Dominique Homs-Vailhé
Sur la plage de la Concurrence en plein coeur de La Rochelle, il est un petit garçon devenu grand, qui doit à son « papy » l’amour de l’océan, de la pêche, du respect de la nature et de son attachement aux saisons. Si aujourd’hui, Christopher Coutanceau est devenu le chef deux fois étoilé que l’on connait, si sa table est sans conteste une des meilleures tables de l’hexagone, c’est bel et bien le fruit de la transmission qui depuis 3 générations de Coutanceau nourrit l’excellence de cette table Charentaise !
L’histoire commence avec des parents restaurateurs Richard et Maryse Coutanceau qui hissent très vite leur table dans la constellation des deux fois étoilés… heureusement le grand père veille et Christopher vit avec lui au rythme des vagues de l’Océan. La pêche en mer n’a plus de secret pour cette petite tête blonde qui, à 4 ou 5 ans, sait déjà qu’il faut rejeter les poissons trop petits ou alors ceux que l’on ne pourra pas manger parce qu’il y en a déjà à la maison… Ce respect du produit, il l’a déjà en tête, il comprend très vite que les poissons, c’est comme les humains, les appâts comme les produits doivent être de saison si l’on veux qu’ils s’en approchent! A la criée, c’est aussi le grand père qui va tous les matins choisir la pêche pour le restaurant, et Christopher avec lui. Un apprentissage qui pourrait le conduire directement aux pianos… mais non, l’ado qui s’annonce, rêve de devenir champion de foot et il part à Nantes, où au football club qui l’accueille il se voit déjà en Zinedine Zidane. Un espoir de courte durée puisque réaliste sur ses capacités, il s’inscrit finalement, en cachette de ses parents, au Lycée hôtelier. Il rejoint par la suite son père en cuisine, et en 2007, avec son chef sommelier Nicolas Brossard rachète le restaurant.
L’Esprit des lieux
Reste l’esprit « Maison de famille« , dans une salle placée sous le signe de l’Océan, du sable qui ondule, du bleu de l’infini …une ambiance qui plonge directement dans l’univers de ce chef qui semble avoir de l’eau de mer dans les veines! Le service est irréprochable et l’élégance de l’accueil de Nicolas Brossard est sans égale. Ce dernier vient d’être nominé pour le titre de Directeur de Salle de l’année 2025 aux Trophées de l’année Gault&Millau France
Explications, suggestions, un échange qui déjà donne le ton. Les cocktails annoncent la couleur “locale”, et celui composé d’eau de vie d’algues, distillée sur l’Ile de Ré, de sirop de sureau et de champagne Deutz conjugue l’amertume de l’algue, la douceur du sureau et la vivacité du champagne. Une jolie combinaison qui sur les mises en bouches gagne toute ses lettres de noblesse.
Dans cette “sortie en mer” orchestrée sans fausse note, c’est un menu que Christopher a concu comme un bijou en orfèvrerie. Il y a le poisson mais aussi les crustacés, les coquillages, les mollusques… une composition qui donne tout son sens à cette découverte gourmande. Christopher revendique haut et fort l’importance des saisonnalités dans la cuisine “… certains poissons arrêtent de se nourrir en période de reproduction, ce qui veux dire que la chair est sèche et manque de gras, de la même manière que je ne servirais jamais de fruits rouges à Noël… “. Lorsqu’il va à la criée c’est en famille qu’il se retrouve, ici le métier de mareyeurs se transmet de génération en génération , la nouvelle est la sienne, les grands parents, il les voyait déjà avec son grand-père. Cette passion de l’océan, il la partage avec ses équipes, en cuisine, avec sa clientèle, avec son associé Nicolas Brossard. Ils font vibrer à tous les deux un terroir qui offre des richesses sans limite quand on sait où aller les chercher.
La Table
Dans l’assiette, le produit reste simple tout en étant sublimé. “La sardine se mange de la tête à la queue, comme chez ma grand mère où l’on posait une sardine crue sur une tranche de bon pain beurré avec un filet de citron , c’était délicieux… la seiche tout simplement avec un rougail et quelques fenouils, les bouchots en mouclade associées à du curry de madras et au safran de l’Ile de Ré, la langoustine vivante , tagliatelles de mer et pesto de salicorne… Par rapport à mon père qui avait lui aussi ses deux étoiles au Guide Michelin, la cuisine a changé, nos palais ne sont plus habitués aux même sensations, la crème et le beurre sont utilisés avec plus de réserve.Le Chef pâtissier Benoît Godillon quand à lui, a beaucoup diminué le sucre en pâtisserie. Cela permet d’alléger et souvent de mettre davantage en avant les saveurs naturelles du produit, et c’est ce que je m’efforce à faire, rester simple …”
Une réussite qui ne se gagne qu’à force de travail et de temps. Christopher déplore aujourd’hui, le manque de connaissance et l’empressement des jeunes générations. » Ils veulent être chef à 20 ans, sans rien avoir connu d’autre, moi j’étais chef à presque 30 ans après avoir travaillé avec mes parents en cuisine et ensuite chez les plus grands, on ne crée pas un restaurant avec 10 couverts, un restaurant c’est la convivialité, le partage …”
Une belle expérience nourrit de passion qui a vallu à Christopher d’être choisit pour créer les nouveaux espaces de restauration et les nouvelles cartes du Christopher Saint Barth qui ouvrira à la fin de ce mois d’octobre. Pour aboutir son projet dans l’esprit qui est le sien, il a travaillé avec une association de pêcheurs de l’île pour mettre en avant en cuisine, les poissons de récifs en grand nombre mais peu utilisés. Une démarche visant à faire découvrir les richesses gourmandes et méconnues de Saint Barthélémy.