureux. Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants qui suivent les cours de la vie dans la rue. les parents travaillent beaucoup pour prendre l’ascenseur social, ils n’ont pas le temps de s’occuper de leurs trois enfants et les mettent en nourrice. Le père ancien groom, grâce à son travail et son talent inné pour les affaires devient un restaurateur hôtelier connu. Enfance rude, pas de vie de famille, pas de place pour la joie et l’affection, du travail encore du travail, toujours du tracvail pour grands et petit, parents et enfants. la mère quitte le père, ouvre son restaurant, partage encore aujourd’hui ses souvenirs avec son fils. Il y a l’école, Pierre n’y brille pas, de pension en cours privé, il apprend la vie de groupe, l’amitié. entre temps son père a acquis un hôtel à Poleymieux-au-Mont-d’Or qui très vite va devenir le rendez-vous des notables et des entreprises qui y organisent leur séminaires. la devise de la maison « tout pour le client ». en salle, en cuisine, les enfants donnent un coup de main, tous feront carrière dans la restauration. le clan ordi prospère, est estimé par famille, employés et personnalités.
1955, Pierre Orsi est apprenti. Septembre 1956, il entre en apprentissage à l’Auberge du Pont-de-Collonges, chez Monsieur Georges, père de Monsieur Paul, Paul Bocuse. la vie de pierre Orsi va changer , il partageavec les apprentis « historiques » de la brigade Bocuse, Jacky Marguin et Roger Jaloux, auguste lieutaud, les valeurs de la maison qui n’est pas encore connue, économie, responsabilité, et subit les caractère terrible du bouillonnant et rigoureux. Mais il est jeune, plein d’espoir et de rêve croque la vie à pleine dents, fait des bêtises, apprend la vie aux côtés de Monsieur Paul avec une rigueur toute militaire, lui faisait récurer les cuisines jusqu’à 3h du matin ! Il comprend pourquoi le language d’une brigade est celui de l’armée, avec des généraux, des maréchaux, des lieutenants et des soldats. Il apprend l’excellence, le geste, la perfection et le sens du spectacle. « Paul Bocuse a tellement de charisme. On le craignait et on en avait une peur bleue avec Roger Jaloux et Jacky Marguin. Mais il avait une telle aisance, une telle dextérité, un jugement et un sixième sens… Quand il arrivait du marché, il savait si on avait fait des bêtises ou pas, si on était en place ou si on avait brûlé quelque chose. À l’époque c’était encore une maison familiale. Il y avait le papi, la mamie et Raymonde (l’épouse de Paul Bocuse, ndlr.) qui travaillaient en salle… », « C’est grâce au bonhomme Paul Bocuse que j’ai aimé la cuisine », confie Pierre Orsi. 1957, deuxième année d’apprentissage ou la naissance d’une vocation. il passe son CAP en 58 et est finaliste du concours du meilleur apprenti cuisinier de France. Il a 19 ans, il monte à Paris, il vit la pression et l’indifférence, les commis ne sont pas considérés mais il a au fond des tripes la détermination à réussir.
Il a 20 ans, va partir sous les drapeaux. Algérie, Toulon, il est gars de la marine, fusilier-marin. et … quartier-maître de 2ème classe cuisinier. Démobilisation en 1962, à lui la vie, Paris et l’univers du luxe. Pierre Orsi arrive chez Maxim’s, recommandé par Paul Bocuse qui ne l’a jamais perdu de vue. il rencontre le Tout Paris de la scène et du spectacle, des stars et des milliardaires, des armateurs et des aristocrates, des mondaines et des courtisanes pour lesquelles sont créés de célèbres plats. 1963, après la vie parisienne, il vit l’expérience de l’auberge du Père Bise à Talloires, trois étoiles, cadre exceptionnelle pour cuisine exceptionnelle écrevisses, poulardes, soufflés… Coup de poignard du destin, le père Orsi est victime d’un accident, Pierre doit se rendre à Poleymieux-au-Mont-d’Or. il quitte Talloires en pleurs. Adieu rêves, bonjour triste réalité et instinct de survie. Galère, extras et peu d’argent. Pierre Orsi se noie dans la lecture de la Revue Culinaire, écrit à un des rédacteurs, Louis Capilla qui dirige le café Royals à Londres. Pierre Orsi gagne l’Angleterre où il va apprendre l’anglais et l’oisiveté mais absolument pas la cuisine. Il découvre l’art et la culture, les livres et commence une collection de vieux livres de cuisine. Mais il s’ennuie jusqu’au coup de téléphone du patron du Maxim’s qui cherche un chef pour le Maxim’s de Chicago. A lui le nouveau monde, Chicago et le rêve américain. Il a 28 ans et son rêve devient réalité, il est chef de cuisine aux Etats-Unis! Son mantra, travail, travail, travail, bonne cuisine et rentabilité. Il marche avec la culture américaine, les grosses voitures et l’architecture folle. il adore la démesure. Au-delà des océans, il entretient une correspondance avec Paul Bocuse , mais au bout de deux ans son père lui demande de le rejoindre, Pierre Orsi démissionne de son poste à Chicago mais les échanges houleux avec son père empêcheront le fils de suivre le chemin du père. 1969, Pierre retourne aux states, à Los Angeles, devient sous-chef au Century Plaza Hotel, enchaîne banquets et diners-spectacles de centaines de couverts, sert même le Président Nixon. Il gagne mal sa vie et quitte la cité des anges pour la Californie.
