Que l’on nous pardonne ce petit coup de gueule, un peu vif peut-être, mais sincère et argumenté.
Certains voudraient se raccrocher à leur petit pré carré et circonscrire le rôle de chacun, dans la restauration, comme on attache des chèvres à un piquet. Eux qui disent vouloir changer le monde et restaurer la noblesse d’un métier reconstruisent, derrière leurs belles paroles, des barrières que la profession commence à peine à outrepasser. Croyez-vous sérieusement qu’un serveur ne doive pas mettre un pied en cuisine et un cuisinier pas un pied en salle, autrement que pour sa tournée honorifique ?
En tant que professionnels, nous sommes tous dans le même bateau : nous pagayons et nous devons tous pagayer ensemble, et dans le même sens, avec pour objectif de satisfaire nos clients. L’essentiel est de valoriser toute l’équipe et de créer un moment d’exception pour le client. Et, au passage, si l’on pouvait combler une bonne fois pour toutes le fossé regrettable qui s’est creusé entre la cuisine et la salle, le mépris et l’incompréhension qui règnent parfois entre l’une et l’autre, on aurait franchi un très grand pas. En ce sens, ne pas admettre que des cuisiniers, voire des chefs, puissent se rendre en salle pour finir une cuisson ou préparer un plat au prétexte que cela est du ressort de la salle paraît une hérésie surannée et n’est pas de nature à faire progresser les choses. Cela ressemble aussi furieusement à un réflexe corporatiste hautain, égoïste et carrément ringard, n’ayons pas peur des mots.
Il faut, et c’est vital pour notre profession, valoriser le personnel de salle ! F&S cautionne les différentes initiatives menées actuellement, et de nombreux chefs, sinon la plupart des chefs, en font autant. Cessons les hostilités, messieurs, et voyons le monde tel qu’il est.
Pour ce faire, nous allons vous donner des exemples de ces restaurants qui cassent les barrières et font intervenir des cuisiniers en salle sans que cela fasse d’ombre au personnel de salle.
Noma, de René Redzepi, à Copenhague, sacré meilleur restaurant du monde par certains organes de presse (et aujourd’hui fermé), se passe des formalités entre la salle et la cuisine. Un membre de l’équipe de salle pouvait aller cuisinier pour terminer un plat et un cuisinier apporter le plat en salle. (lien)
Papillon à Paris XVIIe — Christophe Saintagne n’hésite pas à s’intégrer au service en salle. Il peut ainsi tout aussi bien servir un plat ou apporter un café ou l’addition. Il n’a pas peur de prendre place sur une banquette pour discuter cinq minutes avec des clients, même inconnus. Cela entre dans son concept de convivialité et les clients adorent. Il ne prend en aucun cas ni à aucun moment, le lead dans le service, mais il ne fait que l’appuyer si nécessaire pour le plus grand plaisir des dîneurs. (lien)
La Maison d’à Côté (près de Chambord) — Christophe Hay. Ici, les équipes de salle et de cuisine travaillent main dans la main dans une symbiose parfaite, mais c’est le chef qui prend les commandes et ce sont les cuisiniers qui apportent les plats. Ce n’est donc pas le cas que pour les F1 de la restauration (lien)
Le Louis XV à Monaco : Alain Ducasse est connu pour être un visionnaire, et c’est ainsi que, depuis la rénovation du Louis XV, il a fait installer une guérite au milieu de la salle permettant ainsi aux clients d’observer une chef préparer certaines entrées directement en salle. (lien)
À Alinea (Chicago), Grant Achatz prépare son dessert directement sur la table du client. Le chef, là aussi, casse les codes. La clientèle en redemande.
Chez l’Ami Jean (Paris), Stéphane Jégo (ci-dessus), plus d’une fois, a déposé devant le convivive une grande plaque de plastique blanc sur laquelle, très rapidement, il a disposé les ingrédients un à un pour composer le plat. Un repas chez Stéphane est toujours un spectacle et le chef met un point d’honneur à mettre la main à la pâte. C’est son savoir-faire et son talent qui se prolongent au-delà de la cuisine.
Et que dire de Sang-Hoon Degeimbre, chef de L’Air du Temps (à Éghezée, près de Namur, en Belgique), qui a d’ailleurs peut-être un peu lorgné sur Grant Achatz (voir plus haut) ? Lui aussi propose un dessert dressé à table, sur une grande plaque et de ses propres mains. Une espèce de tableau qui se mange. Nous citons ce cas pour ajouter que la pratique ne date pas d’aujourd’hui : cette expérience remonte à plusieurs années.
Vous me demandez mon nom ? Voici la réponse : nous sommes Food&Sens !
Bisettes à toutes et à tous, et à très vite sur Food&Sens !
Voir les commentaires (1)
perso je suis tout à fait d'accord avec le passage en salle , j'y vais deux fois ma femme (serveuse) apporte les mises en bouches, moi l'amuse bouche cela me permet de rencontrer mes convives de faire un peu la causette si j'en ai le temps, puis je réapparais une deuxième fois avec le digestif glacé perso avec l'anecdote de cette création , la on continu la conversation que je finirais après l'addition, donc amis cuisiniers mettaient un
pied en salle, participé les clients adorent....