Ajourd’hui les chefs craignent-ils plus TripAdvisor que le guide Michelin ?

 Article intéressant à découvrir sur L’Express Style, un chef du sud qui avait rendu son étoile Michelin, une expérience qui en dit long sur les rapports des chefs restaurateurs avec le guide Michelin, qui peut être dans certains cas un avantage et une voie de lancement, mais aussi une contrainte engageant dans plus d’investissements et mettant l’entreprise en danger.

 

Le chef Pascal Borrel dirige Le Fanal, 1 étoile, à Banyuls. Il revient avec nous sur les relations des chefs avec le guide Michelin, sa décision de « rendre » son étoile il y a quelques années et des difficultés qu’il rencontre, loin de la ruche parisienne.

« À un moment, il faut prendre une décision. » Le choix de « rendre » une étoile au guide Michelin est plus souvent une façon d’anticiper pour les chefs. En effet, leur établissement courant vers la faillite ou le concept ayant changé, ils préfèrent y renoncer d’eux-mêmes plutôt que de se voir rétrogradés par le Guide rouge. Ce qui fait de l’annonce de Sébastien Bras une exception.  

Pascal Borrell, de son côté, est un chef au parcours a priori sans embûche: apprentissage dès 1986 à Lyon auprès d’un chef Compagnon, tour de France à Narbonne, puis à Paris (à l’Arpège d’Alain Passard et au pavillon Ledoyen de François Lemercier), à Tours… En 2001, il décroche sa première étoile à Perpignan, au Chapon fin, où il était passé plus jeune comme apprenti. Il l’aura également dans ses établissements suivants, à Maury et enfin au Fanal, à Banyuls. Or il y a eu un écueil dans ce curriculum vitae. Le Catalan a vécu ce que nombre de chefs ont dû affronter: appeler le guide Michelin pour rendre son étoile. Nous l’avons rencontré alors qu’il concourt pour le prix du livre de chef Collet. 

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Comment dialoguez-vous avec le guide Michelin? 

En allant les voir tous les ans dans leur bureau parisien, sur rendez-vous. On y discute de tout. On sait en général quand ils sont venus nous voir, car ils se présentent après le repas ou le lendemain par téléphone [le Michelin a plusieurs inspecteurs par région. Ils changent de zone régulièrement, afin de ne pas être reconnus par les restaurateurs]. Et il y a une « visite de courtoisie » annuelle où, après s’être présentés, ils se posent avec nous pour discuter, remplir le questionnaire général sur l’établissement, nous demander quels sont nos projets. Cela permet de faire le point.  

Qu’est-ce que ce rendez-vous annuel vous apporte? 

Cela permet d’avoir un retour, même s’ils ne rentrent pas dans le détail. Ils ne vont jamais me dire si un plat était trop salé ou déséquilibré, on ne sait pas ce qu’ils ont apprécié. À vrai dire, j’aimerais savoir surtout ce qu’ils n’ont pas apprécié, pour qu’on puisse corriger et avancer vers une deuxième étoile. Car tout chef qui a une étoile en veut une deuxième, et ainsi de suite.  

Nombre de chefs évoquent la pression du Michelin et des étoiles. Qu’en est-il pour vous? 

Le Michelin, ce n’est pas une pression, c’est une rigueur de tous les jours. Il peut y avoir un inspecteur à chaque repas. Et de nos jours, chaque client est un potentiel critique: TripAdvisor, les avis Facebook, Google… La critique s’est démocratisée.  

Qui craignez-vous le plus, du Michelin ou des avis sur internet? 

On craint plus TripAdvisor que le Michelin, car les avis n’y sont pas forcément vrais, ils peuvent être rédigés par des concurrents, des ex-employés, etc. Ou les critiques peuvent être écrites à chaud. Or, la personne n’a peut-être juste pas compris ce qu’on a voulu transmettre dans l’assiette. De notre côté également, quand on lit un mauvais commentaire, on se doit de ne pas répondre sur le coup. Cela m’est arrivé une fois: j’ai compris mon erreur. Il faut réfléchir, et se demander si le client avait raison.  

Les émissions de télé ont-elles changé l’attitude des clients? 

Les émissions de télé ont fait du bien, puis du mal. À force de les regarder, les gens se prennent pour des critiques ou des grands palais et ils s’attendent à ce qu’on soit en permanence très créatifs. Or, la créativité, on ne l’a pas forcément sur tous les plats, sur tous les produits.  

Cela dit, beaucoup de chefs regardent eux-mêmes ces émissions, car il y a énormément de choses sympas à voir, notamment des tendances. C’est pour ça que je fais des concours [Bocuse d’orMOF]: la remise en question, la recherche d’un nouveau produit ou d’une recette, d’un retour sur mes plats… 

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Photo : H Argence/les escales catalanes 12
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