Indianapolis. Boulot à une cadence infernale. Il revient à Chicago pour devenir le plus haut chef au monde il cuisine dans un gratte-ciel. Démesure quand tu nous tiens! yes, you can! 95 ème étage, restaurant Ninety Fifth, 500 couverts, Pierre Orsi est exécutif chief, chef de cuisine, formateur et coupeur de têtes! Mais il est viscéralement cuisinier, le management ne l’intéresse pas.1972, il présente le concours de MOF et le rate, Paul Bocuse, membre du jury le fusille du regard! i Il retourne au E-U. et commence l’entrainement pour se représenter au MOF. 17 juin 1974, finale. Dans les rangs deux concurrents de poids, Alain Chapel et Roger Vergé. Il gagne comme son « maître », Monsieur Paul, il peut porter le col tricolore.
Il retourne à Chicago, 1974, Il est MOF, chef de l’année aux Etats-Unis, il rentre en France à Lyon. Son projet: ouvrir son restaurant. Il rencontre Geneviève son âme soeur , visite le Chateaubriand place Kléber. ..
1975 – Restaurant Pierre Orsi. Grâce au soutien de la famille, de Geneviève, de Paul Bocuse, succès et récompenses tombent. 1977, une étoile. 1980, deux étoiles. Depuis l’aventure continue, 40 années de toques et de toqués, de MOF et de Bocuse d’or, de grandes amitiés et belles rencontres, de passions et de fidélité, de transmission de savoir-faire, de partage d’émotion, de fournisseurs, de journalistes, d’inspecteurs de guides, d’ambitions démesurées, d’ouvertures de restaurants, de grands travaux, de passion pour l’art, la peinture, l’architecture, les livres, les vieux grimoires, les objets de table, et … la cuisine. Le quotidien d’un chef, d’un grand monsieur humble et discret qui a su donner ce qu’il n’avait pas reçu dans son enfance, l’amour. Il l’a partagé, le partage avec son épouse la délicieuse Geneviève, ses enfants, ses frères et soeurs, sa maman, son papa, ses amis, son maitre, ses amis chefs et toutes ces personnes connues ou inconnues rencontrées, croisées ici ou ailleurs. Une vie mouvementée de savoir-faire et savoir-être, d’excellence, de passion couchée dans un livre-mémoire.
Pierre Orsi collectionne les titres et les distinctions, les lauriers et les médailles, MOF, toque blanche lyonnaise, membre du collège culinaire de france, maitre-restaurateur … Dans l’ombre de Monsieur Paul il a fait rayonner (et continue) la cuisine lyonnaise, la gastronomie françaiseDès son plus jeune âge. De père papa en père spirituel, de Louis Orsi à Paul Bocuse il a appris la cuisine, sa rigueur et son monde fascinant, le partage et la transmission. Il a mis sa vie au service de la cuisine, plus de 60 ans qu’il vit entre piano et passe, plus 60 ans d’apprentissage, des milliers d’heures longues et difficiles pour décrocher le ruban beu blanc rouge et les étoiles, devenir un cuisinier talentueux respecté et couru, être l’incontournable du paysage gastronomique . Des dizaines d’années d’efforts, de peines, de douleurs, de joies et de fierté, consacrées à la cuisine.
Livre émotion. Pour clôre cette histoire, on ne pouvait que partager avec vous un moment d’émotion. Paul Bocuse n’est plus, mais il a pu voir le livre en avan-première. Un jour de novembre 2017, le triumvirat de chefs qui ont été appentis à Collonges – Pierre Orsi, Jacky Marguin et Roger Jaloux – est venu respectueusement, affectueusement présenter le livre à Monsieur Paul. A voir ici https://www.leprogres.fr/rhone-69/2018/01/15/quand-pierre-orsi-presentait-son-livre-a-paul-bocuse-wlia
L’AVIS DE LA POULE SUR UN MUR
« Un livre vérité, tout simplement », selon Pierre Orsi, qui, pour la première fois, se dévoile et raconte sa vie de cuisinier, avec ses propres mots, sans fioritures. « Un métier difficile, qui m’a fait vivre des épreuves terribles et magnifiques ! » Livre-humain, livre-témoigagne, livre-mémoire d’un chef, d’un homme pudique et passionné, respecté de tous, collectionneur d’histoires de vies. A lire et relire comme un livre d’histoire. Merci Monsieur Orsi.
Pierre Orsi cuisinier , 280 pages. 400 photos. 45 €. AVVAE.