Rencontre avec Pablo Gicquel, le chef pâtissier de l’Hôtel de Crillon : « Mes 3 missions sur place : plaire aux clients, motiver les équipes, et être épanoui »

 À Paris, rencontre avec Pablo Gicquel, le nouveau chef pâtissier de l’Hôtel de Crillon 

Sur les desserts de Pablo Gicquel, nouveau chef pâtissier du Crillon, le chef Christopher Hache est intarissable : « ses desserts sont bluffants du point de vue gustatif », me dit en interview le chef exécutif de l’hôtel ; ou encore, « j’ai énormément de respect pour lui et son talent ». Avant de conclure : « Pablo est voué à un très beau succès ». Avec un tel panégyrique, nous voici forcément intrigués. Dont acte : c’est sous les ors récemment refaits du Jardin d’Hiver, salon cossu où prendre le thé, que je rencontre Pablo Gicquel. À 29 ans, il embrasse son nouveau poste avec détermination, signant des créations aux visuels ultra ciselés, dont la forme fait écho aux décors du salon – hématites et améthystes. En poste depuis avril, il a la charge des six points food sucrés de l’hôtel (dont les amenities), aidé dans sa tâche par 21 collaborateurs ; qu’il souhaite, dit-il, voir tous « épanouis ». Ça commence bien. Au tour d’un des desserts en question : L’Éclat. Telle une déferlante chocolatée, ce dessert soigné fait de la gourmandise un crédo subtil. Sa surface polie participe elle aussi au charme de l’instant ; plurielle, elle marque l’explosion chromatique d’une toile contemporaine. L’interview qui suit en dévoile les coulisses.  À découvrir ci-dessous.  

F&S : Bonjour Pablo Gicquel ; parlez-nous de votre ADN sucré.

Pablo Gicquel : D’abord et avant tout, je me concentre sur le goût ; ma première mission consistant à faire plaisir aux clients. Dans un second temps, je m’emploie à faire des desserts qui soient dans l’air du temps. Il s’agit en effet de convenir à une clientèle voyageuse, habituée au meilleur. Et bien sûr, le tout passe par l’utilisation de produits d’exception ; d’où l’importance d’avoir des relations de proximité avec les producteurs locaux.

F&S : Le cadre dans lequel vous exercez est des plus inspirants… Vos desserts s’y rapportent-ils ?

P.G. : Tout à fait, mes desserts s’inspirent des nouveaux décors de l’hôtel. C’est d’après eux que j’ai élaboré le Goûter des Ducs. Voyez par exemple L’Éclat, une tarte au chocolat noisette ; ou encore, les Hématites, autre reprise du décor. De la sorte, je peux personnaliser davantage la pâtisserie de l’Hôtel de Crillon. Plus généralement, j’essaie aussi de signer des pâtisseries inspirées des métiers d’art ; en tant qu’artisan moi-même, cette perspective m’émeut beaucoup.

F&S : Ces dernières années, on constate un véritable avènement de la pâtisserie ; les gens s’affolent pour les créations de Cédric Grolet au Meurice, pour celles de François Perret au Ritz, ou encore celles d’Albert Adrià, qui vient d’ouvrir un restaurant-pâtisserie à Londres, le Cakes and Bubbles, à l’Hotel Café Royal. Qu’est-ce que ce phénomène vous inspire ?   

P.G. : C’est vraiment agréable de voir que les perspectives de notre métier s’élargissent. Je trouve ça fabuleux ; d’autant qu’il y a dix ans, il n’y avait pas tout cet engouement autour des pâtissiers et de leur travail.

F&S : Pour autant, est-ce que la célébrité de vos pairs rend plus difficile le fait de sortir du lot ?

P.G. : Je ne vois pas ça comme ça ; il y a de la place pour tout le monde. Tout ce buzz autour de la pâtisserie, c’est très positif. Quant à moi, mon but premier reste le même : que les gens aiment ce que je fais.

F&S : Maintenant que les pâtissiers sont davantage médiatisés, est-ce que le fait d’être chef pâtissier dans un palace entraîne une pression égale à celle des chefs de palaces ?

P.G. : Pour l’instant, la pression reste pire pour les chefs que pour les chefs pâtissiers (rires). Ceci dit, j’ai bien sûr une grosse pression sur les épaules : celle de relever le challenge qu’on m’a confié. Être chef pâtissier de l’Hôtel de Crillon à 28 ans, c’est un grand honneur. Surtout lorsqu’on sait les grands noms qui s’y sont succédés… Et la liste de ces grands noms est longue ! Heureusement, j’étais déjà présent pendant la préouverture, en tant que chef pâtissier adjoint. Donc la transition s’est faite en douceur.

F&S : Si vous deviez citer un mentor en pâtisserie, qui serait-il ? 

P.G. : Il y en a plusieurs. Le MOF Laurent Le Daniel, qui m’a révélé la beauté de ce métier ; de lui, je retiens la rigueur. Thierry Bamas, MOF également, et Champion du Monde des desserts glacés, dont je retiens la pugnacité. Laurent Jeannin (chef pâtissier du Bristol Paris), artiste du dessert aux assiettes extraordinaires. Julien Alvarez, champion du monde de pâtisserie. Jérôme Chaucesse, Meilleur Ouvrier de France, que j’ai connu lorsqu’il était chef pâtissier ici. Chez chacun, j’ai retenu ce qui me parlait le plus. Et d’eux tous, j’ai retenu que pour faire ce métier, il faut avoir l’envie du partage.

L’Hématite


L’Éclat

F&S : L’année dernière, Pierre Hermé a été titré meilleur chef pâtissier au monde par le 50 Best ; à quelques mois d’intervalle, Cédric Grolet était titré meilleur chef pâtissier au monde par Les Grandes Tables du Monde à New-York. Que vous inspirent ces titres ?

P.G. : Ces concours, ça fait rêver, bien sûr. Et puis, dans notre métier on a besoin de reconnaissance. Ces concours-là en apportent. En ce qui me concerne, mon objectif du moment ne se porte pas sur les concours ; il consiste à définir ma pâtisserie à l’Hôtel de Crillon, et à y remplir mes trois missions : plaire aux clients, motiver les équipes, et être épanoui.

F&S : Parlez-nous de votre fil conducteur sucré.

P.G. : Il s’agit de faire bon, bien sûr ; mais aussi d’être en cohérence avec les lieux, la cuisine, et les attentes du client. Je m’emploie également à être dans la continuité du chef exécutif Christopher Hache ; à ce titre, le Goûter des Ducs s’inscrit dans la lignée de L’Écrin, la table gastronomique. Disons qu’il en est la continuité sucrée. Pour s’assurer du maintien de cette harmonie globale, Christopher nous réunit une fois par semaine, et on fait le point. De la sorte, on travaille à l’unisson, comme un orchestre. Pour finir, je veille aussi à surprendre. 

F&S : Réduisez-vous l’usage du sucre dans vos créations, conformément à la tendance actuelle qui se veut plus saine et légère ?

P.G. : Oui, bien sûr, je suis dans cette mouvance du moins sucré. D’autant que le sucre ne doit pas se sentir dans un dessert ; il n’est pas là pour masquer les saveurs, mais pour servir d’exhausteur de goût.

Choux d’amour

Propos recueillis par Anastasia Chelini

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