Pierre Perret – « Je n’ai jamais vu des gens aussi consciencieux que des chefs étoilés. »

Ce week-end l’artiste Pierre Perret, épicurien et gourmet s’est livré sur le quotidien Midi Libre, son rapport à la nourriture remonte à son enfance.

Pierre Perret amoureux des bons produits

Le chanteur, qui vient de sortir un nouveau titre “Paris saccagé” avant un nouvel album le 15 avril, a aussi écrit plusieurs ouvrages de cuisine. Il livre son goût pour la “bectance” et le cassoulet.

Comment vous est venu le goût de la cuisine et du bien manger ?Je me souviens qu’avant d’arriver à la maison quand j’étais enfant, il y avait une allée et déjà je sentais le fumet de ce qu’elle était en train de cuisiner. Elle faisait des plats familiaux, des civets, des daubes, des pot-au-feu, des choses roboratives qui se faisaient beaucoup à l’époque. J’arrivais et le premier geste que faisait maman, elle coupait un bout de pain, elle le trempait dans la sauce et elle me le tendait. Et elle attendait ma réaction. Je lui disais maman, la sauce est trop douce. Ça manque de sel. Ou je lui disais c’est trop clair la sauce. Elle me disait « tu as raison, je vais la réduire ». Il n’y avait pas une seule fois où elle ne me demandait pas mon avis. J’ai été formé au goût comme ça, avec le goût du croûton trempé.

Vous en avez gardé un plat préféré ?Oui ! C’est un plat, rien que d’y penser j’en salivais. Le civet aux câpres, c’est ma madeleine de Proust. Elle faisait une sauce légère, onctueuse, ni trop épaisse ni trop liquide, ni trop salée. Il y avait une alchimie. J’ai refait ce plat 500 fois. Quelquefois, je l’ai réussi presque autant qu’elle, mais jamais autant.

Votre dîner idéal ce serait avec qui et avec quel menu ?Pour bien manger, il faut le faire avec des gens qu’on aime et dont on sait qu’ils apprécieront ce que vous avez fait pour eux. C’est moins réussi si on mange avec des pisse-froid, des gens qui ne peuvent pas supporter un mot plus haut que l’autre. J’aime bien la coloration des conversations, les gens qui me font rire, qui m’étonnent, qui m’épatent, qui m’enrichissent quelque part. Dans les amis connus, Marie Laforêt m’appelait trois jours avant pour être sûre que le cassoulet était déjà en train de mijoter. Pivot, je sais que ses mauvais goûts correspondent aux miens.

C’est quoi vos mauvais goûts ?Tous les plats en sauce, tous les bourguignons et compagnie qui sont la fête du palais et des sensations gustatives.

Vous parliez du cassoulet, racontez-nous comment vous le faites ?Je le fais avec mes haricots tarbais que je fais pousser dans mon jardin. Aujourd’hui, j’achète les confits d’oie, je ne les fais plus. J’élevais des cochons mais j’ai arrêté. J’achète des noirs de Bigorre et je prépare mes saucisses. C’est moi qui fais tout ou alors je ne le fais pas. Mon cassoulet n’est pas gras !

Il vient d’où le cassoulet ? De chez vous, de Castelsarrasin ?Il vient de partout en Occitanie toulousaine. Mais le plus flamboyant c’est celui de Castelnaudary.

Vous aimez les bonnes tables. Quels chefs ont vos préférences ?J’étais très copain avec BernardLoiseau. On s’appelait trois fois par jour. C’était un magnifique lui. Le ciel m’est tombé sur la tête quand j’ai appris ce qui lui était arrivé (Bernard Loiseau s’est suicidé le 24 février 2003, NDLR). Aujourd’hui, il y a Blanc à Vonnas qui est toujours exceptionnel. À Paris, Éric Frechon, le chef du Bristol, est formidable. Le comportement du guide Michelin avec la suppression des étoiles qu’ils ont faites à Guy Savoy et Christopher Coutanceau c’est une honte. Il faut qu’ils fassent un coup.

Vous pensez que c’est juste un coup médiatique ?Bien sûr. Quand ils avaient enlevé une troisième étoile à Jacques Lameloise (NDLR : le chef avait perdu sa troisième étoile en 2005 avant de la récupérer en 2007), je leur ai envoyé une lettre d’insulte de deux pages en les traitant de tous les noms. C’était une table irréprochable, une des plus belles au monde. Je ne sais pas si l’inspecteur n’avait pas trouvé une asperge trop ou pas assez cuite.

Quand on est chef, est-on toujours au top ?Ces gens-là sont tellement amoureux de ce qu’ils font qu’ils sont d’une vigilance incroyable. Pour moi, au fil du temps ils s’améliorent. Je n’ai jamais vu des gens aussi consciencieux que des chefs étoilés. Le seul avec qui je n’étais pas en adéquation totale c’est Bocuse qui n’était jamais dans sa cuisine. Il faisait partie des intouchables mais moi je trouve qu’il n’était pas toujours à la hauteur.

Vous connaissez les Pourcel ?Ils sont remarquables. C’est une des plus belles tables de tout le midi, toujours inventifs, à l’affût des saveurs, à goûter…

Ils sont un peu comme vous tous ces chefs. Ce sont des compositeurs…Voilà c’est ça ! Une de mes plus grandes fiertés c’est que plusieurs chefs étoilés m’ont dit : « Toi tu pourrais être des nôtres. Comme tu fais tes chansons, tu pourrais faire la cuisine comme nous. »

Pierre Perret et son ami le chef Michel Trama

De la recette du succès aux pieds dans le plat

La recette du succèsJe crois qu’il faut être fidèle à soi-même et que sans passion on ne peut rien faire. J’ai eu la chance de traverser la vie en vivant de ma passion, c’est-à-dire d’écrire des histoires qui sont partagées avec des gens que ça fait éclater de rire, sangloter, réfléchir, et il n’y a pas de meilleure musique que celle d’un éclat de rire dans une salle. Ce qui m’a guidé c’est ça, c’est pas autre chose.

La rate au court-bouillonIl y a beaucoup de choses qui me défrisent. J’aimerais qu’on mette de l’éducation civique. Et aussi qu’on apprenne à manger aux enfants.

Une recette bête comme chouC’est toujours les recettes les plus simples qui sont les meilleures. Une bonne omelette par exemple. Il suffit d’avoir des bons œufs, une bonne poêle, de savoir les mettre au bon moment sans trop les battre, et d’arrêter la cuisson quand il le faut. Le jour où on a réussi, il faut en faire profiter les copains.

Roulé dans la farineTous ceux qui ne m’aiment pas dans les journaux, l’ont fait 100fois. Il y a tant de voyous, de provocateurs, de vulgaires. J’ai lu des choses sur moi qui m’ont attristé mais souvent ça m’a fait rire aussi.

Soupe au laitMa femme dit que oui mais moi je ne crois pas. Elle doit savoir mieux que moi. Ça a dû s’arranger avec l’âge. On acquiert une certaine sagesse tout de même.

Les pieds dans le platAh oui ! Je fais ça avec mes chansons depuis tant d’années!

La cerise sur le gâteauJe voudrais que les enfants apprennent mes chansons dans les livres d’école.

CATHERINE UNAC

Près des poissons, loin des cons
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