Food & Sens a revisité à sa sauce le fameux questionnaire de Proust. En version culinaire bien sûr, histoire de cuisiner les chefs avant qu’ils ne passent aux fourneaux…
Oxana Crétu choisit Bordeaux comme port d’attache en 2006 et imagine sa partition de cuisine en langage clair, vivant et assumé. Autodidacte passée par le design, elle fonde INIMA, signifiant “de tout cœur” en Moldave, et ouvre sa table en septembre 2023. La cheffe revendique aujourd’hui une singularité forte : être la seule cheffe moldave en France répertoriée au Guide Michelin, et porte cette identité jusqu’au goût.
Son écriture culinaire met les fleurs au centre et non en décor : elle fait parler le coquelicot, le jasmin, le mimosa ou le sakura… qui parfument, structurent et signent ses créations. Elle puise son inspiration à travers ses racines, dans son enfance moldave : le feu de bois, les bouillons et la zeama familiale, puis elle transpose ces mémoires en nuances contemporaines. Elle recherche l’évidence et travaille des équilibres précis où l’iode dialogue avec une acidité vive et une douceur florale. Elle cueille et introduit chaque semaine fleurs et plantes sauvages pour que le vivant reste majoritaire dans ses plats, en assumant un cap responsable : elle ne cuisine pas de ruminants, limite le sous-vide à des poches biodégradables et privilégie des ingrédients sourcés autour de Bordeaux. Au fil des saisons, des baies de son pays natal jusqu’aux épices et poivres qui rythment ses jus et ses sauces, Oxana Crétu place la sincérité du geste avant le discours en racontant son histoire et celle des produits. Son prochain objectif ? Décrocher l’étoile non pour cocher une case, mais dans le but de faire reconnaître la signature d’une cuisine des fleurs, personnelle, équilibrée, durable, poétique et féminine.
Votre Madeleine de Proust – Le canard fumé de mon grand-père.
Un légume – La pomme de terre.
Un fruit – La pêche, et je suis pourtant allergique à la peau !
Une boisson – La limonade.
Une herbe aromatique – La verveine, sous toutes ses formes.
Une épice – Le poivre de Sansho de chez Damien Blasco.
Un dessert – La tarte au citron meringué et le Red Velvet.
Un produit que vous refusez de cuisiner – Le bœuf, je n’en cuisine plus depuis des années. J’ai pris cette décision pour l’empreinte carbone dans un premier temps et pour aller vers des chairs plus délicates. Je ne cuisine que la volaille et les produits de la mer au restaurant Inima.
Un geste quotidien pour la planète – Le tri sélectif, le compost au quotidien… Ne pas cuisiner le bœuf aussi ! Penser à ne pas laisser couler l’eau… Des petits gestes au quotidien, même avec mes enfants à qui je répète ces choses chaque jour…
Le mot d’encouragement à votre brigade – Pas un mot, plutôt un apéro convivial du vendredi soir ! Ma brigade est top, si je dois les encourager je leur rappelle notre grande motivation pour aller chercher l’étoile Michelin.
Un parfum – J’aime les extraits de fleurs que crée Julie de chez Quintessence. Mes préférées sont le jasmin et l’orchidée. En concentré, elles sont très surprenantes.
Une musique – They de Jem qui me motive toujours.
Une exigence – La fidélité.
Un Chef mentor – Très longtemps, ça a été Alain Ducasse. J’aime aussi beaucoup Adam Handling de Frog à Londres.
A qui aimeriez-vous ou auriez-vous aimé faire goûter votre cuisine ? A la présidente de la Moldavie, mon pays d’origine, ça va arriver le mois prochain !
Propos recueillis par Julie Garnier