© Texte et photos : Julie Limont
J’ai eu la chance de découvrir Le Clarence par le biais de sa sublime cave, quelques mois seulement après son ouverture, sur l’invitation d’Antoine Pétrus, chef sommelier d’alors, qui avait pris le temps de me conter l’histoire du Domaine Clarence Dillon, dont les propriétaires sont créateurs des lieux.
Trois ans plus tard, je reviens m’immiscer en cuisine et faire plus ample connaissance avec son chef talentueux, Christophe Pelé, et ses équipes, pour une immersion au plein cœur d’un service.
Me voilà donc de retour dans cet incroyable salon qui m’avait déjà soufflée lors de mon premier passage, et où l’on n’espère que patienter afin de prendre le temps d’en découvrir le moindre recoin. Une dizaine de clichés et un détour par la salle du restaurant plus tard, le chef arrive, souriant, pour quelques minutes d’échanges privilégiés.
Quand je l’interroge sur ce qui a marqué son parcours, Christophe me répond en une exclamation que 30 ans d’une vie de cuisinier peuvent difficilement se résumer en une phrase, et surtout que chaque rencontre, expérience, l’ont porté vers l’étape suivante, pierre après pierre, toutes ayant de fait été, même la plus anodine de prime abord, aussi déterminantes dans cette construction mouvante qui ne cesse de se modeler.
Alors je me contenterai de chuchoter ici quelques noms : Bruno Cirino, Pierre Gagnaire, Ledoyen, Lasserre, Le Bristol, Le Royal Monceau, et bien évidemment, La Bigarrade, où le chef était déjà doublement étoilé. Suite à la fermeture de cette adresse, Christophe a ressenti le besoin viscéral d’une vie « normale », loin des sacrifices inhérents à son métier de chef, nourrie de sport, d’art, de voyages, et des moments en famille qui pour être précieux n’en sont pas moins fugaces. Une année fut sabbatique, les deux suivantes lui offrirent la liberté de participer discrètement à l’ouverture d’un restaurant à Hong Kong, et son arrivée au Clarence, saluée quelques mois plus tard par deux macarons Michelin, signe donc son retour en pleine lumière, chargé de cette urgence à être pleinement présent à l’instant.
Les chefs Christophe Pelé et Giuliano Sperandio
Bulot sauce tartare
Gougères au vieux Comté et ci-dessous seiches en tempura, karashi, kiwi, sauce XO
La passion l’anime, le transperce, le chahute parfois en ces rires excusant les silences de qui se gêne quand on s’attarde sur lui. La passion le meut… l’émeut, également, et c’est sans doute le cœur de ce qu’il s’attache à transmettre et insuffler à ses équipes. Faire qu’ils soient là, à 100% présents, impliqués, dynamiser sans repos cette envie de donner, de partager, pour que jamais elle ne s’épuise ou s’affadisse.
Voilà pour lui le fond du travail, la vraie discipline, nourrir l’essence, les intentions, rester éveillé et sensible, en interaction permanente avec les émotions qui s’additionnent et se répondent.
De fait les services sont tendus vers ce but, et la mélodie initiée par les produits du jour se développe en modulations et contrepoints, orchestrée avec acuité et précision par le maître des lieux : les assiettes se déclinent, les menus se déroulent, selon les tables et ressentis du moment, en étroite collaboration avec les équipes de salle.
Ici, vous l’aurez bien compris, pas de plat signature, pas d’accord idéal non plus proposé par Gaëtan Lacoste, chef sommelier, entre flacons précieux et mets d’exception, juste des instants, envies, inspiration du jour et alchimie éphémère avec les attablés d’un soir.
L’art de toucher mérite le risque, le jeu subtil de l’équilibriste, l’écoute et l’attention en chaque seconde du cavalier qu’il est ; faire corps avec la cuisine comme avec l’animal, en toute humilité et don de soi, pour se nourrir d’harmonie, de plénitude, et de ses instants de grâce où l’émotion bouleverse.
Belle rencontre que celle-ci. Et un merci particulier à son chef Giuliano Sperandio, pour sa disponibilité et son attention.
Panoufle d’agneau, morille, jus au vin jaune
Huître, oseille, condiment gingembre ciboulette
Saint-Jacques à cru, avocat, condiment à l’orange, fleurs de roquette
Raviole aux blettes, sauce parmesan, truffe
Saint-Jacques à cru, champignon de Paris, lard de Colonnata, roquette, lait de buflonne
Gambas rouge de la méditerrannée, oseille, riz pourpre mochi
Riz de veau, panure aux épices, jambon noir de Bigorre
Asperge grillée, sauce hollandaise, condiment à l’orange, caviar, beurre d’amandes et pousses de céleri
Barbue, ris de veau, sauce pil pil, coques et fleur de capucine
L’agneau, qui partira en salle, sur une sublime table de tranche
Artichaut, pressé de foie gras et boeuf, truffe
Canard, pomme de terre, jus à l’encre de seiche, anchois à l’huile
Baba au rhum, oxalis, café
Chocolat, cardamome noire