En novembre dernier, à l’occasion du festival international de la truffe blanche d’Alba, nous avons rencontré Martino Ruggieri, le candidat italien au Bocuse d’Or 2019, qui nous a accueilli dans le locaux de l’Accademia Bocuse d’Or Italia où il se prépare depuis deux ans à la grande finale du 29 et le 30 janvier prochain. Le jeune chef adjoint du Pavillon Ledoyen à Paris du chef Yannick Alléno, venait de terminer une de ses longues journées de travail, en compagnie de son entraîneur François Poulain et de son commis Curtis Mulpas, au cours d’une longue conversation, nous a parlé de futur, de Bocuse d’Or et de Truffe.
Nous n’avions rien pu photographier du travail réalisé (la concurrence se faisait bien sentir à ce point de la compétition !), mais voici ce qu’il nous a dit :
F & S : Bonjour Martino, merci de nous accueillir ici. C’est un immense plaisir d’être dans les locaux de l’Accademia Bocuse d’Or Italia. Alors, la finale s’approche. Comment allez-vous ?
Martino Ruggieri : Bonjour. Je vous remercie de votre visite. Que dire ? J’ai hâte d’y être. Actuellement, je me sens profondément heureux. Je suis à la fin d’un voyage qui a duré environ deux ans et qui m’a permis de vivre des moments uniques.
F&S : Qu’est-ce que l’expérience du Bocuse d’Or vous laissera ?
MR : Des dizaines de souvenirs inoubliables. J’ai eu l’honneur de rencontrer et de collaborer avec certains des meilleurs chefs du moment et j’ai fait des choses que je n’aurais probablement jamais faites de ma vie : enregistrements de télé, interviews à la radio, showcookings… Sans oublier que je suis retourné travailler en Italie après beaucoup de temps et que mon pays m’a fait preuve d’une incroyable affection. Ma région, les Pouilles, par exemple, a voulu financer une bonne partie de mon expérience en collaboration avec la région du Piémont et m’a décerné aussi une reconnaissance, le prix Vincenzo Caramia, pour mon travail de promotion de l’œnogastronomie locale. Et dire que si le chef Alléno n’avait pas insisté, peut-être que je ne me serais jamais inscrit…
F&S : Nous avons vu comment il vous soutenait lors des finales européennes…
MR : Oui, c’était formidable de le voir nous encourager malgré nous étions en compétition avec la France. Et, franchement, j’ai hâte de retourner travailler chex lui. De plus, ma vie à Paris me manque. C’est une ville tellement inspirante pour un chef ! J’aime me perdre dans les marchés et parmi les anciennes coutelleries de la Ville Lumière…
F&S : Comment c’était de revenir en Italie ?
MR : Au début c’était un choc. Passer de Paris, ville immense et stimulante, à Alba qui est un tout petit village, n’a pas été facile. Cependant, je dois avouer qu’avec le temps que j’ai passé ici, j’ai redécouvert la valeur de la tradition, la beauté de pouvoir discuter directement avec les petits producteurs et le plaisir de vivre à un rythme plus lent. Sur le plan gastronomique, en plus, nous parlons d’un territoire très intéressant où j’ai pu compter sur les conseils des 11 chefs étoilés (dont Enrico Crippa***,président de l’Accademia Bocuse d’Or Italia, qui figure aussi parmi les 50Best) et j’ai pu améliorer ma connaissance des pâtes fraîches et des vins du terroir. Alba a été également très pratique pour nous, car elle est très proche de Turin (où s’est déroulée la finale Européenne) et, bien sûr, de Lyon.
F&S: Et comme nous le savons, Alba est aussi connue dans le monde entier pour ses truffes. Aimez-vous ce noble produit ?
MR : Oui, beaucoup ! J’adore le manger, en particulier le blanc, même si en tant que chef je préfère le noir car c’est un excellent ingrédient à cuisiner, contrairement au blanc qui se consomme cru et qui nécessité tout juste d’un bon plat à son support. Bien évidemment, en tant que cuisinier, je préfère créer et expérimenter.
F&S: Pour en revenir au thème Bocuse d’Or, quelles sont les équipes que vous craignez le plus ?
MR : Pour être sincère, il n’y a pas une équipe que je crains plus que les autres. Je pense qu’à ce stade de la course, le niveau est si élevé que tout le monde peut gagner. Certainement, les pays scandinaves (la Norvège, le Danemark et la Suède), ainsi que le Japon, les États-Unis et la France, qui part toujours en tant qu’outsider mais qui se place très bien chaque année, sont à surveiller.
F&S : Que pensez-vous des deux thèmes choisis, la chartreuse de légumes aux fruits de mer et le carré d’agneau?
MR : Je ne pourrais pas être plus heureux. D’abord, parce que j’ai eu l’honneur de travailler avec Joël Robuchon et je suis fier de pouvoir réinterpréter l’une de ses recettes (ndr. la chartreuse de légumes), ensuite parce qu’elles sont toutes les deux des recettes très techniques et je pense que dans une finale comme celle du Bocuse d’or, ce sera formidable de voir les cuisiniers se mesurer avec des tels jalons. De plus, je suis très curieux de voir comment chacun les interprétera.
F&S: Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que nous verrons à Lyon ?
MR : Je peux seulement vous dire que nous visons la victoire, bien sûr, et que nous espérons prendre une revanche sur le thème sur plateau qui n’avait pas été autant apprécié à Turin. Le plateau qu’on ramènera à Lyon a été crée par Luisa Bocchietto, présidente de la World Design Organization. Cette fois, nous allons amener sur scène l’Italie dans toutes ses représentations les plus fortes en matière gastronomique. Tradition et créativité : voici l’idée de cuisine italienne qu’on veut représenter le 29 janvier.
F&S : Vos projets pour l’avenir ?
MR : Juste après le Bocuse d’Or, je veux reprendre mon travail au Pavillon Ledoyen. Il m’a beaucoup manqué. Après, je ne sais pas. Un jour, j’aimerais ouvrir mon propre restaurant, peut-être à Paris. Mais maintenant il est temps de se concentrer sur la finale, je penserai à tout ça plus tard.
Nous, on a hâte de découvrir ce que le futur réservera à ce promettant chef. Entretemps, il ne nous reste plus que de lui souhaiter une très bonne chance !
In bocca al lupo, Martino !